aumônier
Le Père Andrews, la bonne étoile (d'argent) de la Big Red One.
Par plagesdu6juin1944 | Le 29/03/2019 | Commentaires (0)
Aumônier de la first US Infantry Division, le père Andrews accompagna jusqu'au trépas les mourants sur la plage d'Omaha Beach le 6 juin 1944. Vétéran de nombreuses batailles avec la division, blessé et décoré, il suivit ses hommes au front, jusqu'à l'épuisement...
Patch de la first US ID
Il arrive en vue de cette plage Normande, longue bande de sable coincée entre de hautes falaise. D'après les premiers rapports, les combats auraient été terribles, là-bas, en contrebas des villages de Colleville-sur-Mer et Saint-Laurent-sur-mer. Les 1 450 chanceux de la première vague d'assaut se sont fait taillés en pièces par les défenseurs allemands. Débarqués à 6h30 sous une grêle de balles et d'obus face au Mur de l'Atlantique, ceux qui ont pu sortir de l'eau vivants et atteindre le rivage se sont cramponnés derrière les providentiels obstacles de plages. Mais face à cette maudite marée montante, ils n'ont eu d'autre choix que de sortir de leur abri précaire, offrant leurs corps aux balles des MG42 et des snipers ennemis.
Après les tranchées de la Grande Guerre en 1917, les premières heures du retour sur le sol de France sont meurtrières pour la Big Red One. Débarqué en début d'après-midi sur le sous-secteur Fox Green, le Capitaine Fred E. Andrews contemple le triste spectacle qui s'offre à lui. Non, ce n'est plus Omaha beach. Devant les nombreux corps de GI's flottants dans l'eau rougie par l'efficacité des tireurs allemands, l'aumônier doit se rendre à l'évidence. Il vient de poser pied ce 6 juin 1944 sur Bloody Omaha, Omaha la Sanglante...
Le père Andrews (coll. Big Red One Muséum/tous droits réservés)
Décoré de la Silver Star pour son courage.
Pourtant le père Andrews en a vu d'autres avec la First US Infantry Division, lui le vétéran d'Afrique du Nord. En 1942, il était présent sur la ligne de front. Et la nuit, il œuvrait pour ramener les corps de ses camarades tués au combat. Une tâche difficile mais nécessaire pour l'homme d'église, qui lui fit se rappeler dans les colonnes d'un journal après-guerre cet épisode avec le commandant de la first US Army :
«Une nuit, je suis arrivé vers minuit avec un seul corps dans ma jeep. Il n'y avait pas de garde au cimetière, comme il aurait dû y en avoir. J'ai dormi près de ce corps le reste de la nuit. Sinon, les Arabes l'auraient dépouillé. Dans la matinée, j'ai signalé le manque de gardes et déclaré que cela ne me plaisait pas. L'officier dans la tente de commandement était d'accord et a ordonné que ce soit corrigé. J'ai appris plus tard que cet officier était le général Omar Bradley. »
En 1943, le père Andrews suit sa division en Sicile. Il est blessé le 13 juillet à Ponte Olivo, mais est réticent à ce que l'on mette en avant son courage : « Cela ne valait rien et je ne voulais pas d'une Purple Heart* pour une chose aussi mineure alors que des hommes mouraient autour de moi. » Il reçoit finalement la Silver Star le 16 juillet. La citation de sa décoration ne laisse pas de place au doute concernant sa dévotion pour ses GI's : «Tout au long d'une bataille acharnée, l'aumônier Andrews a encouragé et inspiré les hommes de son bataillon par son sang-froid sous le feu, son énergie infatigable et sa ferme conviction spirituelle. Sa compassion pour les blessés l'a poussé à rester dans la position la plus dangereuse sans peur. Ses actions sans peur lui ont valu une admiration et un respect indéfectibles…»
Mais l'homme continua de se parer dans la modestie : «Dans l'action pour laquelle j'ai été décoré, six autres ont remporté la Silver Star à titre posthume. J'ai eu de la chance et je suis indemne. »
Immortalisé au Big Red One Muséum d'Omaha Beach.
Le voici donc le Jour J devant Colleville-sur-mer. Fort heureusement et grâce à l'appui de l'artillerie navale, l'infanterie a pu traverser le premier rideau défensif allemand et progresser sur les hauteurs vers les terres. Le Chaplain reste sur la plage jusqu'au lendemain matin 7 Juin pour donner les derniers sacrements aux mourants. Le 13 Juin 44, lui et son bataillon libèrent Caumont-l'Eventé. Puis il participe à l'opération Cobra, suit les combats jusqu'à la frontière Belge dans le secteur de Mons où il est de nouveau blessé. Mais le mal est plus profond, moral, l'aumônier souffre surtout de "Stress Post Traumatique". Il est donc rapatrié aux Etats-Unis le 2 Octobre 1944.
