Band of Brothers, de Stephen E. Ambrose
Par plagesdu6juin1944 | Le 06/11/2011 | Commentaires (0)
Le livre Band of Brothers, de Stephen E. Ambrose ( ci-dessous en 2001 ), arrive dans notre bibliographie.
Né le 10 janvier 1936 dans l’Illinois, Stephen E. Ambrose fut un passionné d’histoire et plus particulièrement de la seconde guerre mondiale. Auteur prolifique, on lui doit plus de 20 ouvrages, dont Pégasus Bridge, titre relatant l’action des paras Britanniques le 6 juin 1944 au nord de Caen. Il est décédé le 13 octobre 2002.
Entre 1944 et 1945, la compagnie E a subit 150% de pertes |
En 1992, il s’attaque à la rédaction d’un nouveau livre sur l’épopée de jeunes américains, de la constitution de leur unité dans les troupes aéroportées fraichement créées en 1942 jusqu’à la fin de la guerre en 1945. Son choix se porte sur les membres de la 101st Airborne, plus précisément sur la Easy Compagny, incorporée au 506th régiment du colonel Sink. Une compagnie toujours en première ligne et qui a connu le chiffre effarant de 150% de pertes par rapport à son effectif de départ entre 1944 et 1945.
Comment cette idée a-t-elle mûri ? Revenons en 1988. Les vétérans de la Easy ont pris pour habitude de se retrouver lors de réunions annuelles depuis leur démobilisation. Cette année là, rendez-vous est pris à la Nouvelle-Orléans. Stephen E. Ambrose, qui est alors directeur du centre Eisenhower de la ville, décide de se rendre à cette commémoration dans le but d’interviewer les vétérans sur leur vécu le jour J, et notamment leur prise de la batterie allemande de Brécourt près d’Utah Beach. Le commandant Richard Winters se prête au jeu et livre ses impressions. Seulement lorsque ce dernier prend connaissance de la retranscription des notes prisent par Ambrose, il tique sur quelques passages pour le moins farfelus. 2 ans plus tard, quelques anciens de la Easy sont de passage près du domicile d’un des leurs, Walter Gordon, alors voisin d’Ambrose. Ce dernier a vent de la nouvelle et les invite. Le major Winters, Forest Guth, Carwood Lipton et Gordon se retrouvent bientôt dans le salon de l’écrivain. Les 4 vétérans devisent tout l’après-midi sur leur passé militaire, devant un Ambrose devenu spectateur des récits de ses hôtes et qui n’en perd pas une miette. Avec Winters, ils constatent que leur histoire ferait un excellent livre. Ambrose a déjà connu un certain succès avec son opus sur la 6th Airborne Britannique qui avait combattu sur le flanc gauche des alliés le D-Day. Pourquoi ne pas s’intéresser au flanc droit, et à cette fameuse Easy Compagny ?
Insigne du 506th RIP
Ambrose s’appui sur les journaux personnels de Richard Winters et David Webster, sur d’innombrables interviews et lettres d’époque des vétérans. En parcourant ces pages, vous serez témoins de l’évolution et de la destinée d’une des plus fameuse troupe d’élite que l’armée américaine ai compté dans ses rangs. Ses membres, souvent issus d’un milieu modeste, enfants de la crise de 1929, étaient tous volontaires pour sauter d’avions en parfait état de marche. Commandés en Géorgie au camp de Toccoa par le tyrannique Capitaine Sobel, les 140 volontaires vont apprendre la discipline, le combat au corps à corps, le maniement de diverses armes, l’orientation avec boussole et carte, l’ascension du mont Currahee et bien sûr l’utilisation du fameux parachute. Endurcis et sachant travailler en équipe, ils gagnent New-York, puis direction l’Angleterre en septembre 1943 pour parfaire leur instruction en attendant de monter au front contre l’ennemi teuton. Ensuite vient l’heure pour les Screaming Eagles du baptême du feu et du saut sur la Normandie le 6 juin 1944. Près d’Utah Beach et pour la prise de Carentan, la Easy a toujours répondu présente. 