La gazette
On a vu Tu ne tueras point, l'histoire de Desmond Doss.
Par plagesdu6juin1944 | Le 13/11/2016 | Commentaires (0)
Opprimé par l'armée pour ses convictions religieuses et son rejet des armes, un infirmier va s'illustrer face aux japonais. L'histoire vraie d'un paria devenu héros, aujourd'hui portée sur grand écran par Mel Gibson.
Desmond Doss reçoit la Medal of Honor.
Hokinawa, 1945. La 77th US Infantry Division est déployée dans le pacifique. Son premier bataillon doit partir à l’assaut de la falaise de Maeda (Hacksaw Ridge), escarpement fermement tenu par les japonais. L’ennemi a déjà repoussé plusieurs attaques américaines, occasionnant de lourdes pertes aux GI’s. En première ligne pour ce nouvel assaut, les infirmiers auront du pain sur la planche. Parmi les médics se trouve Desmond Doss, engagé volontaire en 1942.
Desmond Doss (US Nationales Archives)
Chez lui en Virginie, le jeune homme (joué par Andrew Garfield, vu dans Spiderman) fut confronté à un dilemme : comme ses compatriotes, il voulait servir son pays, mais la violence était incompatible avec ses croyances et ses principes moraux. Adventiste et fils d’un père violent et alcoolique, Il s’opposait à se servir d’une arme et refusait de tuer.
Il signa tout de même dans l’infanterie comme médecin. Son refus d’infléchir ses convictions lui valut d’être malmené pendant ses classes par ses camarades et ses supérieurs. Cependant, armé de sa foi et d’une bible, il entra dans l’enfer de la guerre pour en devenir l’un des plus grands héros. Lors de la bataille d’Okinawa, il réussira à sauver 75 vies seul sous le feu de l’ennemi, ramenant en sureté du champ de bataille un à un les soldats blessés.
Pour sa bravoure, il fut le premier objecteur de conscience à recevoir la prestigieuse Médal of Honor, plus haute distinction militaire américaine.
Un film malgré l'humilité de Doss.
Mel Gibson, à qui l’on doit déjà le film We were soldiers (2002), réalise un film sur un paradoxe, l’un des 10 commandements incompatible avec l’état de guerre : Tu ne tueras point. Malgré quelques longueurs en première partie, les scènes de combats sont saisissantes de réalisme. Trahissant la violence du front, la caméra attrape le spectateur par le col et le traine sur le champ de bataille. Quant à Andrew Garfield, loin des super-héros, il effectue une prestation convaincante en idéaliste forcené.
Jusqu’à ses dernières années, Desmond Doss refusait de voir son histoire être transposée en film. Mais le producteur Bill Mechanic l’a convaincu, quelques mois avant sa mort en mars 2006 : «Il ne voulait pas se mettre en avant car cela allait à l’encontre de ses valeurs. Ce n’est qu’au crépuscule de son existence qu’il s’est laissé convaincre qu’il était temps de raconter son histoire pour la postérité.» Pour lui, cette histoire est celle «d’un homme dont la foi est durement éprouvée mais qui sort de l’enfer de la guerre renforcé dans ses convictions».
Tu ne tueras point (Hacksaw Ridge), de Mel Gibson, 2h11. Sortie le 9 novembre 2016.
Vétérans irlandais, la fin de l'injustice.
Par plagesdu6juin1944 | Le 26/10/2016 | Commentaires (0)
Pour avoir quitté l'armée irlandaise afin de combattre les allemands, des milliers de soldats seront maudits par leur gouvernement. Le repentir officiel des autorités interviendra 68 ans plus tard....
Durant la Seconde Guerre Mondiale, 60 000 Irlandaises et Irlandais ont participé à l'effort de guerre aux côtés des troupes Britanniques. Parmi eux se trouvaient 5 000 hors-la-loi. 5 000 déserteurs qui paieront cher leur choix d’aller combattre les troupes nazies au service de Sa Majesté George VI.