Toutefois, une émouvante trace de son passage en Normandie existe aujourd'hui sur Omaha Beach. A proximité du cimetière militaire américain de Colleville-sur-mer, près du pré où reposent tant de camarades ayant reçu ses derniers sacrements. En remontant dans les terres vers Formigny, sur la D514, le Big Red One muséum cache un trésor. Dans le musée dédié à la First US Infantry Division, le père Andrews attend les visiteurs. Le propriétaire, Pierre-Louis Gosselin, a minutieusement mis en valeur l'équipement du chaplain, décédé en 1998.
Après ses combats en Afrique du Nord, en Sicile et sur Omaha Beach, les faits d'armes de la division faisaient dire à de nombreux vétérans : "L'armée américaine est composée de la première division d'Infanterie et de dix millions de remplaçants."
Mais le courage et la compassion dont fit preuve le père Andrews pendant la Seconde Guerre Mondiale, sont eux, irremplaçables.
La tenue et l'équipement du Père Andrews exposés au Big RedOne Muséum.
(Coll. Big Red One Muséum/tous droits réservés)
*La Purple Heart est une médaille militaire américaine accordée aux soldats blessés ou tués au service de l'armée.
L'aumônier Sampson, la foi au milieu des combats.
Par plagesdu6juin1944 | Le 21/03/2019 | Commentaires (0)
L'aumônier Sampson fut un homme de paix au milieu de plusieurs guerres. Vétéran du D-Day, il faillit être exécuté, avant d'être fait prisonnier dans les Ardennes. Entre-temps, il croisa la destinée de quatre frères dont l'histoire inspira un film à succès à Steven Spielberg.
Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, les hommes de la 101st US Airborne Division approchent du Cotentin. Dans le cadre de la Bataille de Normandie, les parachutistes américains doivent sécuriser les arrières du secteur Utah Beach où vont débarquer à l'aube les Gi's de la 4th US Infantry Division. Dans les C-47, des paras prient, espérant traverser les périls sans encombres et survivre à leur premier saut de combat. Cependant, parmi ces milliers de troopers qui pénétrent cette nuit normande préalable à notre libération, un parachutiste affiche sa foi plus que tous les autres. Lui n'emporte pas de Carabine US M1 ou de PM Thompson comme ses camarades. Non, lui est armé de sa bible et de son autel portatif.
A deux doigts d'être fusillé...
Françis Leon Sampson est l’aumônier du 501st Parachute Infantry Régiment. Aux premières heures de l'opération Overlord, ses heures de prêches dans le diocèse de Des Moines dans l'Iowa semblent bien loin face à la tension qui s’alourdit dans la carlingue. Tous attendent que la lumière verte donne le signal aux Screaming Eagles pour leurs sauts dans la pénombre constellée par les tirs de la Flak allemande.
La 101st doit atterrir sur trois drop zones placées dans la Manche entre Saint-Martin-de-Varreville et Saint-Côme-du-Mont. Bientôt, le Père Sampson se retrouve sur le plancher des vaches normandes, mais est délesté de son autel portatif perdu pendant sa descente. Dans le noir, il se lance à sa recherche et parvient à remettre la main sur le précieux objet. Quelques jours après le D-Day, il se trouve dans un poste de secours près de Saint-Côme-du-Mont. Il se tient au chevet des blessés, néanmoins les combats pour la maîtrise du secteur sont âpres entre les deux camps et l'homme d'église est bientôt capturé par deux soldats allemands. Plaqué contre un mur, l'issue funeste de cette rencontre ne fait aucun doute pour lui : l'aumônier va être fusillé.
Terrifié par cette mort imminente, il récite le bénédicité des repas au lieu de l'acte de contrition. Mais sa prière trouve peut-être écho auprès d'une oreille céleste puisqu'il est sauvé de justesse de l’exécution sommaire par le passage d'un sous-officier allemand catholique. Interrogé, Sampson est ensuite relâché car jugé inoffensif par l'ennemi. L'aumônier retourne alors à l’antenne médicale et apaise autant que faire se peut les blessés des deux camps, avant de voir les troupes américaines se rendre définitivement maîtres de la zone.
Passées ces péripéties derrière Utah Beach, le Père Sampson va s'illustrer autrement par un acte qui fera les beaux jours d'Hollywood des décennies plus tard.
Cimetière militaire provisoire de Hiesville le 10 juin 1944 : au premier plan, l'aumônier Catholique Francis L. Sampson bénit les corps de parachutistes tués au combat dont les corps sont enveloppés dans des parachutes.
Ramener le quatrième frère à ses parents.
