St-Laurent/Colleville-sur-mer : les américains débarquent en enfer
Les GI's dans la fournaise d'Omaha Beach.
La commune de Saint-Laurent-sur-mer est le théâtre dans la nuit du 17 au 18 janvier 1942 d’une opération de reconnaissance.
Le village est défendu par des éléments de la 716. Infanterie-Division, et de la 352. ID, unité allemande aguerrie mais qui, pour les alliés, n'est pas censé se trouver sur Omaha Beach. Six points d'appui interdisent également son accès (Wn 64 à 69). Le 6 juin 1944, les GI's vont avoir à marée montante une très large bande de sable à couvrir à découvert avant de trouver un semblant d'abri contre une levée de galets.
A 6h30, la 29th US Infantry Division compose la première vague d'assaut et s'élance vers le Mur de l'Atlantique. Les GI's du 116th régiment sont quelque peu désorientés, les courants les ayant pour beaucoup fait débarquer sur le mauvais sous-secteur. Le feu des défenseurs est destructeur. Les américains sont anéantis par les MG42, les mortiers et les canons des points d'appui ennemis. Rares sont ceux qui atteignent l'abri providentiel du talus de galets, des rapports font état de 90% de pertes chez les assaillants.
La deuxième vague d'attaque arrive à son tour et permet aux GI's de progresser vers les terres. Vers 9h, les 2nd et 3rd battalions réussissent à s'infiltrer entre les Wn 65 et 66 et parviennent aux abords de Saint-Laurent-sur-mer. Cependant la 352. ID tient fermement la place. Il faut attendre le renfort du 115th régiment et des véhicules venant du Ruquet. Toute la nuit, les allemands offrent une résistance farouche, le 3/115th ne libère la commune que le 7 juin.
Afin de faciliter le rapatriement des blessés, un aérodrome est établi au dessus du Wn 65 (le Ruquet). Un rapport de la marine alliée signale que 28 péniches de débarquement ont été détruites devant ce point d’accès lorsdu Débarquement allié (ci-dessous).
La plage d’Omaha Beach au lieu dit "le Ruquet"
Le Wn 65 et son canon de 50 mm en 1944. (US Nationales Archives) |
Le même endroit aujourd’hui. |
Les traces de la Bataille de Normandie.
Aujourd'hui, le Wn 65 est dédié aux hommes de la 2nd US Infantry Division qui ont essentiellement débarqué sur cette plage le 7 juin. Ce point de résistance fut neutralisé le 6 juin à 11h30 par le coup au but d’un destroyer et 20 allemands furent faits prisonniers. Il servira d’abord de pc avancé à la 1st US Infantry Division au soir du D-Day, puis de quartier général aux Engineers chargés de l’entretien du port flottant artificiel américain (Mulberry A) mis en place à partir du 8 juin.
11 photos pour l'Histoire
Robert Capa en 1937 (Gerda Taro)
Omaha Beach. 6 juin 1944. 6h30.
Robert Capa, 30 ans, débarque avec la première vague d’assaut américaine, face à Colleville-sur-mer sur le sous-secteur Easy Red. Pour Life, il a fait la traversée vers Omaha Beach avec la E Compagny du 16th Regimental Combat Team, first Infantry Division. Sa péniche accoste et la Big Red One s’élance. Lui s’attarde sur le bastingage, ce qui n’est pas du goût d’un matelot le prenant alors pour un froussard. Un coup de pied aux fesses le ramène à la réalité et il rejoint la plage. Il raconte : « Les balles font des ronds dans l’eau autour de moi (…). Une nouvelle sorte de peur secoue alors mon corps des cheveux aux orteils et tord mon visage. » Face au WN 62, sous la mitraille, il réalise 106 clichés. Le correspondant de guerre s’avance dans la boucherie du Jour J avec pour seules armes ses trois appareils photos. Tremblant, il fige la mort qui l’entoure et le frôle. Dans cet enfer ou chaque homme est seul au monde et ou chaque photo peut être la dernière, il martèle dans sa tête ces mots comme une prière : « C’est une affaire très sérieuse. »
Puis ivre de trouille et d’horreur, le reporter rebrousse chemin et réussi à monter sur un chaland LCI. Il connait une dernière frayeur lorsqu’un obus frappe son embarcation. Il est ensuite pris en charge sur un navire-hôpital, ou après examen il reçoit l’étiquette « cas d’épuisement, pas d’identification ».