139 paras ont embarqué dans les C-47 le jour J. Lorsqu’ils ont quitté la ligne de front pour regagner l’Angleterre le 13 juillet 1944, ils n’étaient plus que 74 en état de combattre ( le 506th a connu 50% de pertes pendant la campagne de Normandie ). 18 membres de la compagnie E y ont laissé leurs vies. Le règlement voulait qu'un soldat hospitalisé et absent plus de 90 jours devait être affecté à une autre unité. Sachant cela, beaucoup, comme Popeye Wynn blessé au postérieur à Brécourt, sont revenus "boitant" de l'infirmerie afin de pouvoir continuer à se battre avec leurs compagnons. En septembre, renforcée par de nouvelles recrues, la Easy repart pour la Hollande et l’opération Market Garden. Cette campagne doit permettre d’asséner un coup fatal au Reich et de piquer droit vers Berlin avant Noël. Mais c’est un échec. Depuis leur entrée en guerre, les hommes du commandant Winters ont eu à déplorer 120 morts et blessés, mais aucun prisonnier. Certains de ces paras avaient été touchés en Normandie et en Hollande, mais tous étaient contents d’atteindre le 26 novembre la ville de Mourmelon près de Reims pour y prendre un peu de repos. Une accalmie bien courte puisqu’Hitler décida de jouer son va-tout dans une offensive dans les Ardennes le 16 décembre. A court d’infanterie, l’état-major allié fait appel à la 101st pour combler les trous dans son secteur défensif belge. Le 19, les paras creusent leurs trous individuels au nord-est de Bastogne. Encerclée, face à un ennemi supérieur en nombre et confortablement ravitaillé, la 101st va tenir bon et empêcher la percée allemande. Webster, Heffron, Guarnere, Ranney pour ne citer qu’eux. Tous ces soldats harcelés par le froid vont repousser les limites physiques et psychiques humaines et faire entrer leur division dans la légende.
"Nous avions appris que les héros se faisaient tuer avant d'avoir fait leur boulot, alors qu'il n'y avait rien de plus important que de remplir sa mission." Lieutenant Carwood Lipton, Easy Compagny |
Viendra ensuite l’entrée en Allemagne et la découverte des camps de travail et d’extermination. Nez à nez avec ces prisonniers amaigris, ces êtres flottants dans leurs pyjamas rayés, Winters lâcha : " Maintenant, je sais pourquoi je suis là. " Viendra aussi l’heure de la rencontre avec le peuple allemand, que ces américains ont appris à haïr tant ils ont souffert au combat et perdu de trop nombreux camarades. Mais le civil allemand est-il si terrible ? Ces hommes et ces femmes qu’ils croisent sont en fait disciplinés, travailleurs. Les anglais étaient tristes, les français voleurs et fainéants, les hollandais charmants et reconnaissants. L’allemand n’est pas le monstre qu’ils s’en sont fait depuis leurs engagements. Les camps ne peuvent être pour eux que le fruit de la folie des responsables nazis.
Ensuite ? La compagnie E posa son barda début mai en Bavière, avec l’insigne honneur de s’emparer du nid d’aigle d’Hitler. Le führer, mort depuis le 30 avril, avait fait de Berchtesgaden le lieu de villégiature des hauts-dignitaires nazis. Les paras gravirent la montagne et ouvrirent les portes du repaire, sans trouver âme qui vive. Mais ils purent se remplir les poches et boire à la victoire en ouvrant une des 10 000 bouteilles de la cave du maréchal Goering ( ce dernier possédait également cinq Rembrandt, un Van Gogh et un Renoir…. ).
Puis enfin direction le sud et l’Autriche ou le second bataillon du 506th s’était vu assigné sa zone d’occupation, à Zell am See. Les canons s’étaient tus, les hommes pouvaient souffler.