Tonawanda, dans l’état de New-York, quelques semaines avant le 6 juin 1944. Augusta et Michael Niland vaquent à leurs occupations. Néanmoins leurs esprits sont tournés vers les dernières nouvelles venant du front. En effet en ce printemps 1944, les époux Niland ne sont pas tranquilles. Parents de quatre fils, leurs progénitures accomplissent leur devoir face aux velléités nazies et japonaises. Edward Niland vole sur un bombardier au sein de l’USAAF. Frédérick et Robert ont volontairement fait le choix de l’aéroportée. Quant à Preston, il a intégré l’infanterie et combat avec la 4th US Infantry Division.
Malheureusement, Mr et Mme Niland voient bientôt leur attente bousculée par la réalité de la guerre. Depuis le 16 mai, Edward est considéré MIA, Missing in Action. Son B-25 a été abattu au-dessus de la Birmanie. Depuis, son unité n’a plus de nouvelles du Sergent.
Le 6 juin 1944, le Sergent Frédérick Niland du 501st PIR, régiment du Père Sampson, et le Sergent Robert Niland du 505th PIR, 82nd US Airborne Divison, sont de la partie. Les deux parachutistes sautent sur le Cotentin. De son côté, le Lieutenant Preston Niland débarque à l’aube sur Utah Beach.
Les nouvelles venant de France sont encourageantes. Les alliés progressent, même si sur Omaha Beach, les pertes ont été terribles dans la matinée. Cependant la mort va venir frapper à la porte des Niland. Ils apprennent que leur fils Robert a été tué au combat, Killed In Action le Jour J. Au Nord de Sainte-Mère-Eglise, sa D Compagny se trouvait à Neuville-au-Plain. Les paras ont dû repousser plusieurs contre-attaques allemandes. Submergés par le nombre, les américains décidèrent de décrocher et de retraiter vers Sainte-Mère-Eglise. Le sergent Robert Niland couvrit le repli de son unité avec deux frères d’armes. Ces derniers rentrèrent sains et saufs, mais sans leur sous-officier.
Consumés par le chagrin, les parents n’ont aucun répit, car le deuil s’invite à nouveau sur le pas de leur porte : Preston est tombé au champ d’honneur le 7 juin.
La guerre présente sa facture macabre aux parents affligés. Deux de leurs fils ne reviendront pas vivants de Normandie. Le troisième a disparu, présumé mort dans le Pacifique. Reste le quatrième, Frédérick, semble-t-il toujours en vie, atterrit au Sud-Ouest de Carentan le Jour J.
L'aumônier Françis Sampson a vent du tragique destin des trois frères. Le chaplain entreprend alors les démarches pour que Frederick retrouve ses proches. Le lourd tribut payé par la fratrie Niland parvient ainsi à l’attention de l'état-major. En vertu de la Sole Survivor Policy*, Washington prend la décision de rapatrier le dernier fils aux Etats-Unis afin de l’incorporer dans une unité non combattante. Puis en 1945, le Sergent Edward Niland est retrouvé par les Britanniques dans un camp japonais de prisonniers, captif depuis près d’un an, mais vivant. Cette épopée des frères Niland inspira à Steven Spielberg l'histoire de son film aux cinq Oscars « Saving Private Ryan ».
Le Chaplain est prisonnier en Allemagne.
En septembre 1944, lors de l'opération Market Garden chapeautée par Montgomery, le père Sampson est encore aux côtés du 501st PIR en Hollande. Puis le 19 décembre pendant la Bataille des Ardennes, il est capturé près de Bastogne. Enfermé dans un wagon à bestiaux pendant six jours sans eau ni nourriture, il part pour l'Allemagne et le Stalag II au Nord de Berlin. Finalement, le camp est libéré le 28 avril 1945 à minuit par les chars russes. L'ouverture des portes met fin à quatre mois de détention pour l’aumônier américain.
Après-Guerre, en 1946, il œuvre pour l'autre division aéroportée américaine du Jour J, la 82nd Airborne et son 505th PIR. Puis il rempile en Corée, avant d'être nommé à la tête des aumôniers de l’armée américaine en 1967. Élevé au grade de Major Général, le Père Sampson avait reçu de nombreuses distinctions militaire pour son courage et sa résilience : Distinguished Service Cross, Bronze Star, Purple Heart, Presidential Unit Citation (with two bronze oak leaf clusters). De son vécu en temps de guerre, il en avait tiré deux livres : "Paratrooper padre" (1948) et "Look out below" (1958).
Françis Leon Sampson fit son dernier grand saut en 1996. Atteint d'un cancer, il mourut à 83 ans. Il est inhumé au cimetière St. Catharine de Luverne, dans le Minnesota. Sur sa pierre tombale, ces mots sont gravés : "Seigneur, faites de moi un instrument de votre paix." Deux ans plus tard, un certain James Francis Ryan était sauvé sur grand écran....
(US Army)
* Ou DoD directive 1315.15, un ensemble de règlements militaires des Etats-Unis conçu pour protéger les membres d'une famille des missions de combat si ils ont déjà perdu des proches au front.
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