La gazette
Garbo, l'agent trouble.
Par plagesdu6juin1944 | Le 01/06/2016 | Commentaires (0)
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, un espagnol, secrètement au service des anglais, intoxiqua les renseignements allemands. Cet agent double contribua à la réussite du Débarquement allié en Normandie et réalisa l’exploit d’être décoré par les 2 camps. Avant de mystérieusement disparaitre…
En ce début 1944, les allemands ont peu de certitudes concernant le Débarquement des troupes ennemies à l’Ouest. Ils savent que l’ouverture du second front tant demandé par Staline se fera à court terme. Cependant, Hitler ignore ou et quand les alliés porteront leur attaque. Alors le Führer met la pression sur ses services de renseignements, l’Abwehr de l’amiral Canaris, afin qu’ils fassent la lumière sur la stratégie de Churchill et consorts. L’Abwehr sollicite ses espions, dont un de ses meilleurs éléments, Arabel. Arabel est fiable, Arabel est précis. Arabel vit en Angleterre et a accès à des informations pertinentes sur les préparatifs d’Overlord grâce à son réseau d’infiltrés. Les allemands ont confiance en ce précieux Arabel et ses compagnons, et analysent chacun de leurs envois avec attention.
Mais Arabel est une farce, une imposture. Et les allemands l’ignorent. Arabel, de son vrai nom Juan Pujol Garcia, travaille en fait pour les services secrets Britanniques.
Retour en 1912 en Espagne. Juan Pujol Garcia naît dans une famille sans histoires. Après une guerre civile, l’Espagne est commandé en 1939 par la poigne de fer du général Franco. De cette dictature, Garcia cultive une profonde aversion pour les régimes totalitaires. Il propose alors ses compétences aux services secrets de sa Majesté. Néanmoins il essuie un refus. Diabolique, il se tourne alors en 1941 vers les renseignements allemands qui, enthousiastes, acceptent de l’enrôler. Car Garcia, se faisant passer pour un correspondant de guerre au Royaume-Uni, dit avoir accès incognito à des données sensibles. Une offre bien trop alléchante pour l’agent nazi qu’il rencontre à Madrid. L’affaire est conclue, Garcia, devenu Arabel, sera les yeux et les oreilles de Canaris à Londres. On lui enseigne les techniques de chiffrage des messages et lui alloue 3 000 dollars pour le voyage. Fin prêt, il se rend à Lisbonne afin d’embarquer pour un port anglais. Mais c’est la douche froide pour Garcia qui n’est pas autorisé à quitter le Portugal.
Le Débarquement en Normandie est une ruse...
Juan Pujol Garcia, agent double oeuvrant pour les alliés. |
L'amiral Canaris, chef de l'Abwehr de 1935 à 1944. (Archives fédérales allemandes) |
Qu’à cela ne tienne, même coincé à Lisbonne, il va tenir son engagement. Car notre homme est un formidable acteur, doté d’une imagination fertile. Pour leurrer les allemands, il utilise un guide touristique sur l’Angleterre et une revue récupérée dans une bibliothèque à Madrid, et commence ses transmissions fantaisistes prétendument envoyées depuis Londres. Garcia décrit des mouvements de flottes ennemies, se créé de toutes pièces un solide réseau d’informateurs. Le subterfuge de l’espagnol fonctionne, les allemands n’y voient que du feu. En 1942, Garcia rentre à nouveau en contact avec les renseignements britanniques qui cette fois ne laissent pas passer leur chance.
Accueilli par le MI5 en Angleterre, on lui donne le nom de code de Garbo et lui assigne le Colonel Tomas Harris comme tuteur. Garbo continue de transmettre de fausses informations au IIIème Reich, parvenant même en prenant plusieurs personnalités à leur faire gober qu’il compte jusqu’à 24 taupes dans son réseau. En 1944, afin de préserver sa couverture et avec l’aide de ses agents fantômes, il communique aux allemands de vrais renseignements : le 6 juin, il confirme à l’Abwehr l'information du Débarquement allié en Normandie, mais stipule que cette attaque est une ruse, la véritable opération amphibie d'envergure se déroulant plus tard. Le 8 juin, il envoie cette confirmation : de source sûre, la véritable invasion aura lieu à Calais. Sur les dires du loyal Arabel, la 116. Panzer-Division stationnée près de Paris chenille vers le Nord de la France. Au final, 7 divisons sont détournées à tort de la ligne de front normande.
