La gazette
Général Wilhelm Falley : la mort au bout du chemin.
Par plagesdu6juin1944 | Le 21/03/2018 | Commentaires (0)
Largués le Jour J au milieu du Cotentin, une douzaine de parachutistes américains cherchent leur chemin. Et vont tomber nez à nez avec un général allemand pressé de rejoindre son poste de commandement.
Convoqué pour un exercice par le commandant de la VIIe Armée, le Général Dollman, le Généralleutnant Wilhelm Falley n'est pas serein. Basé au château de Bernaville, près de Picauville, il est parti le 5 juin afin de participer au Kriegspierl organisé à Rennes par son supérieur. L'objectif de l’entraînement sera de savoir répondre à un débarquement ennemi... Falley commande la 91. Luftlande-Infanterie-Division et a en charge la surveillance du secteur où vont être projetés les 82nd et 101st US Airborne Divisions.
Cependant ce soir, le trafic aérien croissant et les bombardements l'inquiète. Aussi a-t-il choisi de rebrousser chemin afin de rejoindre la Manche et son QG de Bernaville.
Wilhelm Falley |
Patch du 508th Parachute Infantry Regiment |
Craignant d'être épié par la résistance et d'être lui aussi la cible des bombes alliées, Falley a établi un PC de commandement mobile hors du château, dans un chemin creux près d'une minoterie. Installé à l'arrière de la voiture, il est conduit par le Caporal Vogt. Sur le siège passager a pris place son aide de camp le Major joachim Bartuzat. Tous trois ne le savent pas encore, mais ils filent dans la nuit à la rencontre d'un destin funeste.
Le Lieutenant Malcolm Brannen, Hq Co, 3/508th PIR, vient lui aussi d'arriver aux premières heures du 6 juin dans la Manche, dans un pommier... Son parachute s'est accroché à l'arbre et l'américain pend maintenant à 30 cm du sol. Après s'être libéré de son harnais, il retrouve trois compagnons d'armes de la 82nd Airborne : un Caporal du 508th et deux membres du génie du 307th. Tombés à proximité d'une mitrailleuse allemande, ils décident de s'éloigner vers le Nord-Ouest.
Chemin faisant, les quatre égarés tombent sur le Lt Harold V. Richard, A Co du 508th, et de son radio, le Sergent Hall. D'autres troopers viennent grossir leurs rangs et les paras sont bientôt douze, mais ils ignorent encore ou ils sont exactement. Qu'a cela ne tienne, les contours d'une ferme se dessinent dans la pénombre. Même à 4 heures passées ce matin, ses habitants sauront bien les renseigner. Les paras approchent du bâtiment, qui est en fait une minoterie.... Ils se mettent en position autour de la ferme, et les Lieutenants Brannen et Richard ainsi qu'un troisième homme s'annoncent à la porte. Une fenêtre s'ouvre. Les habitants, les Lagouche et leurs enfants, découvrent ces imposants libérateurs aux visages noircis. Au drapeau étoilé cousu sur leur manche, les normands en déduisent que ces inconnus ne sont pas vraiment du coin. A l'aide de son guide en français et de sa carte, Brannen parvient à se faire comprendre. Le groupe se trouve en fait au Nord de Picauville. Enfin, ils connaissent leur position ! Toutefois, ce soulagement est de courte durée.
Dans la voiture de Falley, le temps presse. Face aux événements qui se déroulent autour de lui, le Général décide de ne pas faire de halte au château. Il a demandé à son chauffeur d'aller directement à sa résidence mobile afin de rapidement évaluer la situation. L'équipage touche presque au but, il lui reste quelques centaines de mètres à parcourir.
Malcolm D. Brannen (site the 82nd airborne WW2) |
Jack Schlegel (site the 82nd airborne WW2) |
"Alors il se résout à faire feu le premier." |
A la minoterie, les paras à couvert en bord de route sont aux aguets...
Soudain, un bruit interrompt la nuit, un véhicule approche. Alertés par le sifflement de leurs éclaireurs, Brannen et Richard sortent de la maison. Ce dernier se plaque contre le mur de la ferme, quant à Brannen, il prend place au milieu de la chaussée. L'officier lève la main et s'écrie : « Halte ! ». Ignorant l'ordre, la voiture accélère et fonce sur lui. Brannen s'écarte et les balles claquent. L'auto, criblée d'une douzaine de projectiles, fait une embardée et vient s'encastrer contre le mur de la minoterie, entre les deux fenêtres. Son pare-brise a éclaté, et un homme gît sur la route. A l'avant, le siège conducteur est vide. Le chauffeur a été éjecté pendant la sortie de route et essaie maintenant de se carapater. Mais Brannen use de son colt 45 et le persuade de se constituer prisonnier. Dans la voiture, le Major Bartuzat a eu moins de chance. L'officier repose dans son siège, sans vie.
