La 6ème division aéroportée et le Débarquement en Normandie.
Les troupes vont débarquer sur Sword Beach à l’aube. Mais auparavant il faut protéger le flanc Est de la zone du débarquement allié et faciliter l’accès aux plages et à Caen aux unités d’infanteries et de blindées Britanniques.
Ce sera la mission de la 6e division britannique aéroportée, et ce volet lui est consacré.
5 juin 1944 : les paras se préparent avant de sauter sur la Normandie.
De gauche à droite: les lieutenants Edward de Lautour, Don Wells, John Visher et Robert Midwood
Ce sont les 4 chefs de stick de la 22nd Independent Parachute Compagny.
Les troupes allemandes du Mur de l'Atlantique
La principale force d’opposition est constituée par les hommes de la 716. Infanterie-Division du Général Richter dont le pc de commandement est basé à Caen et qui dépend de la 7. Armée du Général Dollmann. Sa constitution est déjà abordée dans le volet consacré à Omaha beach.
Parmi les défenseurs allemands se trouve également la 711. Infanterie-Division rattachée à la 15. Armée, et commandée par le Generalleutnant Reichert, dont le QG est à Pont-l’évêque. Forte de 14 000 hommes, cette division à en charge la protection du littoral à l’Est de l’Orne. Ses soldats sont de différents horizons (russes, turkmènes), sa combativité est donc relative.
La batterie de Merville commandée par le Capitaine Wolter est aussi dans les parages : équipée d’obusiers légers de 100 mm et d’une portée de 9 800 mètres, elle est tenue par 130 hommes. Jusqu’en 43, ses canons sont à ciel ouvert. Puis quatres casemates sont mis en chantier jusqu’au 6 juin 1944. Ses tirs peuvent menacer la plage de Ouistreham, là où vont férailler les hommes de commandant Kieffer du 1er BFMC.
N’oublions pas un obstacle de choix dans les objectifs des alliés, représenté par une redoutable division blindée, la 21. PanzerDivision, stationnée autour de la ville de Caen.
La 6th British Airborne Division en formation en Angleterre
Pendant les années 30, les autorités Britanniques ne sont pas très enthousiastes vis-à-vis de l’arme aéroportée. En effet, elles doivent déjà payer les imposants frais de l’équipement des troupes terrestres, alors pour financer des parachutistes, ce n’est pas à l’ordre du jour. Contrairement aux démonstrations prometteuses des unités parachutistes italiennes et soviétiques, le projet du port du béret rouge en Grande-Bretagne reste donc dans les cartons.
Seulement la guerre éclate en 1939, et le Premier Ministre Winston Churchill entend bien mettre sur pied des troupes de choc. Sous son impulsion, le 21 juin 1940 est créé un centre d’entrainement sur l’aérodrome de Ringway, près de Manchester. D’abord appelé le Central Landing School, il devient en septembre le Central Landing Establishement RAF. Les parachutistes, les fantassins et les pilotes de planeurs sont alors dépendants du N°2 Commando. Puis le 21 novembre 1940, tous ces hommes forment le N°11 Spécial Air Service Battalion. En juillet 1941, l’école de Ringway change définitivement de nom pour le N°1 Parachute Training School.
Les hommes s’entrainent dans des hangars, sur des ateliers spécifiques élaborés par l’officier instructeur, le Flight-Lieutenant Kilkenny. Ce parcours prend alors dans les rangs le sobriquet de Kilkenny Circus. Notez que les troupes Polonaises vont apporter leur contribution en mettant au point une tour haute de 30 mètres d’où sautent les élèves afin de contrôler leur vitesse et la direction de leur voile en tirant leurs suspentes. Puis arrive enfin l’ultime instant du saut bien réel et en autonomie depuis un avion de type Stirling ou Whithley.
En août 1941, un nouveau centre voit le jour près de Chesterfield, à Hardwick Hall. Il accueille les volontaires de plus en plus nombreux et fait office de site de sélection des candidats au brevet de para. Les exercices sont éprouvants : combat au corps à corps, marche rapide, tirs, saut derrière un camion en marche ..... Les meilleurs éléments partent ensuite pour Ringway. Pour les autres, le terrible RTU, Return to Unit, s’abat sur leurs dossiers. Leur rêve de devenir parachutiste s’évapore.
Sachez également que les soldats transportés par planeurs ne sont pas des volontaires comme les paras, mais des troupes affectées par l’Etat Major. Cependant, les hommes désireux de poursuivre leur carrière dans l’armée "classique" peuvent demander leurs réaffectations.
