Quelques réponses sur le Débarquement en Normandie.
Certains d'entre vous se demandent peut être pourquoi les alliés ont débarqué en Normandie et non en Belgique par exemple. Pourquoi le 6 juin et non le 8 ? Nous allons tenter de vous éclairer sur ces points.
Décision d'un Débarquement en Europe de l'Ouest.
Nous sommes en 1943 et la guerre est devenue mondiale. Les américains se battent dans le pacifique contre les japonais et acheminent également des troupes sur l'immense porte-avions qu'est devenu la Grande-Bretagne. Les forces allemandes enregistrent leurs premiers revers depuis l'opération Torch et le débarquement allié réussi en Afrique du Nord en novembre 1942. A l'Est la défaite de Stalingrad a aussi mis un coup d'arrêt brutal à leur soif de conquête.
Le 24 janvier 1943, pressés par Staline, Roosevelt et Churchill se réunissent à Casablanca et tombent d'accord sur l'ouverture d'un nouveau front en Europe de L'Ouest. Une vaste opération amphibie devra installer une solide tête de pont et porter rapidement un coup mortel au régime nazi sur son sol. Décision est prise d'établir à Londres un état-major chargé d'étudier et de rendre possible un débarquement en Europe. Ce service est chapeauté par le Général de Corps d'Armée Britannique Frederick Morgan, qui prend le nom de COSSAC : Chief Of Staff, Supreme Allied Commander.
Sir Winston Churchill à gauche, premier ministre du Royaume-Uni, et Franklin Delano Roosevelt, président des Etats-Unis d'Amérique de 1933 à 1945.
Une autre rencontre a lieu à Téhéran le 28 Novembre de la même année entre les 2 mêmes protagonistes et Staline. Le débarquement devra avoir lieu en mai 1944, ce sera l'opération Overlord. Déjà depuis janvier 1942, un premier processus codé Boléro a été lancé. Les USA transfèrent leurs troupes vers la campagne anglaise, plus de 3,5 millions de soldats peuplent l'île, dont 1,5 million d'américains. Les Britanniques fournissent les zones de cantonnement, l'oncle Sam apporte une grande partie des équipements. Ce dernier se portant garant de la majeure partie des forces d'attaque, le commandant de l'opération Overlord doit donc être américain. En décembre 1943, le président Roosevelt nomme le Général Dwight Eisenhower commandant suprême allié. Dès sa prise de poste, le COSSAC est remplacé par le SHAEF (Supreme Headquaters Allied Expeditionary Forces), et est occupé par une équipe mixte d'officiers anglais et américains. Ce collectif va donc peaufiner le plan d'invasion pendant 5 mois, tout en tenant éloignés du projet les espions allemands. Pour leurrer les services de renseignements nazis, l'opération Fortitude est ébauchée : Les côtes anglaises sont interdites aux civils tandis que dans le nord du pays, une armée fictive sous les ordres du Général Patton est créée. Des avions en bois, des chars gonflables, de faux baraquements sont exposés bien en vue de l'aviation de reconnaissance allemande, qui ne va pas perdre de temps pour transmettre ses rapports au haut-commandement. L'intoxication fonctionne, les allemands sont persuadés que l'offensive alliée se fera dans le Pas-de-Calais (à l'exception d'Hitler, perplexe sur cette conclusion hâtive, et Rommel). Autre avantage pour Eisenhower, les agents nazis infiltrés en Grande-Bretagne ont été repérés et retournés. Ces espions envoient alors leurs rapports, rédigés sous la dictée des officiers alliés.
Direction la Normandie.
Le SHAEF soumet bientôt son projet du débarquement en France : La force d'assaut doit prendre pied sur la côte normande, sur une bande de plus de 80 km, allant de Ouistreham jusqu'à la face Est du Cotentin. 6 divisions d'infanterie sont concernées : 2 britanniques, 1 canadienne, 3 américaines. Pour les protéger sur leurs flancs et préparer l'attaque, 2 divisions aéroportées américaines et 1 britannique seront larguées quelques heures auparavant. Les hommes vont consommer une quantité considérable de matériels et véhicules de tous genres. L'échec cuisant de la capture du port de Dieppe en août 1942 a appris aux alliés que l'attaque de face d'un port peut être suicidaire. Néanmoins l'appui d'une rade est vital pour la réussite de l'entreprise. S'ils ne peuvent s'emparer d'un dock, alors ils le construiront. L'idée était née dans l'esprit de Churchill, et fut mise en chantier en 1943. D'énormes caissons et autres rampes deviendrons les organes vitaux de deux ports artificiels, armes logistiques dévolues à l'efficacité de l'approvisionnement des soldats. Le premier port, dénommé Mulberry A, se posera en secteur Omaha face à Saint-Laurent-sur-mer. Le second, le Mulberry B, prendra ses aises face à Arromanches, sur Gold Beach.
