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Les cimetières militaires provisoires américains
Par plagesdu6juin1944 | Le 27/10/2013 | Commentaires (0)
Samedi 25 octobre s’est tenue la conférence sur les cimetières militaires provisoires américains dans le canton de Sainte-Mère-Eglise entre 1944 et 1948. Un prélude à la parution prévue en mars 2014 du livre d’Antonin Dehays ( voir article du 10 octobre dernier ) sur ces sanctuaires qu’ont connu nos ainés dans le Cotentin au sortir de leur libération.
De gauche à droite : Antonin Dehays, doctorant en Histoire contemporaine,
Jean-Baptiste Feuillye et Jacques Pignot, acteurs des inhumations des soldats américains
"Ces prés singuliers devinrent pour les Manchois les lieux prisés pour la promenade du dimanche" |
Entre 200 et 250 personnes se sont installées afin d’en savoir plus sur des évènements méconnus car peu abordés dans la conséquente littérature sur la bataille de Normandie : La création et l’impact des cimetières militaires provisoires américains dans le quotidien des normands fraichement libérés par les alliés.
Après une présentation d’Henri-Jean Renaud ( le fils d’Alexandre Renaud, le maire de Saint-Mère-Eglise en 1944 ) et soutenu par le musée Airborne, Antonin Dehays exposa ses conclusions devant l’assemblée. Car selon ce dernier la popularité de Sainte-Mère-Eglise trouve d’autres sources que le para John Steele resté perché sur le clocher et immortalisé par le film Le jour le plus long. Le conférencier souligna 3 aspects importants qui ont fait passer ce village de la Manche à la postérité : Tout d’abord une bataille incertaine le 6 juin 1944 entre américains et occupants, engagés dans un terrible affrontement qui vit 25 civils périr le Jour J. Ensuite l’effet sur la population locale de la mise en place de ces « petits bouts d’Amérique » que furent ces cimetières provisoires. D’innombrables croix furent dressées sur lesquelles les « Dog Tags », les plaques d'immatriculation des défunts, étaient clouées. A elle seule, Sainte-Mère-Eglise a accueilli 8 000 sépultures réparties en deux endroits. Ces prés singuliers devinrent pour les Manchois les lieux prisés pour la promenade du dimanche. Enfin Mr Dehays souligna l’énorme impact qu’eut une photo publiée dans le magazine Life le 7 août 1944 : un cliché représentant Simone Renaud, la femme du maire, fleurissant la tombe du général Théodore Roosevelt Jr. La résonnance fut énorme pour le peuple américain et dès lors Mme Renaud reçut des milliers de lettres de proches de soldats inhumés en Normandie.
Mémorial placé près du terrain de sports, là ou se tenait le cimetière N°1
Après-guerre, la question fut posée aux familles si elles souhaitaient que le corps de leur fils, leur oncle ou leur frère continue à reposer en France. Ainsi, par choix de leurs proches, 40% des soldats américains tombés en Normandie restèrent dans l’hexagone. A partir de 1948 les dépouilles placées dans le canton de Sainte-Mère-Eglise commencèrent à être transférées aux cimetières de Colleville-sur-mer, sur le secteur d’Omaha Beach, ou de Saint-James près d'Avranches.
Plusieurs intervenants, acteurs de cette période, vinrent clôturer la conférence : Henri-Jean Renaud donc, qui a poursuivi l’œuvre de sa mère en continuant à répondre aux familles. Jacques Pignot, 17 ans à l’époque et qui fut engagé par les américains pour rechercher les corps des disparus. Et enfin Jean-Baptiste Feuillye, 13 ans en 1944, et qui fut réceptionniste au cimetière numéro 1 de Sainte-Mère-Eglise.
L’émotion était palpable dans les paroles de ces trois témoins, eux qui si jeunes ont côtoyé la mort au quotidien. Le cimetière américain de Colleville-sur-mer reste incontournable pour qui veut parcourir les plages normandes et appréhender le coût humain de la guerre. 9 387 stèles rappellent le lourd prix à payer pour la liberté, sacrifices parfois difficiles à comprendre pour la jeune génération. Car lorsqu’ Antonin Dehays demanda à Henri-Jean Renaud s’il se souvenait d’un moment particulier, celui-ci se confia : « Je suis toujours en relation avec la famille d’un soldat tué en 1944. Un jour, j’accompagnais des enfants au cimetière militaire de Colleville. Ils étaient interpellés par toutes ces croix alignées à perte de vue. Nous étions autour de la tombe de ce soldat et je leurs proposais de faire une photo ensemble. Je sortis de ma poche un portrait format A4 de cet américain tué 69 ans plus tôt et le posait au pied de la stèle. Et là les enfants me demandèrent : Ah bon ? Il y’a des gens sous les croix ? »
A paraitre en mars 2014 : « Sainte-Mère-Eglise, un sanctuaire américain en Normandie 1944-1948 », aux éditions OREP, par Antonin Dehays.
