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Opérations Samwest et Dingson : les paras français dans la bataille
Par plagesdu6juin1944 | Le 10/04/2016 | Commentaires (0)
La participation au Débarquement des 177 bérets verts du commandant Kieffer est un épisode connu de notre histoire. Mais plus confidentiel fut le rôle tenu en Bretagne par des parachutistes français chargés d'enrayer la montée des renforts allemands vers la Normandie. Membres des SAS, ils allumèrent dans l'hexagone les premières mèches du plan Overlord.
Afin de mettre toutes les chances du côté des troupes qui vont débarquer dans le Calvados et la Manche, le SHAEF a élaboré contre les services allemands une série de missions d'intoxication. Ainsi les alliés sortent de leur chapeau les opérations Glimmer, Taxable, ou Titanic.
Seulement Eisenhower ne peut pas leurrer toutes les unités ennemies à proximité de sa future zone d'invasion. Toutefois il doit aussi donner un maximum de temps à sa tête de pont pour s'installer sur les plages. C'est pour cet impératif qu'il fait appel aux commandos. Dès le 5 juin, les opérations Samwest et Dingson sont déclenchées, menées par les paras du 4th SAS. Les troupes allemandes stationnées en Bretagne seront bientôt en état d'alerte suite à l'invasion alliée qui se profile. Les français ont une mission périlleuse : atterrir en territoire ennemi et effectuer une guérilla contre les renforts germaniques qui vont affluer vers le nouveau front normand. Car 9 divisions, dont 3 divisions parachutistes, occupent la Bretagne. Cette réserve forte d'environ 85 000 soldats constitue un réel danger pour la réussite d'Overlord.
Vers 0h30 dans la nuit du 5 au 6 juin, 36 commandos du Colonel Bourgoin*, répartis en 4 sticks de 9 hommes, sautent dans le ciel breton. Les commandos doivent mettre en place des Drop Zones pour les autres paras qui les rejoindront les jours suivants. Ils doivent aussi créer des bases de ralliement avec les groupes locaux de résistants, points de départ pour coordonner ensuite le harcèlement des convois allemands. La base Samwest est érigée dans les Côtes-d'Armor, tandis que la base Dingson voit le jour dans le Morbihan, dans le secteur de Saint-Marcel (une troisième mission similaire avec 154 hommes du 1st SAS, l'opération Houndsworth, se déroule dans le même temps dans le Morvan).
Malheureusement, la première perte intervient quelques minutes après avoir retrouvé le sol français. Le groupe du Lt Marienne compte l'un des premiers morts du Débarquement : le Caporal Emile Bouétard est blessé et achevé d'une balle dans la tête lors d'un accrochage près de Plumelec avec des Osttruppen (en 1942, Hitler a signé un ordre stipulant que tout commando fait prisonnier soit exécuté).
Puis dès le 7 juin, les premiers contacts sont établis avec la résistance. Les parachutages d'armes et d'équipements permettent aux commandos de pouvoir rapidement compter sur une troupe de plusieurs milliers d'hommes. Leur contingent est renforcé par le largage d'autres sticks, car jusqu'au 18 juin, 114 SAS français sont parachutés sur Samwest, et 160 sur Dingson.
Dans le même temps 58 parachutistes répartis dans 18 sticks de 3 à 5 hommes sont droppés dans la nuit du 7 au 8 juin dans le cadre de l'opération Cooney Parties. Largués sur différentes DZ en Bretagne, ils doivent saboter les réseaux ferré, électrique et de communication. Ces 18 sticks, leurs missions remplies, rejoindront ensuite les bases Dingson ou Samwest.
Des bâtons dans les avions Les troupes aéroportées utilisent le terme Stick (bâton) pour désigner le groupe de parachutistes qui est largué depuis un avion. Utilisé par l’aviation américaine, le C-47 peut par exemple embarquer un stick de 18 paras équipés. A noter que ce mot peut aussi désigner un chapelet de bombes. |
Cependant les allemands ne restent pas longtemps inactifs. Avec le concours de la Gestapo et de la Milice, la base Samwest est découverte et attaquée le 12 juin. Les SAS et les résistants doivent se disperser. Certains s'enfuient vers le Sud, et parviennent à rallier la base Dingson. Bourgoin et ses hommes ont bien travaillés car ce secteur regorge alors de quelques 200 SAS et d'environ 3 000 maquisards du commandant Chenailler.
Néanmoins le 18 juin 1944, c'est au tour du secteur de Saint-Marcel d'être ciblé par les allemands. Bien qu'encerclés et sous un feu nourri toute la journée, de nombreux commandos et résistants parviennent à s'échapper de Dingson. Le Lt Marienne soutient les combattants, il ouvre le feu sur les Allemands depuis une jeep et soulage les secteurs menacés. Blessé à la tête et couvert d'un bandeau de parachute blanc maculé de sang, il est dès lors surnommé le "lion de Saint-Marcel". Malgré tout, les allemands s'emparent de la place et exécutent les blessés graves laissés par les maquisards. Le village de Saint-Marcel est pillé et brûlé après les combats. En ultimes représailles, 40 civils sont tués et d'autres sont déportés.