Ainsi plus de 150 000 hommes doivent avoir débarqués à H+12, acheminés et protégés par près de 7 000 navires et 12 000 avions. La côte normande est divisée en 5 secteurs de débarquement par les stratèges alliés, d'Est en Ouest on trouve : Sword, Juno, Gold, Omaha et enfin Utah. Dans le cadre le l'opération Gambit, deux sous-marins de poche de la Royal Navy devront montrer la voie aux vagues d'assaut sur Sword et Juno Beach.
Prévue pour mai, l'opération sera finalement reportée au mois de juin.
Les allemands ne sont pas tranquilles.
Les alliés devront se heurter au Mur de l'Atlantique, et son responsable avisé depuis Novembre 1943, le Maréchal Erwin Rommel ( photo de droite - archives fédérales allemandes ). Ce dernier connaît les faiblesses de sa forteresse, et sait que ses ennemis vont débarquer en Normandie, là ou les défenses sont moins établies contrairement au Pas de Calais. Il sait au début d'année 1944 que l'invasion est proche, mais une question le taraude : Quand ?
Nous sommes début juin, et l'air est paisible sur la côte normande, tout au plus les allemands ont-ils eu à faire avec des bombardements aériens plus nombreux qu'à l'accoutumée. Le Maréchal Rommel est préoccupé. Son expérience acquise en Afrique du Nord lui est utile. Il sait qu'en cas d'attaque alliée, l'aviation jouera un rôle prépondérant. Hors la Luftwaffe ne peut rivaliser avec la RAF ou l'US Air Force. De plus, le Mur de l'Atlantique n'est pas l'obstacle infranchissable vanté pas la propagande de Goebbels. Il veut prélever des troupes en Norvège et les repositionner dans le Nord-Ouest de la France. Mais le führer s'y oppose, préférant consolider tout le front Ouest. Cependant, Rommel connait trop bien la maxime " Qui veut tout défendre ne défend rien du tout !"
De plus, sa vision s'oppose au commandant des forces de l'Ouest, le Maréchal Von Rundstedt. Celui-ci est favorable en cas d'invasion ennemie à laisser les alliés prendre pied sur le littoral et ensuite, par le biais d'une puissante contre-attaque, à les repousser hors du territoire. Rommel connait le potentiel humain et technique des américains, et il pense qu'il faut à tout prix empêcher les alliés de débarquer. Convaincu qu'une armée d'invasion est vulnérable dans les premières minutes de son débarquement, quand elle cherche ses repères et qu'elle attend son appui blindé, il espère refouler l'ennemi avant qu'il n'atteigne l'arrière des plages. Sur ses conclusions, il quitte donc au matin du 5 juin son Q.G de la Roche-Guyon et part en direction de Berchtesgaden pour s'entretenir avec Hitler. Son intention est de convaincre ce dernier de soutenir les troupes âgées basées en Normandie, en stationnant près de la côte deux divisions blindées. En chemin, il fera étape à Herrlingen pour voir sa femme, dont c'est l'anniversaire.
De son côté, le Général Dollman, responsable de la 7ème armée, a convoqué chaque commandant de division accompagné de deux chefs de corps pour un exercice dans la ville de Rennes, le 6 juin à 10 heures. Les défenseurs du littoral normand vont alors se retrouver démunis de leur commandement pendant les premières heures du débarquement, ce qui va bien évidement freiner les prises d'initiatives allemandes.
A gauche, Gerd Von Rundstedt, commandant les forces allemandes du front Ouest.