Quant à Falley, tombé sur la route, il bouge encore. Près de lui se trouve son pistolet. Et il essaie d'atteindre son arme en rampant. Regardant le Lt Brannen, il supplie : « Don't kill ! Don't kill ! ». L'américain, monté sur un talus, ne souhaite pas la mort de l'allemand. Mais que se passera t-il si ce dernier parvient à mettre la main sur son Luger ? Brannen ne souhaite vraiment pas savoir qui d'entre eux deux tire le plus vite. Alors il se résout à faire feu le premier. Sa balle atteint Falley en plein front, le tuant net. Un geyser de sang jaillit de l'impact, puis le flot rougeâtre s'estompe peu à peu.* Brannen vient de décapiter la 91. Luftlande-Infanterie-Division.
Passée cette brusque montée d'adrénaline, les paras commencent à fouiller le véhicule et ses occupants. C'est la stupéfaction ! Ils ont mis la main sur un Caporal, et ont abattu un Major et un Général ! Le Caporal Vogt en est quitte pour transporter deux valises remplies de documents et de cartes pouvant intéresser l’état-major allié. S'éloignant des lieux de l'embuscade, Brannen examine la casquette du Général et découvre son identité : « Falley. »
Jack W. Schlegel, Hq 3/508th, arrive à l'aube aux abords du lieu de la fusillade. Scrutant à son tour le véhicule, il trouve un drapeau frappé de la swastika, l’emblème divisionnaire de la 91. Infanterie-Division. Schlegel cache son trophée dans une grange et viendra le récupérer plus tard.
Le secteur de l'embuscade, à proximité du château de Bernaville (Google maps) | Cette photo aérienne prise le 9 juin 1944 montre l'auto toujours calée contre la ferme (DDay Tour Compagny) |
La perte de son commandant a une conséquence importante sur la capacité de contre-attaque de la 91. ID et sur la réussite du débarquement allié sur le secteur Utah Beach. En effet, comme Falley n'est pas repassé par le château de Bernaville, son état-major le croit à Rennes. Ses subordonnés n'ont pas idée de sa présence à proximité, et surtout de sa mort. Les 82nd et 101st US Airborne Divisions auraient eu fort à faire face aux unités blindées germaniques. Seulement ces dernières ne peuvent bouger une chenille que sur ordre de Falley. Hors son corps ne sera découvert que le 8 juin par les allemands. Bien trop tard pour empêcher les alliés de consolider leur tête de pont.
Aujourd'hui, le temps a fait son œuvre : la minoterie est inoccupée et offre une allure fatiguée. Mais la vénérable bâtisse voit régulièrement les curieux et autres passionnés du D-Day fouler ses alentours, passants avides de pouvoir humer l'atmosphère d'un lieu témoin d'un haut fait d'armes de la 82nd Airborne. Néanmoins, les normands reconnaissants ont laissé une trace indélébile du passage des parachutistes américains. Car pour accéder au site, vous devez désormais emprunter le chemin Jack Schlegel. En 1969, Jack avait fait don au Musée Airborne de Sainte-Mère-Eglise du drapeau trouvé le 6 juin, inscrit depuis à l'inventaire du patrimoine.
La minoterie de Bernaville : la voiture de Falley a fini sa course contre la façade longeant le chemin. | Jack Schlegel est décédé en 2014. Mais la voie menant à l'ancienne meunerie porte son nom. |
Quant au Général, il est toujours en Normandie, à 11 kilomètres de Sainte-Mère-Eglise. Si vous passez à Orglandes, faites une halte au cimetière militaire allemand. Passé une entrée massive en pierre, plus de 10 000 combattants reposent dans un vaste pré en pente douce. Au fond à gauche, sous le regard placide de vaches normandes, vous trouverez la tombe de Wilhelm Falley, premier Général allemand tué lors de la Bataille de Normandie.