Tenace, la milice ne relâche pas son étreinte. Après recherches, des commandos sont localisés dans un bâtiment agricole dans un hameau de Plumelec. Le 12 juillet, la milice investie les lieux et capture 18 personnes, dont 7 SAS. Il s'agit en fait du PC de Marienne, promu Capitaine. Rassemblés dans la cour, l'officier et ses 17 compères sont abattus.
Le Colonel Bourgoin devient l'homme le plus recherché dans toute la Bretagne. Rommel met une seconde fois sa tête à prix, après l'avoir déjà fait lors de la campagne d'Afrique. Cependant Bourgoin ne sera jamais capturé. Car le 6 août 1944, les Américains atteignent enfin la Bretagne et effectuent la jonction avec les SAS. Soulagés, les commandos se regroupent et reforment le 4th SAS. Fin août 1944, Bourgoin reçoit la mission de couvrir avec son régiment le flanc droit de l'armée alliée sur la rive droite de la Loire : Pour les paras français, l'opération Spencer débute. Mais ceci est une autre Histoire.
Les allemands ont enregistré de terribles pertes lors des accrochages avec les FFI et les commandos. Mais chez les SAS aussi, les dégâts ont été importants depuis le 5 juin. Sur les 450 commandos engagés par le Spécial Air Service, 197 ont été blessés et 77 ont perdu la vie. Mais ils ont rempli leurs missions de renseignements, de fixation et de diversion de l'ennemi. Et fait honneur à leur devise : "Qui ose gagne."
*Blessé 37 fois, Pierre-Louis Bourgoin est surnommé "le manchot" car il a perdu son bras droit en Tunisie. Taquins, les britanniques lui ont fourni un parachute bleu-blanc-rouge pour son saut prévu dans la nuit du 10 au 11 juin 1944.
Tarbes en 1945 : le Brigadier Mike Calvert, commandant la brigade SAS,
passe en revue les 3rd et 4th SAS lors de la cérémonie de leur transfert
dans l'armée française (2e et 3e Régiments de Chasseurs Parachutistes).
(IWM)
En savoir + => Livre Les SAS, commandos secrets de sa majesté, de Jean Jacques Cécile, éd. histoire et collections |
Le cimetière militaire américain de Saint-James
Par plagesdu6juin1944 | Le 31/10/2013 | Commentaires (0)
27 soldats américains tombés le 6 juin 1944 ne reposent pas aux Etats-Unis. Par choix de leurs familles, ils sont restés en France, comme 40% de leurs*. Mais leurs noms ne figurent pas parmi les allées du cimetière militaire de colleville-sur-mer. Ils sont gravés sur 27 croix en marbre blanc, au sud d’Avranches, au cimetière militaire américain de Saint-James. Son conservateur, Jeffrey Aarnio, nous a confié sa fierté d’œuvrer pour la mémoire de ses compatriotes.
Géré par l’American Battle Monuments Commission ( ABMC ), le cimetière marque l’endroit de la percée américaine entre le 25 juillet et le 7 août 1944 pour sortir de la Normandie et repiquer à l’ouest vers la Bretagne et au sud vers la Loire. Saint-James fut libéré par la troisième armée du général Patton le 1er août. D’abord provisoire, la nécropole fut définitive en 1949. L’herbe et les haies finement taillées annoncent l’entrée principale. En arrière, on distingue un haut mémorial en granit de style roman élevé par William T. Aldrich, avec son carillon dominant les 14 hectares du site. En portant son regard du haut de cette tour le Mont-Saint-Michel se devine au loin. A l’intérieur du bâtiment se trouve une salle de plans et une chapelle surmontées par la devise de l’académie de West Point « Duty-Honor-Country ». Devant ce mémorial, gardé par deux hauts-mâts d’où claquent les drapeaux étoilés, une voie pavée centrale convie les visiteurs aux 4 410 pierres tombales. Ainsi, face aux 498 noms de disparus inscrits sur le mur de soutènement de la terrasse, 4 329 croix latines et 81 étoiles de David dévisagent les passants.
L’ABMC L’American Battle Monuments Commission est une agence du gouvernement américain ayant la charge et l’entretien de 24 cimetières et 25 monuments aux morts répartis dans 15 pays. Elle s’évertue à honorer la devise de son premier président le général de Corps d’Armée John J. Pershing « le temps n’effacera pas la gloire de leurs actions ». Concernant le cimetière militaire de Saint-James, la France a concédé un droit perpétuel de jouissance aux Etats-Unis, sans frais ni impôts. |
Pour les Etats-Unis d’Amérique, ériger des croix latines ou des étoiles de David constitue une pratique spécifique à leurs cimetières situés outre-mer. De plus, après-guerre, les familles pouvaient être surprises lorsqu’elles demandaient à rapatrier le corps de leur fils ou de leur frère. En effet, parfois lorsque les parents d’un soldat tué souhaitaient que celui-ci soit inhumé outre-Atlantique, ils pouvaient découvrir qu’il s’était marié à leur insu avec une britannique. Et que sa veuve avait depuis exigé que la dépouille de son défunt mari repose en terre française.