Intégré à l’opération Bodyguard censée protéger les secrets d'Overlord, cet enfumage alimente la confusion dans l’Etat-Major allemand et rend possible la libération de l’Europe. Chose incroyable, malgré les revers, les nazis continuent de s’abreuver des mensonges envoyés par l’invisible organisation du Catalan. A tel point satisfait qu’Hitler paye grassement Arabel et le décore de la Croix de fer… Quant aux Britanniques, ils octroient à Garbo la Victoria Cross pour ses « vrais » services rendus à la couronne. Peu à peu, Garcia se fait plus discret. Puis il disparait en 1949, donné pour mort en Afrique, laissant sa famille, qui ignore totalement ses activités de l’ombre à Londres, dans le deuil.
Juan Garcia n’est plus, mais outre-Manche les mérites de Garbo hantent encore pendant longtemps les couloirs de l’Intelligence Service. Trente ans plus tard, Nigel West, un écrivain passionné par tout ce qui touche à l’espionnage, s’intéresse à cette histoire rocambolesque. Perplexe sur la mort de ce super agent roi de la supercherie, West mène l’enquête. Son flair le conduit en Amérique du Sud ou il débusque sa proie, bien vivante. Garcia s’est refait une nouvelle vie, est marié et coule des jours paisibles sur la côte Vénézuélienne.
1984. Les commémorations du 40ème anniversaire du Jour J vont bon train quand Garbo fait une retentissante arrivée sur le devant de la scène médiatique. Stupeur chez ses proches en Espagne. Non seulement Juan n’est pas mort, mais en plus c’est un héros, maillon essentiel dans la réussite de la plus grande opération militaire de tous les temps. A la télévision espagnole, l’homme est affable sur son rôle dans l’intoxication du renseignement allemand pendant la guerre. Enfin, en 1988, Juan Pujol Garcia, alias Arabel, alias Garbo, décéda (réellement) à Caracas, emportant avec lui une partie du mythe du contre-espionnage d’antan. Un agent double qui dut son pseudo de Garbo à la grande Greta Garbo, immense actrice du cinéma des années 20 et 30, qui n’aurait pas renié les talents d’artiste de l’espagnol. Mais point d'Oscar pour Juan Pujol Garcia, espion d'Hitler, héros de l'Angleterre.
Documentaire sur Juan Pujol Garcia, dit Garbo.
Décès de René Rossey, Commando Kieffer
Par plagesdu6juin1944 | Le 20/05/2016 | Commentaires (1)
René Rossey, badge N°183 et vétéran du Jour J avec le commando Kieffer, est décédé le 19 mai 2016 à 89 ans.
Il s'engage dans l'armée en 1943 en mentant sur son âge et ses 16 ans, arguant au recruteur qu'il a 17 ans et demi. Originaire de Tunis, il quitte l'Afrique en suivant la 8ème Armée Britannique. Il arrive en Palestine, puis se dirige en juin vers Beyrouth au Liban.
Après quelques semaines, il se retrouve en Angleterre au camp de Camberley puis à la caserne londonienne Bir Hakeim. Sur place, il fait la rencontre du commandant Kieffer qui le prend dans son unité. Après une formation validée, il intègre la section de mitrailleuses K Gun du 1er Bataillon de Fusiliers Marins Commandos.
Le 6 juin 1944, René Rossey réalise une première pour lui : poser le pied en France. Débarqué sur Sword Beach sous la mitraille allemande avec ses 176 compagnons d'arme, il tient 78 jours en première ligne. Il réalise un second débarquement au Pays-bas à Flessingue.
La guerre terminée, il trouve un point de chute à Paris puis rentre en 1946 en Tunisie. Très discret sur son passé héroïque, il fut fait officier de la Légion d'Honneur en 2014. Cette même année, son petit-fils, Cédric Condon, réalisa un film sur l'histoire du 1er BFMC, Les Français du Jour J (ci-dessous, dans lequel René Rossey apparait).
Aujourd'hui, Hubert Faure, Jean Masson, Léon Gautier, Yves Meudal, Paul Chouteau, et Jean Morel sont les 6 derniers survivants du commando Kieffer.
Documentaire "Les Français du Jour J" de Cédric Condon