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Hors-série 39-45 : le commando Kieffer
Par plagesdu6juin1944 | Le 13/04/2014 | Commentaires (1)
Le magazine 39-45 sort son Hors-Série trimestriel N°78 : Ouistreham 6 juin 1944, Commando Kieffer, les français débarquent en Normandie.
Alors correspondant de guerre et officier pendant la seconde guerre des Boers (1899-1902), Winston Churchill montre un vif un intérêt pour les actions coup de poing de petits groupes d’hommes appelés Kommandos. Sachant manier l’effet de surprise et la rapidité d’action, ils ont marqué le futur premier ministre Britannique. La guerre étant déclarée à L’Allemagne, Churchill met donc sur pied la Speciale Service Brigade formée de volontaires et pouvant infliger au régime nazi un maximum de dégâts partout en Europe. Mais leur première mission le 23 juin 1940 menée sur les côtes françaises, nom de code Collar, n’est pas une grande réussite. Cependant l’expérience s’accumule pour les commandos Britanniques et les raids s’enchainent, augmentant inexorablement la popularité auprès du peuple de ses hommes de l’ombre.
En mars 1941 au sortir d’une gare de Londres, un homme au gabarit imposant découvre leurs exploits dans les journaux et est de suite séduit. Cet ancien banquier trépigne en parcourant l’article vantant les exploits des commandos après le raid sur les iles Lofoten. Cet homme, Philippe Kieffer, devenu officier de réserve dans la Marine française, est déterminé à créer un contingent de commandos. Appuyé par le commandant des forces maritimes de la France Libre, l’amiral Muselier, il convainc les autorités Britanniques d’accéder à son souhait.
Réunis en janvier 1942 au camp de Chamberley, les 16 premiers volontaires français font leurs gammes et accueillent au fil des semaines d’autres hommes avides d’action, dont une bonne part de bretons pur jus. Leur ténacité et leurs résultats sont salués par leurs hôtes anglais et le groupe de Kieffer va alors devoir passer à l’étape supérieure. Fin avril, ce dernier prend la direction des montagnes d’Ecosse et le camp d’Achnacarry, passage obligé pour tout combattant désirant porter le fameux béret vert et le nom de commando.
Sous la houlette de l’exigeant lieutenant-colonel Charles Vaughan, les candidats français subissent le terrible entrainement des instructeurs aboyeurs. Tout se fait en courant, du matin au soir. Les tombes fictives à l’entrée du camp rappellent que toute erreur aux exercices peut leur être fatale. Premiers volontaires étrangers à intégrer Achnacarry, ses français enchainent le Close-Combat, le tir, l’escalade, le maniement des explosifs, les parcours d’obstacles, les sauts depuis l’arrière d’un camion roulant à 40 Km/h, et les redoutables Speed March (par exemple 11.2 km à couvrir en une heure avec le barda règlementaire pouvant peser 40 kilos).
10 semaines d’entrainements ont rejeté les plus faibles et les moins déterminés, et en cet été 1942, les français repartent victorieux d’Ecosse. Le commando Kieffer est né, versé dans la Troop 1 du n°10 inter-allied Commando. La troupe du commandant Kieffer s’étoffe et contribue ensuite à l’effort de guerre allié jalonné par les succès et les échecs parfois tragiques. En attendant le débarquement en Europe, elle participe à des raids sur les côtes françaises, rapportant de ses expéditions des échantillons de sols, de métaux et des croquis des points d’appuis allemands. Autant de précieuses informations pour la réussite de la future opération Overlord.
