La gazette
1/5 Les fortes têtes du D-Day : Frank L. Lillyman
Par plagesdu6juin1944 | Le 30/07/2017 | Commentaires (1)
Frank Lillyman, 502nd Parachute Infantry Régiment, avait une sacrée gouaille. Il était de ceux qui aimaient qu'on le remarque, un combattant flamboyant qui aura son heure de gloire dans le magazine Life, et bien des années plus tard sur You tube.
Lillyman en 1943 à Fort Bragg en Caroline du Nord. (Gary Howard: Finest II Amérique) | Le Capitaine et son célèbre cigare, lors d'un saut d'entrainement en Angleterre en 1944. (WWII American Parratroopers) |
Il est un peu plus de minuit ce 6 juin 1944 lorsque le C-47 n° 293098 approche de la DZ A, près de Saint-Germain-de-Varreville dans La Manche. A bord de l'avion a donc pris place le Capitaine Frank L. Lillyman, chef des pathfinders de la 101st US Airborne Division. Les éclaireurs doivent une fois au sol installer des balises afin de faciliter le repérage des zone de sauts et d'atterissages pour le reste des membres des 101st et 82nd Airbornes qui vont arriver après eux.
Les hommes s'élancent dans la nuit, avec à leur tête ce gringalet de 29 ans. C'est là son 48ème saut, il est bientôt 0h15. Interviewé par les actualités américaines quelques jours plus tard à Carentan, le Capitaine revendiquera l'exploit d'être le premier para à avoir touché le sol français le Jour J. Une paternité historique qui sera contestée par un membre de son propre stick, le private John McFarlen. Blessé pendant la bataille, Lillyman fera un aller-retour à Londres afin de panser ses plaies avant de retourner au front.
"Il restera célèbre pour sa vidéo l'immortalisant un cigare au bec alors qu'il se dandine au bout de son parachute." |
Physiquement, l'officier de paye pas de mine avec ses 63 kilos. Mais il compense sa taille avec un caractère bien trempé. Il n'est plus un bleu, mais un dur de dur, un vrai grognard. Il en a vu d'autres, de Fort Bragg alors qu'il commandait la I/502nd, avant d'aller asticoter les recrues lorsqu'il prit en charge l'école des Pathfinders. Il faut dire que le Captain à un ego bien plus imposant que sa taille. Il restera célèbre pour sa vidéo l'immortalisant un cigare au bec alors qu'il se dandine au bout de son parachute. Ce film n'est pas un caprice. L'homme voue une véritable passion pour la photographie et aime se filmer à l’entraînement avec une caméra 16mm. Quant au cigare, sa femme Jane a pris l'habitude de lui en faire parvenir dès que possible. Une façon d'améliorer les rations sommaires fournies par l'Oncle Sam. Et aussi un grigri chargé de faire partir le mauvais sort en fumée.
Cependant ce tempérament devait être peu apprécié par sa hiérarchie, puisque de la Normandie jusqu'au terme du second conflit mondial en 1945, il ne dépassa pas le grade de Capitaine. Comble du mépris, il fut même nommé commandant du MP Platoon de la 101st. Les membres de la Military Police ne pouvaient porter sur leur veste le prestigieux badge Airborne au-dessus du patch divisionnaire. Un affront pour un vétéran de sa trempe.
Après dix mois en Europe et trois blessures, il resta tout de même dans l'armée après la capitulation allemande et prit sa retraite en 1968 en tant que lieutenant-colonel. En 1971, un AVC aura raison de son humour. A 55 ans, laissant sa femme Jane et ses deux filles Jean et Susan, Lillyman venait de réaliser son dernier grand saut. Auparavant, il avait néanmoins réussi à assouvir un rêve.
Lorsque la mort frappe et que les frères d’armes se font de moins en moins nombreux au front, les hommes espèrent alors survivre et se projettent dans l'après-guerre. Certains, comme le Major Richard Winters, 2/506th, souhaitent s'installer dans une paisible ferme, loin des tumultes du monde. D'autres comme le facétieux Lillyman, veulent profiter différemment de la vie. Lors de ses combats en France où en Allemagne, blotti dans son foxhole, il salivait à l'idée de déguster de la bonne nourriture sous les dorures d'un bel appartement, le tout en écoutant de la valse. Ainsi, en octobre 1945 à Heidelberg, en Allemagne, il écrivit une lettre expliquant ses projets, puis adressa sa missive au Pennsylvania Hôtel de New-york :
"Je désire une suite qui fera face à l'Est, de sorte que le soleil me réveillera le matin. Je ne souhaite pas savoir à l'avance quels plats seront servis, mais je ne veux pas qu'un même plat me revienne. Si les repas sont servis après la tombée de la nuit, j'aimerais avoir des bougies pour l'éclairage de la table. Je désire un téléphone acceptant seulement les appels sortants. "
Un mois plus tard, arborant ses huit décorations, dont la prestigieuse Distinguished Service Cross, il se présenta à l'accueil du grand hôtel avec 500 $ en main, et demanda si les souhaits dans sa lettre pouvaient être respectées. La direction lui répondit alors de garder son argent et de faire venir sa femme et sa fille Susan. Puis, assistés par une douzaine de serviteurs, la famille passa une semaine de vacances en tant que «invités de la maison» dans la suite du Roi George. L'histoire ne dit pas si les cigares étaient aussi offerts.
