La batterie allemande de Merville
Les paras Britanniques doivent faire taire les canons allemands.
Située à l’Est du futur secteur de Débarquement codé Sword Beach, cette batterie de l’armée de terre allemande comporte 4 casemates et 130 hommes. Débutés un peu plus d’un an avant le Jour J, les travaux font l’objet d’une surveillance attentive des alliés. Ces derniers, considérant la taille des abris bétonnés édifiés par l’ennemi, pensent que la garnison de Merville possède des canons de 155 mm d'une portée de 17 km, capables de mettre sous leur feu les troupes débarquant sur Sword Beach. Sa mise hors d’état est donc une priorité pour Eisenhower et son état-major.
D’ailleurs, le Maréchal Rommel pense aussi que le lieu est d’importance. En charge des défenses du Mur de l’Atlantique, le Renard du désert visite par trois fois le site entre mars et mai 1944. Cependant les bombardiers alliés font de même : La nuit précédant le Débarquement allié, 109 Lancaster larguent plus de 1 000 bombes sur la batterie et ses environs, sans parvenir à occasionner des dégâts significatifs aux fortifications.
Vue aérienne de la batterie de Merville en 1944 (IWM)
Ce raid aérien prépare un assaut terrestre élaboré afin d’éteindre cette menace dans les plans d’Overlord. Ce coup de main doit être réalisé par la 6th British Airborne Division. Mené par le Lieutenant-Colonel Otway, le 9th Parachute Battalion s’entraîne en Angleterre sur une réplique de la batterie allemande. Ses défenses sont faites de champs de mines, de doubles réseaux profonds de barbelés, de tobrouks, d’une Flak pouvant être dirigée vers le sol, d’un fossé anti-char, de tranchées et de multiples bunkers… Largués vers 1h du matin aux abords de Varaville, les Red Devils sont éparpillés aux quatre vents. Otway ne peut réunir qu’un groupe de 150 hommes sur les 750 composant le bataillon, nombre de paras étant empêtrés dans les marais du Calvados. Dépourvus de matériels lourds, avec seulement une mitrailleuse Vickers et des torpilles Bangalores, les Britanniques filent vers leur objectif.
Le premier groupe d’assaut se fraye un passage à travers les champs de mines et les barbelés. Deux couloirs sont pratiqués dans les défenses, en silence. Un second groupe, pour une diversion, se dirige vers l’entrée. Pendant l’attaque, trois planeurs doivent se poser dans l’enceinte de la batterie et acheminer ainsi des renforts. En chemin, les paras sont aux aguets, car derrière le bois tout proche se trouve deux postes de MG. Soudain deux des trois planeurs surgissent de la nuit (le troisième est resté cloué en Angleterre suite à une rupture de câble avec l’avion tracteur). Le premier aéronef passe au-dessus du complexe, essuie des tirs puis disparaît, le second, touché lui aussi par les défenses ennemies, s’écrase en arrière dans un verger. L’heure n’est plus aux tergiversations, vers 4h30 les Britanniques font exploser leurs bangalores. C’est le signal de l’assaut pour tous les paras. Les deux MG sont neutralisées, les diables rouges foncent vers l’entrée de la batterie. Pendant ce temps, les hommes du premier groupe passés par le champ de mines prennent les casemates à revers. La mitrailleuse Vickers du sergent Knight positionnée plus en retrait réalise des miracles et fait taire trois mitrailleuses allemandes. Les anglais courent aux casemates et un furieux corps à corps s’engage. Finalement les assaillants prennent le dessus. Les Britanniques parviennent aux blockhaus et font une découverte : les canons de 155 tant redoutés sont en fait de vieilles pièces de 100 bien moins dangereuses d'une portée de 10 km. Les canons sont neutralisés, néanmoins Otway est sombre. Seuls 80 de ses 150 compagnons d’armes sont sortis indemnes de la bataille. Mais pas le temps de pester contre l'état-major, car sans nouvelles du bataillon et du succès de l’attaque, le croiseur HMS Arethusa doit pilonner la zone avec ses obus de 152 mm. Otway n'a pas de radio. Il envoi un pigeon messager et fait tirer une fusée éclairante au passage d’un avion. Le croiseur Arethusa ne canonne pas le site, laissant les paras se replier.