A droite, le Général Friedrich Dollmann, chef de la 7ème Armée ( photos : archives fédérales allemandes )
Chose incroyable, les troupes germaniques sont au courant du débarquement allié avant même que le premier avion ne décolle d'Angleterre. Comme ses confrères Britanniques, l'Abwehr, les services de renseignements allemands, n'ont pas chômé. Ils savent que les alliés et la résistance française communiquent par le biais des émissions de la BBC. Tous les soirs, la radio anglaise égraine des messages personnels dans lesquels se dissimulent des codes à l'intention des résistants. Ceux-ci doivent rester à l'écoute des ondes, et une fois le code annonçant le débarquement entendu, mettre à exécution deux plans : le vert, de multiples sabotages des chemins de fer et des routes. Et le plan tortue, visant à interrompre les moyens de communications et à détruire certains ponts. L'Abwehr connait le code qui annonce la mise en marche d'Overlord : les premiers vers du poème de Verlaine. Une fois annoncés, l'invasion se déroulerai dans les 48 heures. De fait, les services de la 15ème Armée du général Von Salmuth basés à Tourcoing sont à l'affût des dires de la BBC. Les 1er, 2 et 3 juin, ils entendent la première partie du code : " Les sanglots longs des violons de l'Automne ..." Puis le 5, à 21h15, la seconde partie tombe : " ... blessent mon coeur d'une langueur monotone." Le bureau allemand est en effervescence. La 15ème armée est en état d'alerte. Mais pas les autres, dont la 7ème qui garde la Normandie ! Le groupe d'armées B ne met pas dans la confidence le Général Dollman, et encore moins le 84ème corps du Général Marcks dont les hommes défendent le secteur visé par les alliés !
Pourquoi ? On peut penser que le Maréchal Von Rundstetd trouve cette information fantaisiste. Les américains n'annonceraient quand même pas leurs plans à la radio, sur la BBC en plus ! Des vers de Verlaine, quelle plaisanterie ! L'avantage décisif fourni par l'Abwehr est ainsi jeté aux orties et la victoire donnée aux alliés par leur ennemi..
Depuis 23h30, des mouvements soutenus d'avions sont constatés au dessus du Cotentin. On signale des largages massifs de parachutistes aux alentours de Sainte-Mère-Eglise et Sainte-Marie-du-Mont, dans la Manche. Des mannequins, conséquence de l'opération Titanic, ont été retrouvés et ajoutent à la confusion. Aux mêmes instants, des escarmouches avec d'autres paras se produisent au Nord-Est de Caen. On parle de Britanniques. La surveillance dans le Pas-de-Calais, leurrée par les opérations Glimmer et Taxable, annonce un débarquement à ses portes. Dans le cadre des opérations Samwest et Dingson, les SAS français sautent en Bretagne pour freiner les renforts ennemis. Le 6 juin, à 1h11 du matin, le téléphone sonne au P.C du 84ème Corps de St-Lô. Le Général Marks décroche. Le 3ème bureau de la 716ème division s'égosille à l'appareil et annonce des mouvements ennemis aux abords de l'Orne. Marcks et ses officiers sont circonspects. Quelques instants plus tard le doute est levé : le Colonel Hamann de la 709ème division appelle à son tour : "Parachutistes ennemis près de Sainte-Marie du-Mont." L'alarme est donnée dans tous les abris allemands. Plusieurs centaines de paras, victimes d'erreurs de largages, sont faits prisonniers et interrogés. Certains restent muets, d'autres sont plus loquasses. Parmi eux, quelques uns demandent sans cesse l'heure à leurs gardiens, l'air inquiets. Comme ces américains de la 101st US Airborne capturés à La Madeleine par les hommes du Lieutenant Jahnke. Dans quelques heures, ces dunes vont se transformer en secteur Utah Beach. Depuis leur arrivée dans le bunker du Wn 5, les paras sont nerveux et demandent impatiemment à être transférés à l'arrière. Jahnke est dubitatif. Mais pour quelle raison ne veulent-ils pas rester sur le littoral ? Puis vers 4 h 30, les sentinelles allemandes aperçoivent un épais brouillard au large. Des milliers d'ombres s'en détachent et certaines envoient un feu d'enfer sur leurs positions. La mer devient noire, sur Omaha Beach, plus tard, elle sera rouge. La flotte approche et commence le bombardement naval avant l'assaut des troupes terrestres. Ce 6 juin à l'aube, la placide région normande perd son calme et devient un champ de bataille.