Venons-en à la 6th British Airborne Division. Elle est créée en avril 1943 et est placée sous le commandement du Général Richard Gale. Seconde division aéroportée de l’armée Britannique, elle porte le N°6 pour leurrer les services de renseignement allemands. Pour l’ennemi, les anglais sont donc censés posséder six divisions aéroportées, et non deux !
Insigne de la 6th Airborne. Il représente Béllérophon, figure de la mythologie grecque, chevauchant Pégase, son cheval ailé. Il fut dessiné par un officier du Southern Command, Edward Seago, quand aux couleurs, elle furent choisies par le général Browning. Il les portait pendant ses courses hippiques avant la guerre.
Membres de la 6th Airborne amusés par les graffitis à la craie sur leur planeur Horsa (Impérial War Muséum)
Et le fameux béret amarante dans tout ça ? On le doit au Général Browning qui commande en 1942 les troupes aéroportées. Auparavant, chaque unité portait son propre couvre-chef. Browning fait fi de tout cela et standardise la coiffure du para. Comme les tankistes, ils porteront un béret de laine de couleur Maroon, marron pourpré. Comme ça, on reconnaitra les hommes de Ringway de loin! Voilà, le mythique béret amarante vient de naitre devant vos yeux. Aujourd’hui, une majorité de pays ont repris cette distinction pour leurs parachutistes.
L’apprentissage des troupes Britanniques sera laborieux et coûteux en vies humaines. Les premières opérations tournent parfois au fiasco :
- opération Colossus en Italie en février 1941
- opération Biting au Havre en février 1942
- opération Freshman en Norvège en novembre 1942
- opération Torch en Afrique du nord en novembre 1942
- opération Husky en Sicile en juillet 1943
Ces raids plus ou moins bien orchestrés constituent les bases solides qui vont apporter les repères nécessaires aux hommes qui devront mener à bien les différentes missions dans la nuit normande.
Au soir du 5 juin 1944, la 6th Airborne Divison est forte d’environ 12 200 hommes, composée de parachutistes et de fantassins transportés par planeurs. On y trouve en plus 600 canadiens, une brigade de commandos (dont les 177 français du commandant Kieffer), les 2 200 hommes de la brigade belge Piron et la néerlandaise Princesse Irène du Colonel Ruyter van Steveninck.
Le général Gale encourage ses bérets rouges avant l’heure fatidique (IWM).
La division Britannique aéroportée à l'assaut de la Normandie
Les paras seront donc largués au Sud-Est du secteur Sword, à droite de l’Orne, où une partie du sol est marécageuse. Trois missions principales se dégagent pour mener à bien le débarquement, et doivent être réalisées avant l’aube.
- Prendre intact les ponts de Bénouville sur le canal de Caen et de Ranville sur L’Orne, seuls points d’accès vers La Manche entre la préfecture du Calvados et le littoral.
- Détruire 5 ponts sur la Dives de façon à cloisonner la zone de combats et empêcher les contre attaques allemandes. Ces ponts sont à Troarn, Robehomme, Varaville et enfin 2 édifices à Bures.
- Faire taire les canons de la batterie de Merville afin d’éviter les tirs ennemis sur la plage de Sword.
Des coups de main héroïques le 6 juin 1944 :
Angleterre, 4 ou 5 juin 1944 : Le général Gale (au centre, de face) parle aux troupes de la 5ème brigade de parachutistes. (IWM)
Ce soir du 5 juin, deux habitants de ce coin du Calvados, Auguste Delaunay et Alexandre Sohier, sont requis pour monter la garde avec les allemands. Ils commencent leur garde à 20 heures à l’entrée du pont levant de Bénouville, entre les cafés Gondrée et Picot, et ne connaissent pas encore le destin funeste qui les attend. Les forces d’occupation sont fébriles, on signale des mouvements d’aviation anormaux aux alentours. Les soldats qui logent à Bénouville et Ranville sont partis en exercice de nuit, ainsi nos deux civils se retrouvent à faire les 100 pas sur le pont aux côtés de deux autres sentinelles allemandes.