Bien que choqué, Capa ne lâche pas sa précieuse cargaison. Car pendant sa traversée et dans la fournaise d’Omaha Beach, il a pris au total 226 clichés. Revenu en Angleterre, le coursier de Life lui propose de le conduire à Londres. Seulement l’intrépide Capa choisi de repartir pour les plages normandes et lui confie son travail. C’est l’effervescence dans les bureaux londoniens. Le bouclage du journal a déjà démarré et dans leur précipitation, les laborantins massacrent le développement. Seules 11 photos, floues, sont exploitables. Qu’importe, même floues, elles sont inestimables. Elles deviennent les Magnificent Eleven.
Pour expliquer la piètre qualité des photos prises le 6 juin, Life se défausse en accusant Capa d’avoir eu la main tremblante. Pour le reporter, qui estime que si une photo est ratée, c’est que l’on n'est pas assez près de l’action, cette pilule est dure à avaler. En 1947, il intitulera avec ironie ses mémoires de guerre Slightly Out of Focus (Juste un peu flou)….
Malheureusement la faucheuse rattrape ce trompe-la-mort pendant la guerre d’Indochine. Alors qu’il effectue un reportage auprès de l’armée française, il saute sur une mine le 25 mai 1954. A 40 ans, l’aventureux reporter s’en est allé faire son dernier voyage, au Panthéon du photo-journalisme.
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Saint-Laurent-sur-mer possède le Musée du 6 juin 1944, qui retrace grâce à des mises en scène les opérations américaines sur le secteur d’Omaha et de La pointe du Hoc. Un char Sherman, une péniche LCVP et une porte belge y sont notamment présentés. Un film agrémenté de témoignages de vétérans accompagne la visite.
Image du port artificiel de St-Laurent-sur-mer avant qu’il ne soit détruit
par une tempête du 19 au 22 juin 1944. (US Nationales Archives)
La première division d'infanterie américaine face à Colleville-sur-mer.
Le 6 juin 1944, la first US Infantry Division doit conquérir Colleville-sur-mer, village niché sur un plateau dominant Omaha Beach, secteur encaissé entre de hautes falaises. Les 716. et 352. Infanterie-Divisions, malgré les bombardements navals et aériens préalables au débarquement allié, sont indemnes et attendent de pied ferme les GI's. Le 16th régiment s'élance sur Easy Red, Fox Green et Fox Red, mais comme à Saint-Laurent-sur-mer, les vagues américaines sont anéanties par les défenses allemandes. Dangereusement, les libérateurs restent plantés sur la plage du Calvados, à couvert des obstacles, mais harcelés par les tirs croisés ennemis et poussés vers les quatre points d'appui allemands par la marée montante (Wn 60 à 63). Coté appui blindé, sur les 29 chars amphibies Sherman DD largués au large, seuls trois réussissent à rejoindre la côte.
Devant ce désastre annoncé, le commandant du régiment, le Colonel Taylor, donne alors de la voix : « 2 sortes d'hommes vont rester sur la plage : ceux qui sont morts et ceux qui vont mourir ! Foutons le camp d'ici ! »
La troupe d'assaut américaine progresse alors vers l'intérieur des terres. Vers 9h, le point d'appui Wn 60 est arraisonné. Le lieutenant Cutler parvient à l'Est de Colleville-sur-mer, quand Taylor atteint l'Ouest du village. Néanmoins, comme à Saint-Laurent-sur-mer, les allemands opposent une résistance tenace. Ainsi, les habitants ne peuvent fêter leur libération que le lendemain, le 7 juin.
