Franklyn A. Johnson, 1st Infantry Division
JOHNSON Franklyn A.
1st Lt, Anti-Tank Co, 18th Infantry Regiment
1st Infantry Division US Army
Publiés pour la première fois en 1949, les mémoires de Franklyn A. Johnson, intitulés One More Hill, restent un best-seller incontournable aux Etats-Unis. Les citations présentées dans les lignes suivantes sont extraites du présent ouvrage.
Depuis son plus jeune âge, Franklyn A. Johnson était prédestiné à suivre une carrière militaire. Ce jeune homme, originaire de Rochester (Etat de New York), était issu d’une famille militaire au sein de laquelle les parents étaient tous deux officiers de l’armée américaine. C’est pourquoi, en 1939, notre homme intégra l’Académie Militaire de Riverside (ou ROTC) chargée de former les officiers remplaçants de l’US Army.
En 1942, fraîchement diplômé et promu au grade de 1st Lt, Franklyn Johnson fut envoyé à Fort Benning avant de quitter le territoire américain en septembre de la même année, destination l’Irlande, puis l’Angleterre. Là, il découvre l’unité avec laquelle il combattra en Afrique du Nord, en Sicile puis en France : la Big Red One (ou 1st Infantry Division). Ce fut précisément à la tête du 3ème peloton, Anti-Tank Company, 18th Infantry Regiment, que le jeune officier (21 ans en 1942) allait devoir opérer et mener ses hommes au combat.
Lors de la période d’entrainement en Angleterre, il tardait aux GI’s d’être enfin confronté à l’ennemi comme l’évoque Franklyn Johnson : « Nous travaillons dur, buvons trop et quelque part, chacun rêve de passer à l’action avec la Première [division d’infanterie] ».
L’échéance tant attendue vit le jour au mois de Novembre 1942 lorsque fut déclenchée l’opération « Torch », autrement dit, le débarquement allié en Afrique du Nord. Le baptême du feu fut rude pour Johnson, en particulier lors des combats en Tunisie. Il combattit au front pendant 112 jours sans interruption (soit un nombre de jours supérieur à celui effectué par la Big Red One lors de la Première Guerre mondiale dans son ensemble).
Puis ce fut au tour de la Sicile de voir débarquer les hommes de la 1st Infantry Division, en juillet 1943, dans le cadre de l’opération « Husky ». Sans vouloir minimiser le risque et les pertes subies par la division, force de constater que cette campagne fut l’occasion pour notre officier de voir du pays, et ce, jusqu’au mois d’octobre 1943, date à laquelle, la division fut réembarquée sur les navires alliée et acheminée vers l’Angleterre.
On le sait, si tant d’hommes et de matériels se concentrent sur les îles britanniques dès 1943, cela signifie que l’Invasion de l’Europe et la course vers Berlin est proche. En mai 1944, depuis le camp de Dorchester, la destination finale fut enfin connue des officiers de la Big Red One. On imagine l’excitation palpable qui habitait chaque acteur de cette opération militaire sans précédent. Dans ses mémoires, Franklyn Johnson se souvient : « Les murs du poste de commandement sont tapissés de cartes, photos et croquis montrant Omaha Beach et la sortie E-1 [Vallée du Ruquet], la notre. […] Lorsque les hommes du 3ème peloton entrent à leur tour dans cette pièce, ils me bombardent de questions… Les ordres sont simples : Ce peloton mènera l’assaut, en soutien du 3ème Bn [18th IR], sur la Forteresse Europe le Jour-J, participant à la mise en place d’une tête de pont, protégeant celle-ci des éventuelles attaques de blindés ennemis… En ce qui me concerne », ajoute t-il, « l’Oncle Sam, a décidé de me faire débarquer aux côtés du colonel Sisson [3ème Bn – 18th IR] et de son état major afin de reconnaitre les lieux et la situation des tanks avant que mon peloton ne débarque à son tour depuis son LCT, parmi les vagues suivantes ».