Toutefois, les combats continuent à Merville, les allemands ayant repris le contrôle de la batterie. Le 7 juin le N°3 Commando mène à nouveau l’assaut mais est repoussé. La batterie va changer 7 fois de main jusqu’au 17 août. Lors de l’opération Paddle, la commune de Merville est enfin libérée par les Ox & Bucks de la 6th British Airborne Division.
Ensembles au front et bien au-delà
Parmi la troupe d’assaut de la 6th Airborne se trouve un binôme bien singulier de la A Compagny du 9th Battalion : le maître-chien Emile Servais Corteil, 19 ans, et Glen, son berger allemand.
Le D-Day les largages sont mauvais et, comme pour nombre de leurs camarades, Emile et son chien manquent leur Drop Zone. Le vent les porte jusqu’au Sud de Cabourg, à une quinzaine de kilomètres de leur objectif. A Varaville ils retrouvent le Brigadier Général James Hill, commandant la 3rd Brigade, ainsi que 38 paras du 9th Parachute Battalion. Après un rapide point, le groupe se dirige vers le nord-ouest, direction Merville.
Mais les heures avancent et l’infanterie va bientôt débarquer sur Sword Beach. Les paras progressent aux abords d’un chemin lorsque vrombissent à l’horizon des avions alliés. La Royal Air Force doit sécuriser la zone et empêcher tout mouvement ennemi. Les pilotes de la RAF prennent les paras pour des allemands. La méprise est terrible, les bombardiers lâchent leur cargaison meurtrière sur la cohorte du Brigadier Hill. La poussière se dissipe, l’officier évalue les pertes. Le bilan est effroyable. Seul le général et un para sont indemnes. Les autres sont blessés ou tués. Emile Corteil et son chien Glen ne se relèveront plus. Mais la mission est prioritaire et Hill reprend sa route. Les morts seront plus tard enterrés par les allemands dans les trous de bombes.
Aujourd'hui Emile Corteil et Glen sont inhumés ensemble au cimetière militaire de Ranville, plot 1A, Rang G, tombe 13. Sur le marbre sa mère a fait graver ceci : "Had you known our boy you would have loved him too. Glen his paratroop dog was killed with him." ("Si vous aviez pu connaître notre fils, vous l'auriez aimé vous aussi. Glen son chien parachutiste, a été tué à ses côtés".)
Voir l'article complet du blog
photo : site web 6th Airborne.com
La batterie attire aujourd'hui les visiteurs.
Aujourd'hui, le site a gardé son authenticité grâce au Conservatoire du littoral qui l’entretien. Le musée inauguré en 1982, propose à travers l’intérieur des casemates de revivre le quotidien de la garnison allemande, ainsi que l’assaut de la batterie par les Britanniques. La casemate n°1 propose une chambre de tir reconstituée avec un obusier. Le côté réaliste de la visite est rehaussé d’une animation son et lumières retraçant la prise de la batterie. Le bunker n°2 est un poignant mémorial consacré aux hommes du 9th Battalion.
La direction poursuit les fouilles menées sur le terrain et depuis juin 2009, les casemates 3 et 4 sont ouvertes au public. La N°3 est un hommage aux pilotes de planeurs, au N°3 Commando, au 45 Royal Marine Commando et au 1er bataillon de parachutistes Canadiens. L’abri n°4 est dédié à la brigade Belge Piron, qui, rattachée à la 6th Airborne, libéra en autres la ville de Cabourg. Rares sont les lieux ou supports en France qui reviennent et soulignent les actions et sacrifices de cette brigade Belge à compter de juin 1944. La présence de cette exposition constitue donc un petit évènement.
Vue du site du sommet de la casemate n°2 : à gauche le C-47, à droite la casemate n°1. | Reconstitution de la chambre de tirs dans la casemate n°1. |
Un parcours pédagogique vous propose également de découvrir cet espace de 10 ha, de comprendre le fonctionnement d’une batterie d’artillerie, sa position stratégique et sa mise en place.
Un C-47 repose à l’extérieur. Le SNAFU spécial a largué des paras américains de la 101st US Airborne Division au Sud de Sainte-Mère-Église. Vendu à la fin de la guerre à une compagnie aérienne Tchécoslovaque, il a été récupéré en Yougoslavie après avoir été abandonné sur une piste de l’aéroport de Sarajevo. Rapatrié puis restauré, il trône fièrement depuis juin 2008 à côté des casemates.