Philippe Kieffer Né à Port-au-Prince en Haïti le 24 octobre 1899 dans une famille française d’origine alsacienne, il étudie ensuite à l’école des hautes études commerciales (HEC) de Paris. Il travaille dans le milieu de la finance au Canada et aux Etats-Unis. C’est d’ailleurs à New-york qu’il apprend la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne. Il s’engage alors dans la marine et sert sur le cuirassé Courbet. L’armistice de 1940 l’envoie en Angleterre ou il rejoint les Forces navales Françaises Libres. Il constitue le premier groupe de volontaires français qui est breveté commando en 1942 au camp d’Achnacarry et gagne le droit de porter le béret vert. Kieffer est promu capitaine de Corvette à la veille du D-Day. Blessé 2 fois le 6 juin 1944 il est fait Compagnon de la Libération, Croix de guerre et Commandeur de la Légion d’Honneur. La guerre terminée, Philippe Kieffer quitte l’armée et est élu conseiller général du Calvados en septembre 1945 cependant il démissionne le 2 juin 1946 après son échec aux élections législatives. Il est également conseiller municipal de Grandcamp-les-Bains. Il est nommé capitaine de frégate en 1954.Philippe Kieffer est décédé le 20 novembre 1962 à Cormeilles-en-Parisis et est inhumé à Grandcamp-Maisy dans le Calvados. |
En avril 1944 le 1er Bataillon de Fusiliers Marins Commandos est intégré au Commando Britannique n°4 chapeauté par le colonel Dawson. Pour le Jour J, le n°4 est reversé dans la 1ère Speciale Service Brigade de Lord Lovat. Ainsi cette brigade forte de 3 000 hommes, avec les commandos n°3, 4, 6 et le 45th Royal Marines Commando, constitue le fer de lance contre la résistance allemande sur le futur secteur Sword. Car à l’étude des cartes sans noms de leur secteur d’assaut, les havrais du commando reconnaissent l’embouchure de l’Orne et le canal de Caen. Ils comprennent alors qu’ils vont débarquer en Normandie, et que la commune normande de Ouistreham est leur porte d’entrée pour libérer l’hexagone.
A bord des 2 LCIS (Landing Craf Infantry Small) n°523 et 527, 177 commandos français progressent le 6 juin dans la Manche tandis que l’Etat-Major s’attend à plus de 50% de pertes dans cette première vague d’attaque.
Car Ouistreham, station balnéaire prisée avant-guerre, est devenue une place forte pour l’ennemi avec notamment son casino transformé en site fortifié, ou encore le poste de tir haut de 17 mètres. Le lieu précis de débarquement du commando n°4 se situe plus à l’ouest, à La brèche, près de Colleville-sur-Orne (aujourd’hui Colleville-Montgomery). La mise à terre vers 7h30 est difficile sous la grêle de balles et d’obus allemands. A 8h15 au sortir de la plage, Kieffer dénombre déjà 3 morts et 26 blessés. Les français s’engagent alors vers l’est et doivent parcourir 2 kilomètres pour rejoindre Ouistreham. La confrontation urbaine entre les bérets verts et les allemands est violente. Il faut éviter les tirs des snipers ou d’être fauché par les obus des canons de 88. Le Casino fortifié résiste puis commence à plier. Et il faut l’aide d’un vétéran de 14/18, Marcel Lefèvre, et l’appui d’un char mené par kieffer lui-même pour que les défenseurs cèdent.
Le grand Bunker de Ouistreham, haut de 17 mètres sur 5 niveaux est aujourd'hui devenu un musée.
Galvanisés par ce succès, les commandos piquent ensuite vers le sud ou les attend la seconde étape de la journée : rejoindre Bénouville et Ranville et leurs 2 ponts d’une importance stratégique capitale. Les paras de la 6th Airborne qui se sont emparés des 2 sites dans la nuit les y attendent en renforts. Les français traversent le pont de Bénouville sous le feu ennemi, puis se mettent en position défensive sur les hauteurs d’Amfreville.
Au soir du 6 juin 1944 le commando Kieffer a rempli sa mission avec succès mais le prix payé est lourd, car une soixantaine de camarades ont été blessés, et dix sont morts au combat. Unique unité française à avoir participé au débarquement terrestre le 6 juin 1944, le 1er BFMC va poursuivre son effort jusqu’au 6 septembre 1944 avant de mettre l’arme au pied à Saint-Maclou au sud-est de Honfleur.
Léon gautier au cimetière militaire de Ranville en 2012
Avec ce Hors-Série N°78, le magazine 39-45 offre un focus incontournable sur l’esprit et l’action des bérets verts français pendant le second conflit mondial. Pédagogique, le récit de Jean-Charles Stasi inclus en fil conducteur le témoignage de Léon Gautier, vétéran du Jour J. Les pages sont également rehaussées de plusieurs croquis des opérations très explicites et sont donc à mettre entre toutes les mains. Autre pépite, les exceptionnelles photos de l’entrainement et de l’avancée des commandos dans les terres normandes. Ces clichés rares furent entre autres l’œuvre d’un photographe de Ouistreham, Jean Lesage. Enfin Léon Gautier s’entretien avec Johannes Börner, vétéran parachutiste allemand du 5ème régiment Fallschirmjäger. Les deux hommes habitent Ouistreham. Après-guerre le français a épousé une anglaise, Dorothy, rencontrée avant le D-Day. L’allemand est quant à lui devenu français. Il s’est marié avec une normande puis le couple a ouvert un restaurant. Les 2 ennemis d’hier sont devenus amis, depuis Léon Gautier et Johannes Börner tentent ensemble d’éveiller les consciences des jeunes générations. Aujourd’hui l’héritage des Kieffer est encore tenace dans la Marine Nationale. En effet 2 des 6 commandos portent le nom d’un officier du 1er BFMC mort au combat pendant la seconde guerre mondiale : le commando Hubert (tué le 06/06/1944) et le commando Trepel (tombé en février 1944). En 2008, un sixième commando fut créé par la défense, désigné comme une unité de commandement et d’appui opérationnel, il porte le nom du père des bérets verts français, le commando Kieffer.