Ernest W. Prussman, Pfc, 13th Infantry Regiment, 8th Infantry Division Le 8 septembre 1944, en Bretagne près de Loscoat, la résistance allemande est acharnée. Deux bataillons américains sont bloqués par le feu nourri surgissant des fortifications. Faisant fi du danger, le 1ère classe Prussman se lance au-delà des haies et parvient à désarmer deux ennemis. Il repart à découvert, neutralise un canon en capturant ses servants et deux autres tireurs. Il est ensuite mortellement touché. A terre, il parvient à lancer une grenade en direction de son agresseur et le tue. Son courage et son abnégation ont permis de démoraliser ce qui restait d’allemands et les deux bataillons ont ainsi pu progresser. Pour sa bravoure, il s’est vu attribuer la médaille d’honneur du Congrès. Il est inhumé à Saint-James, plot A, rangée 12, stèle 14. |
Joseph Smolik, 507th PIR 82nd Airborne. Vester Millard, 506th PIR 101st Airborne. Keith Bryan, également du 506th. Tous trois ont été tués le Jour J. Comme leurs 24 comparses tombés ce jour, ils reposent à l’ombre des châtaigniers. Plus restreint et moins couru par les touristes que son grand frère d’Omaha Beach distant de 150 kilomètres, Saint-James est veillé avec attention par son responsable, le superintendant Jeffrey Aarnio. Ancien membre des troupes aéroportées et marié à une française, il cultive rigoureusement le souvenir de ces hommes restés jeunes à tout jamais.
Jeffrey Aarnio veille respectueusement sur l'ultime demeure de ses compatriotes
En tant qu’américain et passionné d’histoire, qu’est-ce que cela représente pour vous d’accueillir les visiteurs et de gérer le cimetière militaire de Saint-James ?
Jeffrey Aarnio : Cela représente une énorme responsabilité. C’est une grande fierté de faire ce métier. Tout d’abord parce que je viens d’une famille ou pas mal de membres ont porté l’uniforme pendant la seconde guerre mondiale, au Vietnam, et moi-même plus tard. Je sais à quel point c’est important pour les familles de s’occuper des leurs et de leurs montrer que le gouvernement américain n’a pas oublié ses soldats qui sont enterrés en outre-mer, en dehors des Etats-Unis.
Il y’a un moment particulier qui vous a marqué lors d’une visite d’une famille ?
Beaucoup de familles m’ont marqué lors de leurs visites. Il y’en a deux particulièrement : le neveu d’un soldat noir américain qui a été décoré de la médaille d’honneur en 1992 par le président Bush père. C’était la mère de ce neveu qui avait fait le déplacement depuis la Caroline du sud pour recevoir la médaille attribuée à son frère. Et ce après une longue enquête pour savoir qui méritait la plus haute distinction militaire américaine, car après la première guerre mondiale il y’avait beaucoup de racisme. Cela a empêché certaines catégories de soldats de recevoir cette distinction. Cet homme était le premier soldat noir à recevoir cette médaille d’honneur. L’autre rencontre marquante était avec une nièce d’un soldat de la première guerre mondiale enterré à côté de Verdun ( Jeffrey Aarnio était auparavant superintendant du cimetière militaire de Seringes-et-Nesles dans l’Aisne ). Originaire du Nebraska, elle était centenaire, dans un fauteuil roulant. Lorsque je lui ai demandé l’autorisation pour la prendre en photo à côté de la stèle de son oncle, elle s’est mise debout, son regard plongé dans le mien, et m’a dit avec une grande fierté : « si le fauteuil n’est pas dans la photo, allez-y. » C’était très émouvant.
Qu’avez-vous prévu pour les célébrations du 70ème anniversaire du D-Day en 2014 ?
Pour l'instant nous avons juste fixé la date du 26 mai pour le Mémorial Day mais pas encore l'heure dans l'après-midi. Autrement, nous sommes en train de planifier une cérémonie le 1er juin pour un concert, puis le 5 juin avec entre 500 et 800 musiciens présents au cimetière. Enfin une cérémonie se tiendra surement pour les paras mais la date pour l'instant reste à déterminer.
Propos recueillis par Stephane Samson
contact@plagesdu6juin1944.com
Voir le diaporama du cimetière militaire de Saint-James
* voir article sur les cimetières militaires provisoires américains du 27 octobre 2013
BRITTANY AMERICAN CEMETERY
50 240 Saint-James
Tel : 02 33 89 24 90
http://www.abmc.gov