Bénouville et Ranville, l'aéroportée Britannique en Normandie.
Les planeurs du Major Howard visent le pont de Bénouville
En ce soir du 5 juin 1944, deux habitants du coin, Auguste Delaunay et Alexandre Sohier, sont requis pour monter la garde avec les allemands. Ils commencent leur garde à 20h à l’entrée du pont levant de Bénouville, entre les cafés Gondrée et Picot, et ne connaissent pas encore le destin funeste qui les attend. Les forces d’occupation sont fébriles, on signale des mouvements d’aviation anormaux aux alentours. Les soldats qui logent à proximité sont partis en exercice de nuit, ainsi nos deux civils se retrouvent à faire les 100 pas sur le pont aux côtés de deux autres sentinelles allemandes.
Au loin, à des centaines de pieds au-dessus de La Manche, six planeurs tractés par avions filent dans la pénombre. Ils sont chargés de pilotes chevronnés et de soldats de la 6th British Airborne Division. La D Compagny du 2nd Oxford and Buckinghamshire Light Infantry s’apprête à ouvrir le grand bal d’une multitude d’opérations visant cette nuit à forcer le verrou du Mur de l’atlantique sur le littoral normand. A 0h15, trois planeurs se posent à quelques mètres du pont de Bénouville, près de l’étang. Les quatrième et cinquième atterrissent aux abords du pont de Ranville, le sixième s’est déporté à treize kilomètres, près de Perriers-en-Auge. L’opération Tonga est lancée, le Major Howard commande les 180 hommes qui composent la troupe d’assaut. Le bruit de l’atterrissage est couvert par les tirs de la défense anti-aérienne et les sentinelles allemandes et civiles françaises ne prêtent pas attention à ce qui se déroule à côté d’eux.
Les anglais connaissent l’ouvrage par cœur pour s’être entraîné sur une maquette grandeur nature en Angleterre. Le pont est important pour les alliés : construit en 1935 sur le canal parallèle à l'Orne, il constitue l'unique point de passage entre Caen et la mer. Le pont est pris en 10 minutes avec sang-froid après quelques échanges de tirs. L’ouvrage devait être piégé, mais les assaillants constatent que seuls les détonateurs sont posés, les explosifs sont manquants.
Malheureusement pendant l’attaque, les Britanniques ont eu deux tués : le caporal Greenhalgh s’est noyé dans l’étang, le lieutenant Brotheridge a été mortellement touché sur le pont. Auguste Delaunay et Alexandre sohier ont été tués dès le début de l’assaut, car difficilement identifiables dans la nuit au milieu des ennemis. Mais le temps presse, la D Compagny se déploie en position défensive aux abords du canal pendant qu'une bonne nouvelle parvient au Major Howard : Les sections des Lieutenants Fox et Sweeney ont réussi leur mission, le pont tournant de Ranville est lui aussi aux mains des troupes aérotransportées. Le radio Ed Tappenden peut alors envoyer à l’Etat-Major le message codé Ham and Jam, synonyme que les deux ouvrages ont été pris. Le Major Howard fait un point sur la situation puis établi son PC au café de la famille Gondrée, à l’entrée Ouest du pont levant. Le 7th Parachute Battalion du Lieutenant-Colonel Pine-Coffin qui a sauté près de Ranville arrive en renfort. Ranville est libéré vers 2h30, puis une heure plus tard, le Général Gale, commandant de la division aéroportée Britannique, établi son QG dans le bas Ranville. Quant aux 12th et 13th Battalions, ils prennent position au Sud de la localité.
Pendant plus de douze heures, les paras subissent les assauts répétés des allemands. La 716. Infanterie-Divison et des éléments de la 21. Panzer-Division enchainent les contre-attaques. Encerclés, les Britanniques doivent tenir les deux ponts coûte que coûte.
Major John Howard DSO, D Compagny, 2nd Ox & Bucks Bat. (1912-1999) | Casque du Major Howard au Mémorial Pégasus. Remarquez l'impact d'une balle. |
Les commandos débarqués sur la plage arrivent.