Depuis leur embarquement à New-York sur le navire Samaria en septembre 1943, les gars de la Easy, qui pour beaucoup n’avaient jamais quitté les Etats-Unis, ont connu 6 pays ( Angleterre, France, Hollande, Belgique, Allemagne, Autriche ). Ils ont découverts la peur, la mort, mais surtout un esprit de corps qui les a transcendé. Ils auraient pu s’engager dans l’infanterie, mais selon le para Robert Radder, ils ont choisi l’aéroportée pour « être meilleurs que les autres ». Et lorsque la bataille commencera, ils voulaient être avec les meilleurs, et non pas avec une unité peu motivée et mal entrainée. Peu d’hommes qui ont sauté le 6 juin 1944 ont atteint l’Autriche un an plus tard. Beaucoup sont morts ou ont été rapatriés pour des blessures graves. C’était le lot de la Easy Compagny, fer de lance de l’armée américaine, d’avoir dans ses rangs de nombreux récipiendaires de la Purple Heart. Le commandant Winters traduit cet état d’esprit : « Après une mission délicate, la reconnaissance pour nos faits d’armes était une autre mission difficile. » Le 30 novembre 1945, la 101st est désactivée, et la Easy avec elle ( elle sera réactivée 3 ans plus tard ).
En 2000, après le succès de son film Il faut sauver le soldat Ryan, Steven Spielberg décide avec Tom Hanks de porter à l’écran l’œuvre d’Ambrose. Produite par HBO, la minisérie de 10 épisodes Band of Brothers rencontre un succès considérable, et fait des vétérans de la Easy des véritables stars. La production est restée extrêmement fidèle au livre, sous les conseils avisés de Richard Winters et consorts. HBO signe une budget de 120 millions de dollars, deux ans de préparation sont nécessaires pour permettre à 500 acteurs et 10 000 figurants de tourner pendant 8 mois.
La série Band of Brothers connu un succès phénoménal ( crédit HBO )
Quant au livre, il se termine sur un tour d’horizon émouvant de ce que sont devenus les membres de l’unité. Chacun a fait son chemin, certains ont eu du mal à exorciser les démons qui les hantent depuis leurs faits d’armes, comme Skinny Sisk. Le capitaine Sobel en a toujours voulu aux hommes de Toccoa, lui qui ne put s'illustrer en sautant sur la Normandie. Devenu dépressif il tenta d’en finir et connu une fin bien triste. Beaucoup ont bénéficié des droits du GI pour faire des études à l’université à leur retour au pays. Rustres et peu scolarisés avant leur engagement en 1942, plusieurs sont devenus enseignants après-guerre. Certains comme Carwood Lipton ont bien réussi et vécus confortablement. Chaque année, les survivants essaient de se retrouver lors de la réunion de leur association. La majorité s’accorde à reconnaitre que le temps qu’ils ont passé dans la 101st Airborne a été la période la plus importante de leur vie, et 68 ans plus tard, ils sont encore inséparables. Mais tous reconnaissent la valeur de leur compagnie, qui fit honneur à leur devise : « Currahee ! ( Nous combattons seuls, seuls mais ensemble ).
Mike Ranney fut un jour interrogé par un de ses petits-fils :
- Grand-père, tu as été un héros pendant la guerre ?
- Non. Mais j'ai servi dans une compagnie de héros.
A ce jour de novembre 2011, 32 membres de la Easy sont encore parmi nous : Roderick G. Bain, Edward J. Bernart, Donald S. Bond, Lynn D. Compton, James Coombs, Bradford C. Freeman, Roy Paul Gates, William J. Guarnere, Edward James Heffron, Edward J. Joint, Joseph A. Lesniewski, Dewitt Lowrey, Clarence Odell Lyall, Donald G. Malarkey, Albert L. Mampre, Leo Joseph Matz, Earl Ervin McClung, John McGrath, Joachim Melo, Ynez M. Mendoza, Edwin E. Pepping, Franck J. Perconte, Philip P. Perugini, Paul Clifford Rogers, Edward David Shames, Frank Joseph Soboleski, J.B Stokes, Roderick G. Strohl, Herbert John Suerth, Edward Joseph Tipper, William T. Wingett, Elijah D. Whytsell.
"Que le compagnon qui vous a guidé par la main en Normandie, en Hollande, à Bastogne et en Allemagne veille sur vous et vous garde jusqu'au dernier grand saut." Colonel Sink, 506th régiment de la 101st Airborne |
Livre Band of Brothers, frères d'armes, de Stephen E. Ambrose, aux éditions Le livre de poche, 540 pages.
Sources :
site web men of easy
livre objectif Carentan de Georges Bernages
Hors série 39-45 n°13 l'épopée de la 101st Airborne