Sainte-Marie-du-Mont, les parachutistes américains entrent dans la bataille
Commune de 970 habitants près des plages du Débarquement allié, Sainte-Marie-du-Mont est occupée par des éléments de la 91. Luftlande Infanterie-Division assurant la défense des côtes sur ce secteur qui va subir de plein fouet la Bataille de Normandie. Des soldats d’élite, les parachutistes du Fallschirmjäger Regiment 6, sont également stationnés aux alentours.
Les hommes des 501st et 506th Parachute Infantry Regiment, 101st US Airborne Division, se posent en grappes disséminées aux abords du village du Cotentin dans la nuit du 6 juin 1944. En effet le bourg se trouve à proximité de la Drop Zone C dévolue à la division aéroportée américaine. Le Général Taylor, commandant de la division, ainsi qu’une centaine d’hommes se mettent en chemin pour effectuer la jonction avec les troupes qui vont arriver à l’aube sur Utah Beach suite à l'opération Overlord. Sur la route, ils neutralisent un poste et une batterie allemande.
Cependant d’autres américains se sont posés en plein milieu du village normand. Des accrochages avec l’ennemi donnent lieu à des situations rocambolesques, menant souvent à des drames. Sur une idée de Gilles Perrault, habitant de la commune, 14 plaques aujourd’hui fixées dans les rues et autour de l’église romane rappellent ces instants particuliers pour les troopers de la 101st. Ce qui donne une atmosphère particulière au lieu, entre méditation et recueillement.
On peut citer l’histoire de ce para qui, sous les yeux d’un montois ouvrant ses volets, atterrit derrière le monument aux morts, face à l’église. Un soldat allemand se trouve de l’autre côté de la stèle, mais aucun des deux hommes ne sait où se trouve l’autre. Jusqu’à ce que les deux combattants se retrouvent subitement face à face. Des coups de feu éclatent, puis les deux hommes s’écroulent. Le para est tué net, l’allemand est grièvement blessé et est transporté chez le boucher. L’ironie de la guerre voulu qu’un médecin américain lui sauve la vie.
La tueurie de la Batterie du Holdy
Au Sud-Ouest de la commune, au Holdy, se tiennent quatre canons allemands de 10.5 cm positionnés dans un champ. Malheureusement, un stick du HQ/1/506th atterrit aux abords de cette batterie. Pendus aux arbres, les malchanceux sont massacrés dans leurs suspentes par les artilleurs. Un rapport non confirmé fait état de troopers tués à coups de couteau et de baïonnettes, enveloppés dans leurs parachutes puis brûlés vifs. Comble de l’horreur, certains auraient eu leurs parties intimes carbonisées à l’aide de leurs grenades thermites placées entre leurs jambes. Passant dans les parages, Don Burgett, A/506th, affirmera plus tard avoir vu certains de ses camarades avec le sexe tranché ou mitraillé.
Menée dans la matinée par le Capitaine Lloyd Patch, 1/506th, et des membres du 502nd, une attaque permet de capturer la batterie du Holdy. Pensant le clocher de l’église de Sainte-Marie-du-Mont occupé par des vigies allemandes, un trooper charge un des obusiers et envoie un obus fracasser sa cible. Mais ce n’étaient pas des feldgraus qui étaient tapis dans le promontoire dominant la place centrale. Redescendant du clocher à grandes enjambées, le sergent Buck Rogers, HQ/1/506th, et d’autres paras en sont quittes pour une belle frousse. Trois des quatre canons sont ensuite détruits par les Lieutenants Raymond Hunter et Bernard McKearney, E/502nd. Puis le chirurgien du 2/502nd, le Capitaine George Lage, établi son antenne médicale dans les bâtiments jouxtant la batterie.
Sainte-Marie-du-Mont sera libérée dans l’après-midi du 6 juin 1944 par des éléments des 501st et 506th PIR. Cette prise permettra de prendre en tenaille les allemands fuyant vers l’Ouest afin d’échapper aux troupes de libération venues du débarquement des plages. Auparavant, plus à l’Est, à Pouppeville, il est 10h40 du matin quand le Général Maxwell Taylor serre la main d’éléments avancés du 8th Infantry Régiment, élément de la 4th US Infantry Division. Taylor précède de quelques minutes son homologue le Général Gavin (82nd US Airbone Division). La route vers Sainte-Marie-du-Mont devenait alors l’Exit 2 sur Utah, porte ouverte pour l’avancée alliée vers Carentan puis Cherbourg.
Au bar du 6 juin, 3 fresques peintes par les libérateurs le D-day sont visibles. | Un des 14 panneaux du village. |
Band of brothers à la Batterie de Brécourt.