Magazine 39-45 Hors-Série n°78 : Ouistreham 6 juin 1944, Commando Kieffer, les français débarquent en Normandie, 80 pages.
Le béret vert se porte à gauche Dans l’armée française, les soldats portent leur béret avec l’insigne du côté droit. A l’exception des commandos de marine, qui eux le porte du côté gauche. Une manière de rappeler l’origine Britannique de cette unité d’élite. |
Insigne du 1er BFMC, créé par Maurice Chauvet
Voir le diaporama sur le N°4 Commando |
Bibliographie pour en savoir + sur les commandos :
Histoire des commandos, de Pierre Montagnon, éd.Pygmalion
Les SAS, de Jean-Jacques Cécile, éd. Histoire et Collections
Les français du Jour J, de Georges Fleury, éd. Grasset
Les bérets verts français du 6 juin 1944, de Philippe Kieffer, éd.france empire
Gold Juno Sword, de Georges Bernage, éd. Heimdal
Autres sources => site web de la Marine Nationale
Conférence à Blois sur le D-Day
Par plagesdu6juin1944 | Le 12/10/2013 | Commentaires (0)
Cette année les 16ème Rendez-vous de l’Histoire de Blois ont pour thème La Guerre. Dans le cadre de ce festival a eu lieu une table ronde : "Le 6 juin 1944 : de l’évènement au mythe" animée par Emmanuel Thiébot, Jean-Luc Leleu et Olivier Wieviorka. Nous vous livrons les séquences marquantes de cette heure et demi d’échanges sur le D-Day. Un Jour J dont certains aspects furent remodelés après-guerre par les communicants alliés pour se muer en épopée héroïque. Une vision biaisée, statégique et politique pendant la guerre froide qui encore aujourd'hui à la peau dure.
Plusieurs centaines de personnes se sont pressées dans l’amphi rouge de la chambre de commerce et d’industrie de Blois afin de revoir leurs classiques sur le débarquement en Normandie. L’atmosphère est studieuse mais détendue pour l’assistance et les intervenants. Devant les travées, Emmanuel Thiébot, historien au mémorial de Caen, présente ses deux acolytes : à sa gauche, Jean-Luc Leleu*, ingénieur de recherche CNRS au Centre de Recherche d’Histoire Quantitative. A ses côtés, Olivier Wieviorka**, professeur d’histoire contemporaine à l’Ecole normale supérieure de Cachan. Tutoiement de rigueur entre les 3 hommes qui vont devant nous tenter de casser certaines idées reçues sur le 6 juin 1944.
De gauche à droite : Emmanuel Thiébot, Jean-Luc Leleu et Olivier Wieviorka
Le débarquement : une épopée qui se termine bien et ou tout le monde se sert les coudes ?
Le premier à s’y coller est Olivier Wieviorka. En bon enseignant, il se lève et commence son exposé : "L’image que nous avons du débarquement ne correspond qu’imparfaitement avec la réalité historique. Nous le connaissons à travers de ce que nous raconte les films Le jour le plus le long, Il faut sauver le soldat Ryan, le musée d’Arromanches, ou le mémorial de Caen. On nous propose de voir le débarquement comme une épopée. Comme beaucoup de films hollywoodiens, cette épopée se termine bien, et cette opération était quasi assurée de sa réussite. Les alliés étaient sûrs de la victoire et avaient une grande force morale dans cette « good war ». Mais cette image ne correspond pas à la réalité telle que les historiens la travaille. Il y'a eu des échecs et les troupes alliées doutaient. L’entente entre les britanniques et les américains était loin d’être parfaite. Et l’on peut dire que le débarquement n’est pas une épopée, mais une opération militaire.