Au large, la marine alliée règle ses tirs dans le but d’atteindre plus au Sud la ville de Caen. Les marins préparent ainsi le terrain pour la poussée des troupes Britanniques vers cet objectif qui devra être prit dans la journée. Mais les bateaux tirent trop court et les lourds obus s’abattent à mi-distance sur les deux villages et inquiètent même les paras les plus aguerris. Un soldat fébrile lance au Major Howard " Sacrebleu, mon commandant, ce ne sont pas des obus qu’ils nous envoient, ce sont des Jeeps ! "
Qui plus est, les Allemands ne renoncent pas et s’appuient sur leur artillerie. Les Britanniques parviennent à briser huit contre-attaques face au pont de Ranville. Ils conservent leur avantage jusqu’à l’arrivée des commandos de Lord Lovat débarqués sur Sword Beach. Incrédules, l’espace d’un instant, les troupes aéroportées croient reconnaitre au travers du sifflement des balles le son d’une cornemuse. Est-ce la fatigue ? Non, c’est bien Bill Millin qui souffle dans son instrument, les bérets verts arrivent ! Il est 13h32.
Enfin, dans la soirée, la venue des Warwicks, bataillon de la 3rd British Infantry Division, sécurise les lieux. D'autres troupes fraiches et du matériel transportés par la 6th Airlanding Brigade se posent près de Saint-Aubin-d'Arquenay et de Ranville. Ses renforts finissent d'éteindre les velléités allemandes, même si le château de Bénouville restera sous leur feu encore plusieurs semaines.
Un patrimoine mémoriel riche.
Le Pégasus Bridge original |
Le café Gondrée |
Commencez votre visite à Benouville, par le pont levant, le fameux Pégasus Bridge, qui tire son nom du cheval ailé, emblème de la 6th British Airborne Division. Le pont qui est en service sur le canal n’est pas celui d’origine. L’original se trouve non loin de là dans l’enceinte du Mémorial Pégasus. En effet, celui-ci ne correspondant plus pour la circulation contemporaine, il fut remplacé en 1993, et ses 600 tonnes déplacées à quelques mètres.
Devant le pont se trouve le café Gondrée où le Major Howard établi son pc. L’intérieur a su garder tout son charme et de nombreux souvenirs, photos, livres offerts par les vétérans sont exposés.
A l'Est après avoir traversé le canal se trouve la stèle du Major Howard et différentes plaques dédiées aux paras britanniques. Un canon antichar est toujours présent dans sa cuve.
Inauguré en 2 000 par le prince Charles d’Angleterre, le Mémorial Pégasus propose de revivre ces heures palpitantes. Le hall d’exposition abrite des centaines d’objets d’époque dont la fameuse cornemuse de Bill Millin et l’équipement du Major Howard. Un film unique et une maquette sont présentés dans un auditorium. Les guides sont très disponibles et passionnés (voir incollables). A l’extérieur repose le pont d’origine (dont le véritable nom de code était Euston I) ou des impacts des combats sont apparents. Divers engins ainsi qu’une magnifique réplique d’un planeur Horsa, face aux vestiges d’un planeur authentique, sont également présents. Depuis 2009, un espace à pris place dans le jardin et rend hommage aux paras tombés au combat.
On y trouve également un char Centaur qui débarqua le 6 juin. Il arriva aux côtés de la 3rd British Infantry Division à Luc-sur-mer et fut endommagé par un obus de mortier. L’épave fut récupérée puis dissimulée jusqu’en 1977, date à laquelle l’Airborne Association décida de la restaurer et de l’exposer. Les Royal Engineers chargés de la réparer y trouvèrent une bombe de mortier intacte malgré ses 33 ans !
Le pont Pégasus original, veillé par la statue du brigadier James Hill, commandant la 3rd Parachute Brigade.