Guerres et Histoire : la Luftwaffe assassinée
Par plagesdu6juin1944 | Le 19/10/2013 | Commentaires (0)
Et si le succès du débarquement en Normandie s’était joué bien avant juin 1944 et loin des côtes françaises ? Et si le mur de l’Atlantique n’avait pas été représenté par cette statique barrière défensive allant de la Norvège au pays basque, mais plus surement par la Luftwaffe ? C’est ce à quoi répond le bimestriel Guerres et Histoire dans son numéro15 avec son dossier de 20 pages « L’assassinat de la Luftwaffe, comment l'aviation américaine a sauvé le débarquement ».
Lors de la réunion de Casablanca ( 14-24 janvier 1943 ), Roosevelt et Churchill se mettent d’accord sur la nécessité de l’ouverture d’un second front en Europe de l’ouest. Cependant, outre la myriade de bunkers qui hérissent le continent et compliquent la mise à terre d’une force de libération, une menace bien plus préoccupante perturbe le sommeil des stratèges britanniques et américains : les avions allemands.
Les bombardiers américains déchantent
Ainsi, les alliés conviennent que pour la réussite de l’opération Overlord, il est impératif de briser les reins de l’aviation ennemie en allant la combattre chez elle en Allemagne. Seulement début 1943, les vues divergent entre les états-majors formant le Combined Bomber Offensive. Les britanniques veulent privilégier les bombardements sur les villes allemandes alors que les américains souhaitent s’attaquer aux sites industriels. Finalement tout le monde s’accorde à cibler les outils de production aéronautiques, notamment dans le secteur stratégique de la Ruhr. L’offensive de bombardements stratégiques combinés prend forme, ce sera l’opération Pointblank ( « à bout portant » ). Mais pour pouvoir arriver sur leurs objectifs, les bombardiers doivent d’abord se défaire de la chasse allemande.
"Fin 1943, l’US Army Air Force fait ses comptes : un équipage ne compte que 38% de chances de terminer sain et sauf son tour de 25 missions." |
Les planificateurs accordent alors toute leur confiance dans la robustesse et la capacité défensive des B-17, surnommés les forteresses volantes avec leurs 10 mitrailleuses de 12.7 mm. Par naïveté ou excès de confiance, ce choix est désastreux. Les flottes de B-17, après deux succès contre Brême et Hambourg en avril et Juillet 1943, sont durement touchées ensuite par la riposte des Messerschmitt. Les pilotes allemands s’aguerrissent de mois en mois et en octobre la 8th Air Force enregistre près de 30% de pertes lors d’un raid. Fin 1943, l’US Army Air Force fait ses comptes : "un équipage ne compte que 38% de chances de terminer sain et sauf son tour de 25 missions."
Les alliés ont pris un coup sur la tête, la perspective d’assommer la Luftwaffe est un objectif de plus en plus illusoire et la réalité d’un débarquement se mue peu à peu en rêve inaccessible. Hors il y’a du changement sur le sol anglais. En décembre 1943, Eisenhower prend en charge la préparation de l’ouverture du second front. Une de ses décisions est salvatrice : il nomme le général Spaatz à la tête d’une nouvelle organisation : les US Stratégic Air Forces in Europe ( USSTAF ), comprenant la 8th ( en Angleterre ) et 15th Air Force ( en Italie ). Ce dernier va alors redéfinir les priorités des cibles à détruire et clarifier les prises de décisions lors des missions.
Un B-17 de la RAF
Doolittle change la donne
Spaatz nomme en janvier à la tête de la 8th Air Force le général James H. Doolittle ( celui-là même qui pour venger l’affront de Pearl Harbor avait fait décoller en 1942 des bombardiers depuis le porte-avions USS Hornet pour mener un raid sur Tokyo ). De suite, Doolittle fait parler son audace et modifie les ordres des pilotes d’escortes. Car auparavant, les chasseurs devaient se tenir aux côtés des bombardiers et les défendre contre l’ennemi sans quitter la formation. Doolittle change la donne. Dorénavant, les pilotes ont ordre après la prise de contact de faire la chasse aux avions allemands, que ces derniers soient dans les airs ou au sol.
On assiste à un changement stratégique. Les bombardiers sont devenus des appâts, chargés de faire sortir du bois l’aviation allemande. Mais quel chasseur peut s’offrir cette proie redoutable qu’est un Messerschmitt Bf 109 G-6 ?