Indépendante vis-à-vis de la Grande-Bretagne depuis 1921, l’Irlande avait choisi la neutralité lorsque les Britanniques déclarèrent la guerre à l’Allemagne en 1939. Une initiative qui ne fut pas du goût de certains de ses militaires qui partirent participer au conflit à l’Est de la Mer d’Irlande. Parmi ces volontaires, on retrouvait donc plusieurs milliers de personnels ayant quitté les rangs de la Green Army pour défendre la démocratie sous les ordres de Churchill et consorts.
Alost, 18 septembre 1944 : membres du Irish Guards Group, Guards Armoured Division. (IWM)
"Privés de pension et de fonction publique" |
Cependant, après avoir été au front et parfois endurés milles tourments, les survivants rentrèrent au pays en parias, mis au banc de la société à cause de leurs insoumissions et leurs états de services contre les forces de l’Axe. En effet en 1945, sous la houlette de leur chef du gouvernement Eamon De Valera, les autorités irlandaises les avaient tout bonnement radié de l’armée. Ainsi bannis, ces vétérans se retrouvaient sans pension militaire ni possibilité de pourvoir pendant 7 ans à un emploi dans la fonction publique. Irlandais et anciens combattants Britanniques, ils ne pouvaient également prétendre à percevoir le chômage. Les noms des fautifs étaient couchés sur une liste noire, inventaire ensuite envoyé à chaque mairie ou gare afin de mieux les exclure. Les désavoués ne pouvaient se défendre devant une cour martiale pour faire valoir leurs droits, cette décision étant juste politique et unilatérale. Comble de l’ironie, en avril 1945, De Valera était même allé jusqu’à présenter ses condoléances à l'ambassadeur d'Allemagne à Dublin après l’annonce de la mort d’Hitler. Après-guerre, les tensions entre Londres et Dublin sur le contrôle de la province britannique d'Irlande du Nord avaient longtemps fait oublier cette implication irlandaise dans l'armée anglaise.
Puis le temps fit son œuvre, les relations entre l’Irlande et l’ennemi anglais devenant plus pacifiques. En 1998, les deux pays trouvèrent un accord de paix en Irlande du Nord après des décennies de conflit armé. Un rapprochement salutaire qui amorça un début de reconnaissance à Dublin pour ses déserteurs stigmatisés depuis 1945. Pour marquer ce tournant dans la gratitude des sacrifices de ces héros incompris en leur temps, la reine Elisabeth II délivra un message significatif en 2011. La souveraine déposa une gerbe au Mémorial de Dublin en souvenir des soldats tués pendant les deux Guerres mondiales. L'année suivante, le ministre de la Défense Alan Shatter avait officiellement présenté des excuses à propos de cette loi d’exclusion, connue sous le nom d'ordre de la famine, en raison des conséquences qu’elle a eues sur ces soldats et leurs familles. Enfin, en mai 2013, le gouvernement irlandais répara son erreur et amnistia les soldats coupables de défection. Leur président, Michael D. Higgins, signa une grâce supprimant la menace de poursuites des soi-disant déserteurs.
La fin du calvaire et de la honte, notamment pour John Stout, vétéran des Irish Guards et du D-Day. Lui qui en 1945 libéra avec son unité le camp de Bergen-Belsen, spectacle irréel et macabre qui lui fit dire : "Oh mon dieu. C’étaient des squelettes (les prisonniers). Ils n’avaient plus toute leur tête, après tout ce qu'ils avaient subi. Ils étaient comme des zombies. Je me suis dit alors: Ceci est une cause qui mérite d'être défendue."
La fin des tourments aussi pour les proches de ces moutons noirs irlandais, dont certains durent repartir en Angleterre, faute de travail et de reconnaissance dans leur pays. Un aveu qui arriva bien tard, la plupart des vétérans mis en cause étant aujourd'hui disparus, mais un mea-culpa gouvernemental et historique qui a le mérite d'exister.
John Stout, décédé en 2014, était serein. "J’ai fait mon devoir", disait-il. "Je sais que ce fut la bonne chose à faire".
Sources :
Le figaro : Dublin pardonne à ses déserteurs de 1939-1945
The Telegraph : I suppose we deserted, aye. But we were the heroes