Le Mémorial Pégasus présente les exploits des troupes aéroportées Britanniques. |
Il expose une collection impressionnante et toujours enrichie grâce aux trouvailles faites aux alentours. |
Le planeur Horsa du Mémorial Pégasus. |
2ème acte sur le Pégasus Bridge pour Richard Todd
Richard Todd en 1959
Richard Todd voit le jour à Dublin en 1919 et suit plus tard des cours d’art dramatique. Sa mère se suicide alors qu’il n’a que 19 ans. Cette perte le pousse à devenir comédien plutôt que d’embrasser une carrière militaire. Ainsi en 1939, il créé avec des amis la Dundee Repertory Compagny.
Seulement la guerre le rattrape et après avoir menti sur ces compétences, il réussit à intégrer le King’s Own Yorkshire Light Infantry et reçoit une formation d’officier. Cependant Richard a une âme guerrière, et c’est naturellement qu’il se porte volontaire pour les troupes aéroportées. Breveté en novembre 1943, il intègre la 6th Airborne et son 7th Parachute Battalion en tant qu’assistant Adjutant.
Le Jour J, le 7th Battalion du Lieutenant-Colonel Richard Geoffrey Pine-Coffin doit rejoindre les Ox & Bucks du Major John Howard qui se seront peu après minuit déjà emparés des ponts de Bénouville et Ranville. Ils devront alors contenir les contre-attaques allemandes.
Richard touche le sol normand dans un champ à 00h40 et part se mettre à couvert dans un bois. Puis il entend des voix. Il raconte* :"Dans une petite clairière se tient debout le colonel Pine-Coffin et une douzaine d'autres hommes environ. (...) A environ 1h30, le CO donne l'ordre de rejoindre les ponts bien que nous soyons seulement 150 hommes, un quart de notre effectif." Sur place, il découvre son premier mort : un allemand sans jambes allongé en bord de route. Le 7th Battalion tient son secteur et les diables rouges assistent aux premières lueurs du jour aux bombardements naval et aérien sur la côte. Puis les commandos débarqués sur Sword Beach viennent à la mi-journée les soulager. Le 11 juin, Richard rejoint le QG de la division jusqu’en mars 1945 avant de retrouver le 7th battalion. Après-guerre, il suit la 6th Airborne en Palestine mais est gravement blessé dans un accident de la route.
Richard Todd laisse alors les armes derrière lui et revient à la comédie en 1948. Sa carrière décolle et il devient vite populaire. Ian Fleming pense même à lui pour le rôle de James Bond dans Dr. No sorti en 1962, mais son emploi du temps l’en empêche.
Cependant le destin lui tape sur l’épaule, car il rejoint le casting hollywoodien du film de Darryl Zanuck Le jour le plus long. Car qui mieux que le vétéran Richard Todd pour jouer le rôle du Major Howard ? Retour à Bénouville pour refaire l’épopée du Débarquement en compagnie des John Wayne, Henry Fonda et ..… Sean Connery.
Après avoir lutté contre un cancer et marqué par des drames familiaux, Richard Todd s’éteint le 3 décembre 2009. Si vous passez à Bénouville, entrez dans le café Gondrée. Une partie de son équipement du D-Day est visible à gauche du bar. On retiendra surtout que le Lieutenant Todd joua l’un de ses meilleurs rôles un certain 6 juin 1944.
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Le château de Bénouville.
Ranville et son cimetière militaire Britannique
A 400 m plus à l’Est se trouve le pont de Ranville (Euston II), ou Horsa Bridge. Une stèle rend également hommage aux parachutistes Britanniques.
Dominés par le clocher de l’église médiévale, 2 564 soldats reposent au cimetière militaire de Ranville. Dans le détail, on recense 2 152 Britanniques, 76 Canadiens, 3 Néo-Zélandais, 2 Australiens, 5 Français, 1 Polonais, 1 Belge, 322 Allemands et 2 inconnus. Le plus jeune à 15 ans. En cet endroit gît le premier soldat anglais tué lors de la bataille de Normandie : dans les premières minutes de l’assaut, le Lieutenant den Brotheridge fut abattu d’une balle mortelle en traversant le pont de Bénouville.
Le cimetière militaire dominé par sa haute croix centrale. |
La tombe de Den Brotheridge. Attention, elle se trouve dans le cimetière communal. |