Le 2 juin 1944, dans le port de Weymouth, Johnson embarquait sur le vaisseau de guerre USS Texas. Convoyé par un chaland afin de rejoindre le navire, il se remémore ces quelques détails : « c’est rassurant d’apercevoir ici ou là des petits drapeaux français ou italiens peints sur la coque des vaisseaux de guerre… Cela signifie que le bateau et son équipage sont des vétérans des invasions précédentes. Le Dimanche matin [4 juin], l’aumônier Rogers a tenu une messe en plein air, nous rappelant ainsi de l’approche imminente du grand test… ».
Extrait de son journal de guerre :
« Lundi 5 juin 1944. Le temps est un peu meilleur. En route pour la France à 17h15. La mer est bel et bien agitée. Jour-J -1.
Mardi 6 juin 1944. C’est le Jour-J. Heure-H : 6h30. Les gens au pays seront surpris aujourd’hui. Les navires lance-roquettes, les vaisseaux de guerre et les bombardiers créent une véritable fournaise sur la côte. Nous tournons en rond [dans notre barge]. Attendant notre tour. J’ai quitté le navire [USS Texas] vers 12h30 aux côtés du 3ème Bn. Les canons sont chargés et mis en route vers 17h00, mais tout sombre dans la Manche, excepté un canon de 57mm et un de nos camions, y compris mes effets personnels. Pappy et Griffey tués au combat sur la plage, épisode traumatisant. La moitié du peloton obtient la Purple Heart… »
A nouveau, il apporte quelques précisions dans ses mémoires concernant la journée du 6 juin 1944 : « Je progresse à travers les zones minées puis nous traversons une zone inondée avant de débuter l’ascension. Plusieurs objets abandonnés sont étendus le long du chemin balisé. Plusieurs soldats sont gravement blessés, d’autres ont le visage recouvert d’une couverture… ceux-là n’ont pas pu atteindre le sommet ».
« J’arrive au sommet, complètement épuisé. […] Je m’assoie un moment pour reprendre mon souffle et tenter d’apercevoir le LCT qui transporte mon 3ème peloton. Pour la première fois, je peux enfin penser par moi-même et non plus de façon mécanique, suivant la file de soldats. […] L’USS Texas tire toujours. Je vérifie mon équipement, afin d’être certain de n’avoir rien perdu. Par-dessus ma combinaison imprégnée contre les gaz, j’ai ma veste de combat. De plus, ceux de la première vague ont été équipés d’une veste d’assaut. D’où je suis [à l’extrémité ouest de l’actuelle cimetière militaire américain de Colleville-sur-Mer], on peut voir toute la plage jusqu’à plusieurs kilomètres à l’horizon. Autour de moi se trouvent des bunkers explosés et des cadavres allemands, partout ».
A gauche : La plage d’Omaha Beach au soir du 6 juin. Certains corps attendent toujours d’être pris en charge par les services de sépultures… débordés. (NARA)
Ci-dessus : Vue de la plage depuis le Wn 64, site depuis lequel
Johnson contempla les alentours après avoir débarqué. (NARA)
La nuit tombée, Franklyn Johnson, dans une parcelle située à mi-chemin entre les commune de Colleville-sur-Mer et Saint-Laurent-sur-Mer, trouva enfin le temps de prendre un peu de repos malgré la présence de plusieurs tireurs isolés dans les parages : « La nuit est extrêmement froide et nous n’avons qu’un petit morceau de couverture. La boue nous rappelle la Tunisie… Chacun s’adosse à son compagnon d’arme et se met à penser. Je me remémore de meilleurs jours… la maison… l’Académie Militaire de Riverside… Rutgers… la Sicile… le confort et l’hospitalité des Anglais… Pappy et ses services au sein du 3ème peloton… Que pensent les gens au pays maintenant que la grande Invasion a débuté ? ».