Entrez dans le cimetière militaire américain d'Omaha Beach.
Aujourd'hui, il existe un musée, le Big Red One Muséum, tenu par un passionné, pierre louis Gosselin, et exclusivement consacré à la first US Infantry Division. Le propriétaire, à travers de nombreux voyages aux USA, à réuni des images d’archives et des pièces exceptionnelles liées à l’histoire de cette division mythique. L’endroit est restreint mais ici c’est la qualité et non la quantité qui en fait son grand intérêt.
La commune, comme Saint-Laurent-sur-mer, est devenue célèbre au-delà des frontières car elle abrite le cimetière militaire américain inauguré en 1956 par le président de la République Française René Coty et le Général américain Marshall. A l’origine, les corps avaient été inhumés à même la plage. Dès le 8 juin 1944, un cimetière provisoire fut établi à proximité à Saint-Laurent-sur-mer. 14 000 dépouilles furent ensuite rapatriées outre-Atlantique à la demande de leurs proches. Les autres furent acheminées au sommet de la crête.
Des civils creusent les tombes à St-Laurent-sur-mer peu après le 6 juin. (US Nationales Archives) |
Cet espace de 70 ha géré par l'ABMC, starisé par steven Spielberg dans son film "Il faut sauver le soldat Ryan" , abrite 9 387 combattants répartis en dix carrés. Mais inutile de chercher la tombe du capitaine John Miller parmi les 67 tombes portant le même nom, c’est un personnage créé pour l’occasion par Spielberg. 307 sont inconnus, et dans 33 cas deux frères reposent côte à côte. Un père et son fils y sommeillent également pour l’éternité. Trois tombes portent l’étoile dorée, synonyme d’attribution de la médaille d’honneur du Congrès, plus haute distinction militaire américaine décernée pour acte de bravoure exceptionnel.
Il n’y a pas de hiérarchie dans la mort, les tombes sont donc rangées par ordre alphabétique.
Dès l’entrée on est saisi par la grandeur et le recueillement qu’inspire le lieu qui domine les plages normandes d’Omaha. Une chapelle rappelle le sacrifice des troupes américaines dans la Bataille de Normandie et la reconnaissance de la France. Vous pouvez retrouver un belvédère ou se trouve une table d’orientation qui explique les différentes phases du débarquement.
Le Visitor Center est aussi présent et propose nombre de photos, objets, et vidéos vantant l’action des 1st et 29th Infantries Divisions. Derrière on retrouve le mur des disparus ou se côtoient 1 557 noms.
L'intérieur du Visitor Center.
L’ABMC et le cimetière militaire d'Omaha
L’American Battle Monuments Commission est une agence du gouvernement américain ayant la charge et l’entretien de 24 cimetières et 25 monuments aux morts répartis dans 15 pays. Elle s’évertue à honorer la devise de son premier président le général de Corps d’Armée John J. Pershing « le temps n’effacera pas la gloire de leurs actions ». Concernant le cimetière militaire de Colleville-sur-mer, la France a concédé un droit perpétuel de jouissance aux Etats-Unis, sans frais ni impôts.
Tombe du Général Roosevelt, 4th US ID, décédé d'une crise cardiaque le 12 juillet 1944. |
Des exemplaires de journaux parus le 6 juin 1944 sont enfermés dans une capsule à l’entrée du cimetière. Ils seront libérés le 6 juin 2044.
A deux pas de l'entrée du cimetière militaire se trouve l'Overlord Muséum. Le propriétaire Nicolas Leloup expose sur 1 400 m2 dans une scénographie immersive une trentaine de véhicules (la collection présentée est celle qui était au musée de la Poche de Falaise, fermé en 2010).