Qui commande l'opération Overlord ?
Voici une revue des hommes responsables de la réussite d'Overlord :
- le général Dwight Eisenhower, commandant suprême du corps expéditionnaire allié, prend ses fonctions en janvier 1944.
- l'aviation sera sous les ordres de l'Air Chief Marshal Leigh-Mallory
- L'amiral Bertram Ramsay est responsable des unités maritimes
- les forces terrestres seront sous le commandement du général Britannique Bernard Montgomery (photo de droite)
- il a sous ses ordres le général américain Omar Bradley, commandant de la First US Army, et le général anglais Miles Dempsey qui commande la Second British Army
De gauche à droite : le général Omar Bradley (commandant la first US Army), le général Léonard T. Gerow (commandant du Ve Corps secteur Omaha), Eisenhower, et enfin le général Collins (commandant le VIIe Corps, secteur Utah)
Pourquoi le 6 juin 1944 ?
Prévu initialement au mois de mai, le débarquement est reporté à juin car toutes les embarcations n'ont pas été livrées le moment venu.
Trois conditions sont nécessaires à la réussite d'Overlord :
- un assaut à l'aube, pour permettre aux troupes de bénéficier au maximum de la lumière du jour pour leurs actions
- une marée semi-montante, pour éviter aux fantassins d'avoir trop de terrain à couvrir sur les plages face aux défenseurs, et pour permettre aux embarcations de repérer efficacement les obstacles de plage et ne pas s'éventrer dessus.
- une nuit de pleine lune, pour que les troupes aéroportées sur chaque flanc du débarquement puissent travailler plus aisément.
Ces 3 paramètres ne sont réunis que pendant 3 jours par mois, le 5, 6, et 7 juin. La météo étant très mauvaise le 5 juin, Eisenhower reporte l'attaque au 6.
Les navires progressent vers la côte normande en files interminables, protégés par les ballons et les bateaux de déminage
Pourquoi la Normandie ?
Différents sites ont été étudiés pour permettre aux hommes de prendre pied sur le continent, un seul s'est clairement détaché des autres :
- La côte hollandaise est trop éloignée des aérodromes anglais et ne permet pas un appui aérien efficace. De plus l'accès aux plages est difficile et l'arrière pays marécageux n'est pas propice à l'avancée des troupes blindées.
- La Belgique est proche mais les forts courants qui séparent l'Angleterre et ses côtes peuvent faire fortement dériver les navires et les hommes manqueraient leurs objectifs.
- Le nord de la France est le plus proche des bases alliées et propose un trajet plus direct vers le Rhin. Mais les allemands savent aussi lire les cartes et ont puissamment fortifié cette zone. De plus le commandement allemand est persuadé que l'invasion se fera ici, leurré par la désinformation alliée.
- La bretagne et son littoral à plus de 350 km des avions alliés ne se prêtent pas à une invasion. De plus ses plages sont petites et rocailleuses.
- La façade atlantique est trop éloignée pour les navires et l'aviation. La longueur de la traversée augmente les risques de se faire repérer par les allemands.
- Il reste la Normandie : ses plages sont semblables à celles présentes sur le sol anglais et beaucoup d'entre elles sont dégagées et propices à une avancée rapide dans les terres, le port de Cherbourg peut être prit à revers en débarquant sur la partie Est du Cotentin. L'aviation, à 250 km du Calvados, peut apporter un soutien appréciable aux troupes au sol et le front peut être cloisonné entre la Seine et la Loire en détruisant les ponts.
Quelques chiffres parlants du Débarquement allié :
- 14 674 : sorties aériennes côté alliés, et seulement 319 pour les allemands qui perdirent 127 appareils ce jour là
- 6 939 : navires impliqués dans l'opération, dont 4 126 bâtiments de débarquement
- 152 000 : hommes débarqués
- 80 : en km l'espace dévolu aux 5 secteurs de débarquement entre la façade Est du Cotentin et Ouistreham.
- 10 000 : les pertes enregistrées au soir du 6 chez les alliées. environ 3 500 soldats ont été tués.
Vidéo sur les premières heures du Débarquement en Normandie.