"Certains s’automutilent. En août la première armée américaine enregistre 5 869 cas dans ses rangs, soit 36% des pertes non mortelles pour raisons psychiatriques." |
Premièrement, l’évidence d’un débarquement en France ne l’était pas pour tout le monde. Churchill a tout fait pour éviter un débarquement en 1944 sur le théâtre d’opération du nord-ouest. Car lui militait pour une approche militaire méditerranéenne. C’était un adversaire résolu du débarquement en Normandie. Il a fallu que Staline et Roosevelt mettent tous leurs poids dans la balance pour faire plier le britannique et c’est pour cela que les alliés n’ont eu à partir de décembre 43 que 5 mois pour préparer Overlord.
Ensuite on imagine que l’Amérique bénéficiait d’un écrasant rapport de force face à l’ennemi. Avant la guerre, l’Allemagne est un pays faiblement industrialisé. Ceci dit la mobilisation anglo-américaine est loin d’être parfaite. Les américains voulaient éviter de mobiliser trop d’hommes. Parallèlement le Royaume-Uni peine à construire une économie de guerre. Il est réticent à produire en série, car ce travail est déqualifiant pour les ouvriers et ses self made men ( ses entrepreneurs ) se méfient de ces "crânes d’œufs" d’américains. Un exemple de ce retard : les deux tiers des chars utilisés pendant la bataille de Normandie sous pavillon britannique sont des blindés américains.
De plus rappelons que l’ennemi pour l’opinion américaine est le japonais. L’Amérique a donc du mal à comprendre pourquoi on s’attaque d’abord aux allemands, une population très intégrée aux Etats-Unis, plutôt qu’aux japonais. Quant aux anglais, ils sont fatigués, car en guerre depuis 1940 et ont vécu une très longue crise depuis les années 20. Ils sont las, épuisés et commencent à rêver de l’après-guerre. Donc l’image populaire de troupes enchantées de débarquer mérite quelques correctifs. Voici un autre exemple de divergence dans les états-majors : combien faut-il de barges pour acheminer les troupes en Normandie ? Les britanniques estiment qu’ils vont en perdre 50%. Les américains pensent que la perte sera de 5 à 10%. Au final, le taux de viabilité a été de 97.6 à 99.3%, les américains ont eu raison d’être optimistes.
Ensuite dans le déroulement des plans, tout ne s’est pas déroulé comme prévu. Pour le bombardement aérien, des aviateurs ont eu la trouille et ont largué leurs bombes dans la mer. D’autres ont été trop prudents et ont largué dans les terres. Donc le résultat est décevant mais le bombardement naval a été bien meilleur. Cependant les pertes ont été très limitées sur les plages, environ 4 000 hommes, soit 2.8% des forces engagées. Les plages sont prises le soir même et les britanniques se permettent même de prendre le thé à 5 heures, à la grande fureur des américains. Le mur de l’atlantique a donc duré 4 heures, hormis sur Omaha Beach. Mais la bataille de Normandie a été horrible. Les britanniques devaient s’emparer de Caen dans la journée, objectif surtout en faveur des aviateurs qui réclamaient des bases sur le continent. Hors Montgomery se casse les dents sur la libération de la ville qui ne sera prise que le 19 juillet. Le schéma stratégique des alliés a échoué sur 2 plans. Ils sont enlisés sur la tête de pont et en plus 50% des missions aériennes sont bloquées à cause du mauvais temps. Quant aux blindés, ils ont du mal à progresser. Du 6 au 25 juillet c’est une impasse avec une congestion sur les plages.
En outre les hommes craquent. Les états-majors sont confrontés à une véritable épidémie de psychonévroses dues aux chocs des combats. Certains s’automutilent. En août la première armée américaine enregistre 5 869 cas dans ses rangs, soit 36% des pertes non mortelles pour raisons psychiatriques. On retirait les hommes pendant deux jours, on leurs donnait un nouvel uniforme, un repas chaud, on les rassurait et grâce à cette méthode, plus de la moitié de ces soldats repartaient au front. Quant à l’impasse stratégique, ce sont les américains qui vont la résoudre avec l’opération Cobra et la percée dans le Cotentin."
L’auteur du livre Une certaine idée de la résistance conclu : " La bataille de Normandie a été horrible mais le débarquement a été un succès. Cependant n’oublions pas que la guerre a été gagnée à l’est. Mais les démocraties ont été plus fortes que le totalitarisme allemand. "
"Au 5 juin 1944, ce sont 5 soldats allemands sur 6 qui ont été tués à l’est". |
Une invasion, oui, mais chez le voisin ?