Frank Lillyman voit son voeu éxaucé et profite de la paix ... (Life)
En bonus quelques moments de son fameux séjour .... (Historycomestolife)
Sources :
La 101st US Airborne Division dans la Seconde Guerre Mondiale, de Mark Bando
Dunkerque, de la débâcle au miracle.
Par plagesdu6juin1944 | Le 25/07/2017 | Commentaires (0)
Sorti le 19 juillet, Dunkerque, le nouveau film de Christopher Nolan, revient sur l'évacuation militaire du port français en 1940. Où quand une débâcle devient une épopée humaine.
(allo ciné) |
Christopher Nolan (Keraunoscopia/wikipédia) |
En juin 1940, les troupes françaises et Britanniques sont acculées dans Dunkerque. Faut-il continuer le combat, se rendre ou fuir ? Churchill ordonne l'opération Dynamo. la Royal Navy doit rembarquer tout ce petit monde, avec la priorité donnée aux troupes de Sa Majesté. Pour les français, on verra plus tard. Profitant d'un surprenant arrêt dans la progression allemande vers la mer, les alliés vont devoir surmonter l'hostile obstacle entre eux et leurs foyers : La Manche.
Après Memento, Inception ou The dark Night, Christopher Nolan s'attaque à un des tournants de la Seconde Guerre Mondiale.
Dans Dunkerque, le réalisateur américano-Britannique mêle trois destins dans son récit, trois histoires sur terre, en mer et dans les airs, qui vont finir par se rejoindre. Comment les Tommies vont-ils s'échapper de cette nasse, dont l'interminable attente d'une salutaire place sur un navire est ponctuée par les assourdissant piqués des Stukas ennemis vers la plage ? Comment la RAF va t-elle surnager dans un ciel tombé aux mains du IIIe Reich ?
Le dénouement de ce sauvetage est connu. La providence viendra d'une flotte de navires de plaisance venue prêter main forte aux militaires. D'innombrables plaisanciers, des marins d'eau douce, des pêcheurs, des bateliers pousseront leurs embarcations vers la France. Ainsi, la patrie vient au secours son armée, coupant la chique aux nazis.
"Les Allemands sont presque inexistants, lointains, intouchables. Mais la guerre, elle, est bien présente, oppressante." |
Nolan évite les explications à rallonge. Dès la première scène, vous sursautez de votre siège. Porté par une bande-son angoissante, vous êtes un tommy cherchant à se faire une place sur un destroyer afin de s'éloigner de ce bourbier. Vous êtes un pilote de Spitfire volant vers le terrain de jeu de la Luftwaffe. Vous êtes enfin un père de famille anglais voguant vers le Sud afin d'apporter toute l'aide qu'il peut.
Les dialogues sont minimalistes, et les Allemands sont presque inexistants, lointains, intouchables. Mais la guerre, elle, est bien présente, oppressante. Vous croyez vous en être sorti ? Oh que non, la mort est là, elle vous rattrape, encore et encore, faisant monter la tension du spectateur immergé dans cette retraite meurtrière.
Plus de 330 000 hommes purent rejoindre les ports anglais entre mai et juin 1940, sauvés de la détention et de la mort par le courage de milliers de civils. Bien sûr, le récit est patriotique, glorifiant la RAF et les Britanniques. N'oublions pas que deux divisions françaises sont restées en arrière pour protéger l'opération. Bien qu'elles aient stoppé l'avance allemande, elles furent bientôt capturées. Le reste de l'arrière-garde, essentiellement française, s'est rendue le 3 juin 1940. Cette évacuation fut une formidable victoire dans la défaite de la Bataille de France. De retour en Angleterre, les survivants poseront alors les jalons de la victoire, et beaucoup seront de retour quatre ans plus tard, un certain 6 juin 1944. Mais ça, c'est un autre film....
Bande-annonce du film DUNKERQUE (Christopher Nolan, 2017), en VF