Au loin, à des centaines de pieds au dessus de La Manche, six planeurs tractés par avions filent dans la pénombre. Ils sont chargés de pilotes chevronnés et de soldats concentrés, la D Compagny du 2nd Oxford and Buckinghamshire Light Infantry s’apprête à ouvrir le grand bal d’une multitude d’opérations visant cette nuit à forcer le verrou du Mur de l’atlantique sur le littoral normand. A 0h 15, trois planeurs sur les six prévus se posent à quelques mètres du pont de Bénouville près de l’étang. Le quatrième et cinquième atterrissent à proximité du pont de Ranville, le sixième s’est déporté à 13 kilomètres, près de Perriers-en-Auge ! L’opération Tonga est lancée, le Major Howard commande les 180 hommes qui composent la troupe d’assaut. Le bruit de l’atterrissage est couvert par les tirs de la défense anti-aérienne et les sentinelles allemandes et civiles françaises ne prêtent pas attention à ce qui se déroule à côté d’eux. Les anglais connaissent l’ouvrage par cœur pour s’être entraîné sur une maquette grandeur nature en Angleterre. Le pont de Bénouville est pris en 10 minutes avec sang froid après quelques échanges de tirs. L’ouvrage devait être piégé, mais les parachutistes constatent que seuls les détonateurs sont posés, les explosifs sont manquants.
Malheureusement pendant l’attaque, les Britanniques ont eu deux tués : le Caporal Greenhalgh s’est noyé dans l’étang, le Lieutenant Brotheridge a été mortellement touché sur le pont. Mais le temps presse, la compagnie D se déploie en position défensive aux abords du canal de Caen pendant que la nouvelle parvient au Major Howard : le pont tournant de Ranville est lui aussi aux mains des Red Devils. Le radio Ed Tappenden peut alors envoyer à l’Etat-Major le message codé Ham and Jam, synonyme que les deux ouvrages normands ont été pris par les Britanniques. Le Major Howard fait un point sur la situation puis établi son PC au café de la famille Gondrée en attendant les renforts de la cinquième brigade devant arriver vers une heure du matin. Ces derniers affluent et le village de Ranville est libéré vers 2h30, puis une heure plus tard, le Général Gale établi son QG dans le bas Ranville.
A Bénouville, Auguste Delaunay et Alexandre sohier ont été tués dès le début de l’assaut Britannique, car difficilement identifiables dans la nuit au milieu des ennemis. Le patron du café Picot, Louis, a eu la mauvaise initiative d’apparaître devant son établissement et de crier pendant l’engagement "Vive les Anglais!" Il sera retrouvé inerte, criblé de balles. Ces trois civils auront la mention "Morts pour la France" portée à leur acte de décès. Pendant plus de douze heures, les paras subissent les assauts répétés des allemands. Encerclés, ils doivent tenir les deux ponts coûte que coûte.
Au large, la marine alliée règle ses tirs dans le but d’atteindre plus au Sud la ville de Caen et préparer ainsi le terrain pour la poussée des troupes Britanniques venues de Sword Beach vers cet objectif qui devra être prit dans la journée. Mais les bateaux tirent trop court et les lourds obus s’abattent à mi-distance sur les deux villages et inquiètent même les paras les plus aguerris. Un soldat inquiet lance au Major Howard " Sacrebleu, mon commandant, ce ne sont pas des obus qu’ils nous envoient, ce sont des Jeeps ! "
Mais les Allemands ne renoncent pas et appuyés par l’artillerie, ils lancent plusieurs contre-attaques, dont huit face au pont de Ranville. Les Anglais tiennent jusqu’à l’arrivée des commandos de Lord Lovat venus de Sword. Incrédules, l’espace d’un instant, ils croient reconnaitre au travers du sifflement des balles le son d’une cornemuse. Est-ce la fatigue ? Non, c’est Bill Millin qui souffle dans son instrument, les commandos arrivent ! Il est 13h32.
Le 7 juin, les lance corporals A. Burton et L. Barnett tiennent fermement leur position à Ranville
(Impérial War Muséum)
Le premier objectif est atteint, quand est il des deux autres ? Dans le même temps les cinq ponts se trouvant sur la Dives sont détruits ce qui contrarie fortement les stratégies allemandes. La mission concernant le pont de Troarn mérite d’être mise en lumière :
Le Major Tim Roseveare qui commande le 3rd Parachute Squadron doit détruire ce pont. Mais il a été largué à 11 kms de Troarn. Avec huit de ses hommes, il réquisitionne une jeep, y attelle une remorque bourrée d’explosifs et tous partent vers l’ objectif armés jusqu’aux dents. Une sentinelle ennemie les remarque aux abords du village. Elle est abattue d’une balle, ce qui donne l’alerte dans Troarn. Il n’y a plus à réfléchir, la jeep fonce à 50 km/h dans la grande rue et les hommes des deux camps tirent de toute part. Les balles criblent le véhicule, chaque maison semble abriter plusieurs tireurs allemands. Par miracle, ni les hommes ni les explosifs ne sont touchés ! Seul un parachutiste Britannique manque, tombé de la remorque pendant la course folle et fait prisonnier. Ses camarades disposent leurs charges et le pont saute vers 5h. Le groupe s'évanoui alors dans la nuit vers l’Ouest pour rejoindre Le Mesnil.