James Harold Doolittle ( 1896-1993 ), récipiendaire de la
médaille d'honneur du congrès pour son raid sur le Japon
Une trouvaille pas bidon
Vouloir traquer l’ennemi est une chose, pouvoir le faire efficacement avec un rayon d’action de plus de 900 kms depuis les aérodromes anglais en est une autre. Après réflexion, le P-51B Mustang remporte les suffrages avec sa vélocité et sa maniabilité supérieure aux aéronefs allemands. Mais même doté de 3 réservoirs pouvant emporter au total 1 000 litres de carburant, il lui est impossible de survoler le Reichtag berlinois et de revenir se poser en Angleterre. La solution apportée est simple et imparable : on lui adjoint 2 nouveaux réservoirs de 416 litres chacun. Une fois vides, les deux bidons sont largués par le pilote, qui peut alors voler suivant les ordres jusqu’à Prague.
Mustang P-51B
Dotée de telles armes offensives et sans égales au niveau de l’autonomie, L’USAAF surclasse ses adversaires. Les pilotes allemands mordent à l’hameçon et arrivent en grappes pour liquider ces cibles de choix que sont les B-17. Mais stupeur, ils sont cueillis par les agiles P-51. La fine fleur de la Luftwaffe se fait tailler en pièces au-dessus du IIIème Reich. En février 1944, le moment est venu pour les yankees de porter un coup décisif à l’industrie de guerre nazie. En 2 semaines d’opérations c’est un déluge de bombes qui s’abat en Allemagne. Le 20 février, 1 000 quadrimoteurs accompagnés par 835 chasseurs noircissent le ciel allemand. Parmi les bombardiers, pendant cette mission, Spaatz n’enregistre que 2.1% de pertes. Cette nouvelle stratégie est un succès. La chasse allemande est saignée à blanc, et la Flak*, dorénavant stationnée autour des usines, tente de faire barrage mais sans succès. Cette dernière n’empêche pas les alliés d’infliger de sévères dégâts aux chaines de montages ennemies, mettant ainsi durement à mal la logistique de la Luftwaffe.
Invariablement, les alliés s’adjugent le ciel allemand et le 6 mars, c’est le coup de grâce : plus de 1 600 chasseurs et bombardiers s’agitent au-dessus de Berlin. La roue a tourné pour l’Allemagne et le danger est maintenant porté au cœur de son empire. Les chiffres avancés dans le dossier sont éloquents : « Entre janvier et mai 1944, la Jagdwaffe perd 2 262 pilotes, soit 100% de son effectif, et plus de 3 000 avions. »
En Normandie, le ciel appartient aux alliés
En avril 1944, l’USSTAF passe sous le commandement direct d’Eisenhower dans la perspective du débarquement sur les côtes françaises. Le commandant suprême est soulagé car même si la Luftwaffe n’est pas totalement muselée, elle ne peut plus s’opposer efficacement aux plans des alliés. Alors qu’en juin 1940, elle était maîtresse du ciel et terrorisait les convois de réfugiés sur les routes, elle oppose une force symbolique le 6 juin 1944. Lorsque les alliés effectuent 13 700 sorties aériennes de jour, les allemands n’en comptabilisent qu’une centaine.
Ainsi Eisenhower a tenu sa promesse aux troupes qui ont débarqué en Normandie, la menace n’est pas venue des airs. Une situation moins bien accueillie par les fantassins allemands, dans les rangs desquels cette blague commença à circuler : « Si dans le ciel tu vois un point gris, c’est un américain, si c’est un point bleu, c’est la RAF. Et si tu ne vois rien, c’est la Luftwaffe… »
D'autres facteurs sont à prendre en compte
Attention le succès du débarquement en Normandie ne doit pas se limiter à la neutralisation de l’aviation du maréchal Goering. D’autres circonstances doivent-être prises en compte par le lecteur : le secret du D-Day gardé jusqu’au bout. Une Kriegsmarine également mal en point, incapable de contrer les convois alliés. La décision du général Bradley de faire tonner les canons de marine afin de soutenir les troupes américaines en difficulté sur Omaha Beach. L’absence le Jour J du responsable des défenses côtières, le maréchal Rommel. Un mur de l’Atlantique inefficace et survendu par la propagande de Goebbels. Des unités blindées allemandes qui tardent à réagir après leur mise en alerte. Un pouvoir de décision défaillant côté occupant, car centralisé sur la personne d’Hitler. Cependant ce dossier complet de Guerres et Histoire nous donne toutes les cartes pour comprendre pourquoi les aviateurs allemands ne furent plus cette force imposante le 6 juin 1944, mais cantonnés à un simple rôle de nuisance.
Magazine Guerres et Histoire, numéro 15 d’octobre 2013, Dossier « L’assassinat de la Luftwaffe, comment l’aviation américaine a sauvé le débarquement »
Réalisé par Benoist Bihan, Laurent Henninger, Pierre Grumberg, Christophe Reverchonet et Jean-Christophe Noël
*artillerie antiaérienne allemande