Le drapeau récupéré par J. Schlegel et exposé à l'Airborne Muséum. (musée Airborne) |
Tombe du Général Falley à Orglandes (Bloc D - Rangée 10 - Tombe 207). Né à Metz, en Moselle, il avait 46 ans. |
Pour en savoir + =>
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* Dans le livre Les jardins de la mémoire, de daniel Biernaux, Marguerite Lagouche, présente dans la ferme le 6 juin, parle d'une explosion et de l'utilisation d'un bazooka pendant la riposte. Et stipule que c'est le Major et non le général qui fut tué sur la route.
L'Airborne Muséum a trouvé son Steele.
Par plagesdu6juin1944 | Le 13/03/2018 | Commentaires (0)
2018 lance la 54ème saison de l'Airborne Muséum. Une longévité et un succès croissant qui n'empêchent pas le musée de savoir se renouveler.
Le pavillon du planeur Waco, et en arrière, son extension ouverte en 2014, Opération Neptune.
Pendu à son clocher, cela fait une trentaine d'années que le mannequin toise les touristes venus à Sainte-Mère-Eglise faire un bond de près de 75 ans en arrière. Mais la mascotte haut-perchée, ersatz immobile de John Steele* nommée Big Jim, a aussi pu contempler l'évolution d'une autre icône locale : l'Airborne Muséum. Car depuis 1964, il s'en est passé des choses en face de l'église, là où brûla la maison Pommier un soir de juin 1944. D'abord l'édification du pavillon abritant le planeur Waco. Puis en 1983, c'est l'inauguration de son grand frère où prit place le C-47 The Argonia.
Big Jim prend facilement la pose pour les photographes. |
Face à l'engouement pour le D-Day et à l'évolution des attentes des visiteurs, l'équipe du musée œuvra pour la création d'un espace immersif et réaliste. En 2014, l'extension Opération Neptune ouvrit ses portes, l'occasion pour chacun de se replonger sur 1 200m2 dans la bataille de Sainte-Mère-Eglise et les faits d'armes des 82nd et 101st US Airborne Divisions.
Il faut dire que le complexe est un enjeu stratégique pour la commune et le département de la Manche. Car en 2017, ce sont plus de 200 000 visiteurs qui ont poussé ses portes, soit une activité en hausse de 9%.
Ainsi, afin d'assurer la complémentarité (ou la concurrence ?) avec les autres musées, tels le D-Day Expérience ou le Musée Utah Beach, l'Airborne muséum accueille de nouveaux pensionnaires : en janvier 2017, un char Sherman de 1943 remplace à l'entrée l'ancien Sherman, historiquement moins conforme. En janvier 2018, un très rare canon de 57mm prend place dans le bâtiment Neptune, dans le diorama dédié à la Bataille de la Fière. Auparavant, ce sont sept objets qui furent inscrits au patrimoine : un parachute T5, le drapeau du Général Falley, une robe de mariée en voilure de parachute, la chasuble du Révérend Wood (505th PIR), une mallette de reconnaissance allemande et deux poupées Rupert.
De plus, du 31 mars au 30 septembre 2018, une nouvelle exposition temporaire est proposée : « LES AGENTS DE L’OMBRE ».
A travers différentes scènes, l’exposition « Les agents de l’ombre : les services secrets alliés de 1940 à 1945 » met en lumière ces hommes et ces femmes, militaires ou civils, formés à devenir des agents secrets.
Enfin, à compter du 15 mai, un nouvel instrument interactif, l'HistoPad, permettra au public de revivre les opérations aéroportées comme s'il faisait lui-même partie des troupes combattantes.
L'occasion pour Big Jim de voir encore de nombreux curieux se presser sous ses bottes.
Airborne Muséum 14 rue Eisenhower De mai à Août : 9h-19h / Avril et septembre : 9h30-18h30 / Octobre à mars : 10h-18h Fermé en décembre et janvier sauf vacances scolaires Tarifs 2018 => ADULTE: 8.50 € ENFANT (6 à 16 ans): 5.00 € Famille (2 adultes et 2 enfants payants minimum) : 8.00€/adulte et 4,00€/enfant. Le Pass Airborne Ambassadeur : 14 € / adulte
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* John M. Steele, F Co 505th PIR 82nd US AB, est touché au pied pendant sa descente par un éclat de Flak allemand. Ne parvenant pas à contrôler son parachute, il atterrit sur le clocher de l’église vers 1h00 du matin. Il essaie de se libérer, en vain. Au bout de deux heures, deux soldats allemands, Rudolf May et Alfons Jackl, le libèrent. John est soigné et fait prisonnier. Il parvient à s’évader trois jours plus tard et à rejoindre les lignes alliées.