Débuta ensuite la progression dans l’intérieur des terres. Le 8 juin, les hommes du 1st Lt Johnson atteignaient Mandeville-en-Bessin. La fatigue se lisait alors sur tous les visages : « Avez-vous déjà vu un homme après trois jours sans se laver ni se raser ? C’est désolant… Mais nous sommes tous dans le même cas ». S’ajoutait à cela l’inquiétude générale quant à la réussite des opérations de débarquement en Normandie. Rien n’était gagné d’avance pensait-on : « Nous connaissons l’état des lieux de notre petit secteur mais nous ne savons rien de la situation générale, le grand tableau… ».
Le 10 juin, les villages de Vaubadon, Le Tronquay puis Balleroy sont libérés par le 18th Infantry Regiment. Le 13, ce fut à La Vaquerie qu’une partie du régiment prit ses quartiers. D’ici, une progression lente devait être entamée en direction de l’ouest vers le village de Vidouville, là où les choses prirent une tournure tragique pour Franklyn Johnson.
Extrait de son journal de guerre :
« Dimanche 25 juin. Lors du repas de midi, le colonel Sisson a évoqué une patrouille qui serait envoyée pour étudier le tank ennemi mis hors de combat sur la route de Vidouville. J’ai demandé à y aller et Sisson a accepté ajoutant un escadron mené par deux nouveau officiers. En route, abrité les long des haies.
Soudain une flopée de snipers se met à cracher l’enfer. […] Je sens une douleur sous mon épaule gauche… Je me retrouve par terre, allongé sur le dos, sonné, mais assez lucide pour voir la présence de Gardner à mes côtés. Ses doigts étaient tachés de mon sang, coulant maintenant sur le sol normand. Il me disait « Comment ça va ? », tout en me débarrassant de mon ceinturon, mes cartouches et mon pistolet. J’ai difficilement sorti « je suis en train de mourir – prends les hommes en main » puis ce fut le noir total… j’étais seul.
Est-ce vraiment la fin ?... la même fin que Dick et Pappy ?... ne jamais revoir ma mère, mon père et Gram ?... Ne jamais avoir l’opportunité d’expliquer ce qui s’est passé… Pourquoi m’en vais-je ? »
Le 25 juin 1944, à 250 mètres à l’est de Vidouville, le Lt Johnson était gravement blessé avant de perdre connaissance et être fait prisonnier par l’ennemi, direction Saint-Lô. Il reprit ses esprits deux jours plus tard, tandis qu’un chirurgien allemand avait procédé à une opération sans la moindre anesthésie.
Début juillet, se remettant lentement de ses blessures, Johnson fut transféré au Stalag 221, à Rennes, où il rejoint quelques 700 autres prisonniers alliés. Puis, le 4 août 1944, la 8th Infantry Division entrait dans Rennes, libérant ainsi les prisonniers infirmes laissés après le repli allemand.
Après deux mois de convalescence passés en Angleterre, Franklyn Johnson fut renvoyé par avion vers les Etats-Unis le 18 octobre 1944. On imaginera aisément le soulagement de la part de ses proches qui l’avaient cru mort au combat depuis que la télégramme envoyé par l’Intendant Général de l’armée américaine avait annoncé le décès du jeune officier en Normandie, le 25 juin 1944…
Interview de Franklyn A. Johnson (en anglais) réalisée en 2005 => http://www.colliergov.net/index.aspx?page=624

Dédicace de Franklin Johnson ( coll. Big Red One Muséum )
Veste de parade du Lieutenant Johnson
La veste de parade de l’Académie Militaire de Riverside (ROTC – Riverside Officers Training Camp) portée en 1942 par Franklyn A. Johnson. Ce dernier aura passé quatre années à Riverside afin de suivre une formation visant à enseigner l’art de mener un groupe d’hommes au combat. (Collection privée )
Article réalisé par Antonin Dehays