Jean-Luc Leleu, d'un ton plus posé, lui emboite le pas : " Jour J, D-Day, débarquement, invasion. On n’a pas besoin d’autres commentaires pour savoir de quoi on parle. C’est un marqueur fort comme peu de dates dans l’Histoire, alors que des débarquements, vous en avez bien d’autres, en Afrique du nord, en Sicile, dans le Pacifique. C’est sur le front de l’est que c’est joué la guerre. Au 5 juin 1944, ce sont 5 soldats allemands sur 6 qui ont été tués à l’est. En décembre 44, ce sont toujours 4 soldats allemands sur 6 qui périssent face aux troupes russes.
Pourquoi cette bataille fait-elle l’objet de commémorations des chefs d’états ? Comment en est-on arrivé à vouloir inscrire les plages du débarquement au patrimoine mondial de L’ UNESCO ? Il faut revenir en amont du 6 juin 1944. C’est d’abord une bataille de propagande, une guerre des nerfs. Il n’y’a pas d’exemple dans l’histoire contemporaine d’une autre bataille annoncée 3 ans à l’avance. Sur les ondes de la BBC, Churchill le 21 octobre 1940 avait prévenu les français, en français, suite au désastre de Dunkerque : "reposez-vous bien, l’heure libératrice viendra après la nuit". Cette menace prendra plus de poids après l’entrée en guerre des Etats-Unis. Début 1943, Churchill annonce que le débarquement se produira avant que les feuilles ne tombent. A l’automne, les allemands s’en moqueront à leur tour. Au printemps 44, tout le monde est convaincu qu’il y aura un débarquement et toutes les opinions publiques attendent l’heure fatidique. Vivement l’invasion, mais plutôt chez le voisin. Ce sont les allemands qui semblent le plus soulagés le 6 juin 1944. S’ils parviennent à repousser les alliés, ils pourront enfin concentrer leurs forces sur le front de l’est.
Le fameux discours de Churchill le 21 octobre 1940
Après-guerre, dans les années 50, la télévision s’empare du sujet, surtout du côté américain. Mais pour rappel le 6 juin 1944, ce sont les britanniques qui avaient le plus de combattants sur le sol normand. Incontestablement il y’a un avant et un après Le jour le plus long. Ce film est un pur produit de la guerre froide et nos images du débarquement y sont intimement liées. C’est une collusion entre l’art, le politique et le militaire. Imaginez Il faut sauver le soldat Ryan sans les 30 premières minutes. Heureusement que tout n’a pas été aussi facile que sur Utah Beach.
Nos souvenirs sont-ils sélectifs ?
Jean-Luc Leleu enchérit : Mais la mémoire elle aussi évolue sans cesse en fonction des idéologies. Quoique vous fassiez, vous étiez dans le bon camp. Nous étions les chevaliers blancs. N’oublions pas que les alliés ont délibérément bombardé les populations civiles allemandes. Pour la France, le débarquement est du pain béni. Cela a permis d’effacer la défaite de juin 1940, de la balayer sous le tapis. Et puis c’est très valorisant pour la France. Si on avait débarqué en Belgique, vous pensez que tous les chefs d’états viendraient assister aux commémorations ? Nous sommes dans le pays des droits de l’homme et des lumières.
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L’enjeu aujourd’hui pour les bas normands est de pérenniser le tourisme lié au débarquement. Mais il ne faut pas oublier que tout cela a eu un prix en termes de pertes, de violences pour sauvegarder la démocratie. En 1994, pendant les commémorations avec les chefs-d‘états se produisait au même moment un des pires génocides." ( ndlr : au Rwanda )
Vient alors le temps des questions-réponses avec le public. A l’interrogation : Sans le débarquement en Normandie, l’Allemagne aurait-elle tout de même perdue la guerre ? Jean-Luc Leleu a cette réplique : "oui. Mais avec un brin de provocation, je dirais que le débarquement a été important pour la suite, sous-entendu pour la guerre froide. Cette opération a évité que la Normandie ne soit libérée par l'armée rouge".
stephane samson
contact@plagesdu6juin1944.com
* auteur des ouvrages : Waffen SS : Soldats politiques en guerre ( éd. Broché ), Falaise 16/17 août 1944, un mythe revisité ( éd. Broché ), 10. SS-Panzer-Division Frundsberg : Normandie 44 ( éd. Heimdal )
** auteur d' Histoire du débarquement en Normandie aux éditions du Seuil