Hémevez le 6 juin 1944, la tuerie sort de l'oubli
Patch 82nd US Airborne Division | Patch 507th PIR |
Le massacre de parachutistes américains.
Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, la 82nd US Airborne Division saute sur le Cotentin. Le 507th Parachute Infantry Régiment se projette dans le Nord-Ouest de la péninsule, vers Sainte-Mère-Eglise, sur la Drop Zone T. A 2h44, 14 troopers du 1/507th touchent terre aux abords du Ham. Parmi ces braves se trouve Ashton J. Landry. Le jeune homme se porte au sommet d'une colline, à la vue d'un soldat allemand qui fait alors feu sur lui. Bien que blessé à la jambe, Landry élimine l'ennemi d'une rafale de Thompson. Après avoir pansé sa plaie, il parvient à retrouver le reste du stick, dont le lieutenant Robert W. Shutt et le para Fred Wondell. Ce dernier s'est fracturé le bassin à l’atterrissage. Soigné, il est caché par ses camarades à proximité.
Aux environs du village d'Hémevez, Landry part en quête de renseignements. Le soldat parle français et prend la tête d'une patrouille où figurent également les paras Charles L. Wright et Paul D. Moore.
Les trois hommes entrent dans une ferme, le Castel, ou, cachés par les habitants, ils échappent à une patrouille ennemie.
Ashton J. Landry, 1HQ/507th PIR
Quittant l'endroit, ils perçoivent au loin le tumulte d'une fusillade. S'approchant, ils assistent au massacre de plusieurs des leurs : les allemands ont fait aligner dans une zone boisée sept parachutistes désarmés avec les mains sur la nuque. Placés face à une mitrailleuse, ils sont abattus et leurs corps balancés dans une fosse.
Les témoins du crime de guerre entendus.
Après cet épisode macabre, la patrouille est capturée puis parquée dans un bâtiment avec une vingtaine d'autres troopers. Seulement la surveillance est sommaire et Landry et ses deux compères parviennent au crépuscule à faire le mur. Six jours après le Jour J, Landry, Wright et Moore retrouvent les lignes américaines, en l’occurrence le 505th PIR, et sont interrogés sur la tuerie par le Général Gavin au QG de la division. Quant au village d'Hémevez, il est libéré par la 90th Infantry Division le 17 juin. Les mois passent, et le 6 février, Ashton Landry se rend à Versailles. Convoqué par le SHAEF, il doit témoigner concernant les crimes perpétrés par les allemands. Le commandement cherche à faire la lumière sur la mort du Pfc Daniel B. Tillman, du Pvt Robert G. Watson, du Pvt Anthony J. Hitztaler, du Pvt Robert E. Werner, du Pvt Delmar C. McElhaney, du Pvt Andrew W. Kling, et du Pfc Elsworth M. Heck, massacrés à Hémevez le 6 juin 1944. Le récit de Landry doit venir corroborer une instruction américaine déjà bien fournie.
Retour en juin 1944. En fait, un normand, Pierre Renault, a lui aussi assisté au massacre. Emile Lainé, le maire, a été prévenu par un allemand dans l'après-midi du 6 de l'existence des corps américains. Alertés à leur tour, Ernest Mouchel, Ernest Esnouf, Roland Robiole et Jeanne Lequertier extraient les troopers de leur fosse et les inhument dans le cimetière de l'église. 20 jours plus tard, le maire Emile Lainé accompagne des enquêteurs américains lorsque ces derniers exhument les cadavres de leurs compatriotes. Puis sous l’œil de la caméra, ils procèdent à un examen attentif des dépouilles.
Quant au sort réservé à l'un des responsables de ces atrocités, il reste flou. Cherbourg est tombé le 26 juin, et parmi les prisonniers capturés en ville, les américains ont enregistré la présence du commandant des troupes allemandes en charge de la garde d'Hémevez, le Major Félix. L'officier a été transféré au Canada pour y être détenu. Ensuite deux versions diffèrent : la première conclusion veut que plusieurs mois s'écoulent lorsqu'une équipe d'investigation se présente aux portes du camp. Jugé pour crime de guerre et reconnu coupable des meurtres des troopers, le Major Félix aurait été exécuté dans les jours suivants. La seconde version rapporte que ce dernier soit décédé en détention avant d'avoir dû répondre de ses actes.
Trois des sept paras furent rapatriés outre-atlantique. Les quatre autres reposent sur les hauteurs d'Omaha Beach au sein du cimetière militaire américain de Colleville-sur-mer (voir ci-dessous).
Robert E. Werner est inhumé dans le Plot F, Rang 24, tombe 20. | Quant à Andrew W. Kling, il se trouve dans le carré E, Rang 12, tombe 29. |
Les normands se souviennent.
50 ans plus tard, en 1994, suivant le témoignage d'un vétéran du 507th PIR venu pour les commémorations, Henri Thiebot rouvre le dossier des 7 fusillés. Après enquête, il localise le lieu de ce carnage local effacé par le poids des ans. En 1997, avec le concours de Michel Gaudry et les échanges avec Ashton Landry, il identifie chacune des victimes et reconstitue les terribles faits perpétrés par l'occupant. Enfin en 2004, le crime fut établi, malheureusement un an après le décès d'Ashton Landry. Afin de lutter contre l'oubli, les habitants firent dresser une pierre tombale à l'endroit même ou les allemands comblèrent leur fosse commune. Gravé dans le granit, le souvenir des 7 martyrs brise le silence du petit cimetière communal et condamne à jamais les folies d'une guerre.
Un panneau garde l'entrée du cimetière et rappelle les faits. | La stèle érigée à proximité de l'église. |