Impossible de parler de Sainte-Marie-du-Mont sans évoquer l’attaque de la Easy Compagny à Brécourt, au Nord du village, immortalisée dans la série Band of Brothers. Le hameau de Brécourt est le jour J occupé par une figure locale emblématique, Charles de Vallavieille, dit le colonel car vétéran de la grande guerre. Deux de ses quatre fils avaient été tués pendant la campagne de 1940. Près du manoir, dans un champ, les allemands ont disposé quatre canons de 10,5cm du 90ème régiment d’artillerie, habilement camouflés car restés invisibles à la surveillance aérienne alliée. Les quatre obusiers sont couverts sur leurs arrières par trois MG 42. Vers 7h du matin au hameau voisin du grand chemin, les paras du 506th PIR furent pris pour cible par des tirs venant de la batterie de Brécourt. Ces obusiers pouvant compromettre les opérations de débarquement, mission fut donc confiée au second bataillon, à la Easy Compagny du lieutenant Richard D. Winters de mettre hors d’état de nuire cette position distante de 4kms du secteur de débarquement d'Utah Beach. L’officier de 26 ans prend douze paras avec lui, ne gardant qu’armes légères et grenades, et tous filent vers leur objectif.
Pour l’assaut, Winters dispose les deux mitrailleuses en enfilade (Les soldats Plesha et Hendrix pour la première, Petty et Liebgott pour la seconde ). Le sergent Carwood C. Lipton grimpe dans un arbre distant de 75 mètres de la batterie, près des deux mitrailleuses de Plesha et Liebgott, sur le flanc gauche. L’attaque débute vers 10h, les deux mitrailleuses crachent un feu d’enfer vers les canons. Peu après, le sous-lieutenant Campton et les sergents Malarkey et Guarnere lancent leurs grenades sur le premier canon avant de s’engager dans la tranchée. Ils sont bientôt rejoints par le Lieutenant Winters et les paras Robert Wynn et Joe Toye. Pendant l’assaut, Wynn prend une balle dans le postérieur quand Toye manque d’exploser avec une de ses grenades. En une vingtaine de minutes, le premier canon est sous contrôle, le second est bientôt lui aussi maîtrisé, les servants allemands s’étant éparpillés. Malarkey, croyant avoir aperçu un lüger dans le champ, quitte la tranchée pour récupérer le précieux trophée. Malheureusement l’étui est vide. Le para fait alors volte-face sous le claquement des balles ennemies et réintègre l’abri du deuxième canon, indemne ! John D. Hall, de la Able Compagny, a moins de chance. il avait rejoint le groupe avec des charges de TNT, et est abattu dans la tranchée du troisième canon. Andrew Hill de la Fox Compagny connait le même sort, tué alors qu’il rampe dans le pré. Winters, Toye, Guarnere et Campton détruisent le troisième obusier et font quatre prisonniers parmi les servants. Ce faisant, Winters trouve des plans indiquant moult emplacements ennemis en Normandie. Pour le quatrième canon, six paras dont le lieutenant Ronald Speirs de la Dog Compagny arrivent en soutien. Ces derniers bondissent hors de la tranchée et deux américains y laissent leurs vies. Néanmoins le dernier canon est arraisonné vers 11h30, les derniers allemands se carapatant vers le manoir de Brécourt. La Easy quitte alors la position non sans avoir détruit les quatre obusiers avec des charges de TNT, après que le Lieutenant Winters n’ait achevé un allemand blessé qui tenta tout de même de l’abattre avec sa mitrailleuse. Dans cette action, quatre paras tombent au champ d’honneur et six autres sont blessés. Parmi les allemands, on note quinze tués et douze capturés*. Pour cette attaque pleine d’audace, encore enseignée aujourd’hui dans les écoles militaires, Winters reçut la prestigieuse Distinguished Service Cross. Actuellement aucunes traces ne subsistent dans le champ de Brécourt mais une stèle rappele l’action des paras de la Dog et de la Easy.
Gérald Loraine collectionne les Silver Star
Le Pfc Gérald J. Loraine du Service Compagny/506th s’est porté volontaire auprès du Lt. Winters et va particulièrement s’illustrer pendant l’opération contre la batterie de Brécourt. Loraine va mener directement l’assaut dans les tranchées et sous le feu ennemi. Sans égards pour sa sécurité, il va récupérer des grenades lancées par les allemands et les renvoyer à leurs propriétaires.
Pour son courage dans cette attaque couronnée de succès, Gérald Loraine reçoit la Silver Star, comme deux membres de la Easy Compagny, Bill Guarnere et Buck Compton.
Mais Loraine refait encore parler de lui en Hollande pendant l’opération Market Garden. Chose rare, il y récolte une seconde étoile d'argent. Il participe ensuite à la Bataille des Ardennes et à l’avancée en Allemagne.
Les hommes du first Engineers Spécial Brigade (le génie) assistent à une messe dans l’église Notre-Dame le 11 juin 1944. |
Des enfants Montois marchent parmi leurs libérateurs. Notez que sur le monument commémorant la victoire de 14-18, tout à droite, les allemands ont enlevé pendant l’occupation la statue représentant un poilu écrasant l’aigle impérial. Elle sera remise en place pour la fête du 14 juillet 1944. |