Le dernier objectif est l’arraisonnement de la Batterie de Merville et ses 130 occupants. Cette tâche est dévolue au 9th Para Battalion du Lieutenant-Colonel Terence Otway.
Mais beaucoup des soldats prévus pour cette opération sont largués un peu partout dans la campagne normande et non aux abords de la batterie. Les planeurs remplis d’équipements de soutien sont absents. Otway réussi à rassembler 150 hommes sur les 750 qui étaient prévus, plus une mitrailleuse ! Les assaillants se retrouvent dépourvus d’artillerie et de matériel médical. Qu’à cela ne tienne, le groupe se met en route et apprend que l’aviation a en plus manqué son bombardement sur la batterie. Les Britanniques sont parfaitement entraînés car ils ont évolué maintes fois sur une reproduction de leur cible en Angleterre. Le premier groupe d’assaut se frayent un passage à travers les champs de mines et les barbelés. Deux couloirs sont pratiqués dans les défenses, en silence. Un second groupe, pour une diversion, se dirige vers l’entrée. Pendant l’attaque, trois planeurs doivent se poser dans l’enceinte de la batterie et acheminer ainsi des renforts. En chemin, les paras sont aux aguets, derrière le bois tout proche se trouve deux postes de MG. Soudain deux des trois planeurs surgissent de la nuit (le troisième est resté cloué en Angleterre suite à une rupture de câble avec l’avion tracteur). Le premier aéronef passe au dessus du complexe, essuie des tirs puis disparait, le second, touché lui aussi par les défenses ennemies, s’écrase en arrière dans un verger. L’heure n’est plus aux tergiversations, les Britanniques attaquent les positions de mitrailleuses. C’est le signal de l’assaut pour tous les parachutistes. Les deux MG sont neutralisées, les diables rouges foncent vers l’entrée de la batterie. Pendant ce temps, les hommes du premier groupe passés par le champ de mines prennent les casemates à revers. La mitrailleuse Vickers du sergent Knight positionnée plus en retrait réalise des miracles et fait taire trois mitrailleuses allemandes. Les anglais courent aux casemates et un furieux corps à corps s’engage. Et finalement les attaquants prennent le dessus.
Photo aérienne de la batterie de Merville après un bombardement subit en mai 1944.
Le raid aérien n'aura pas réussi à neutraliser la batterie avant le Débarquement en Normandie (Impérial War Muséum)
Les hommes sont médusés. La batterie devait d’après les américains contenir des canons de 155 mm. Et ils se trouvent face à des obusiers de 105 bien moins imposants, mais néanmoins dangereux pour le bon déroulement du débarquement sur le secteur Sword Beach. Les pièces d’artillerie sont détruites avec des grenades Gammon à défaut d’autre explosif. Les paras doivent signifier leur succès, car si la marine alliée ne constate pas le succès de l’entreprise d’Otway, elle ouvrira le feu sur la batterie de Merville à 5h30. Ils envoient un pigeon messager et tirent une fusée éclairante au passage d’un avion. Le croiseur Arethusa ne canonnera pas le site.
Cette nuit là le 9th Para Battalion a eu 50 % de pertes, 5 officiers et 65 soldats sont blessés ou tués. Le Lieutenant-Colonel Otway se repliera ensuite avec ses hommes auprès des communes d’Hauger et Amfreville et défendra ses positions comme ses camarades postés à Ranville et Bénouville.
Ainsi, au matin du 6 juin 1944, pendant que d’autres découvrent ou retrouvent le sol français sur les plages normandes, les paras de la 6th British Airborne Division se sont acquittés de tous leurs objectifs, toujours dans des conditions périlleuses, mais souvent héroïques. Leur esprit d’initiative et leur courage ont permis de sécuriser le flanc droit de la zone d’invasion alliée, de rassurer l’Etat-Major aux premières heures de l’opération Overlord et de donner raison à Sir Winston Churchill sur l’efficacité des unités aéroportées Britanniques.
Voir le diaporama sur la 6th Airborne dans la Seconde Guerre Mondiale
=> plus de photos d’aujourd’hui sur la 6th Airborne
Les anglais s’affairent sur le pont de Bénouville (Impérial War Muséum).
En arrière on remarque les planeurs qui ont déposé à proximité les hommes du Major Howard
Buste du Major Howard près du pont de Bénouville