normandie
La Fière, "le meilleur endroit pour mourir..."
Par plagesdu6juin1944 | Le 21/08/2019 | Commentaires (0)
Pour garder leurs positions autour d'un petit pont vital pour l'avancée alliée dans le Cotentin, les troupes aéroportées américaines vont repousser les assauts féroces des allemands. Une résistance héroïque qui inspira une phrase culte à un officier, le Lieutenant Dolan.
10 juin 1944 : devant le pont de La Fière gisent les chars allemands neutralisés par les paras américains. (US Nationales Archives)
Le 6 juin 1944, le sergent Robert Murphy est parachuté avec l’avant-garde des troupes aéroportées américaines. Il est éclaireur dans le 505th Parachute Infantry Régiment. Il doit peu après minuit baliser la zone de saut aux abords de Sainte-Mère-Eglise pour le reste de la 82nd Airborne qui va le suivre peu de temps après. Près de la Drop Zone O se trouve le pont de La Fière. C’est un objectif vital pour les paras car il contrôle l'accès sur la rivière Merderet. La Fière doit être le point de passage vers l’Ouest pour les troupes débarquées plus à l’Est sur la plage d’Utah Beach. Ainsi les alliés pourront couper la presqu’île du Cotentin en deux et fondre sur le port de Cherbourg.
Qui plus est, pour les américains, tenir ce pont est primordial. Lui seul permet de rejoindre les deux autres régiments aéroportés de la 82nd largués plus à l’Ouest derrière les allemands, de l’autre côté de la rivière Merderet. Venant de la Drop Zone O au Nord et rejoints par des hommes égarés des 507th et 508th PIR, les parachutistes ont brisé les lignes allemandes au manoir de La Fière et tiennent le pont depuis 11h30. En face les allemands ont repris le hameau de Cauquigny. Ils vont alors concentrer leur attention vers l'Est, vers Sainte-Mère-Eglise. A quelques centaines de mètres de leurs lignes se tient le pont de La Fière, occupé par les parachutistes du 1er bataillon du 505th PIR.
La Bataille de La Fière, épisode sanglant de la Bataille de Normandie.
Dans l'après-midi, après seize heures, un bruit mécanique se fait entendre et approche. Trois blindés allemands venant de Cauquigny, suivis par 200 fantassins, s’avancent sur la route en direction des troopers. Devant les blindés, les allemands font avancer entre 12 et 15 prisonniers américains. Ces derniers doivent enlever les mines posées plus tôt par leurs camarades sur la chaussée. La tension est insoutenable, les allemands mettant à rude épreuve les nerfs des libérateurs.
N’y tenant plus, le Sergent Oscar L. Queen fait cracher sa mitrailleuse et abat le commandant du premier char. John B. Bolderson, Gordon C. Pryne, Lenold Peterson et Marcus Heim sont tapis devant le pont, de chaque côté de la chaussée. Ces deux équipes de Bazooka envoient leurs roquettes contre la colonne de blindés. Un canon de 57 mm fait feu à son tour sur le premier char qui s'immobilise. Cependant celui-ci tire toujours et fauche des parachutistes.
Joe Fitt, C/505th, sort alors à découvert et franchit le pont au milieu du claquement des balles. Puis il grimpe sur le blindé et lance une grenade à l’intérieur. L’explosion élimine les tankistes, le char ennemi se tait. Le lendemain les allemands réitèrent leurs assauts après une forte préparation d’artillerie. Mené par le Lieutenant Dolan, le 1/505th encaisse les coups mais conserve l’édifice.
Face à l’énorme pression ennemie autour du pont, Dolan lance à ses hommes cette formule mémorable :
« Nous tenons ici. Il n’y a pas de meilleur endroit pour mourir. »
John "Red Dog" Dolan, devenu Capitaine, 505th PIR Co A (photo : the 82nd airborne WWII)
Des propos que le Sergent Murphy reprit plus tard pour le titre de ses mémoires « No better place to die. » Aujourd'hui à La Fière, le tumulte des armes a laissé place à un calme seulement troublé par le clapotis des eaux du Merderet et des rares automobilistes. Et sur ce petit pont de pierre, placé en contrebas d'un espace constellé de monuments commémoratifs, il n'y a pas de meilleur endroit pour se souvenir...
Au petit matin derrière le mémorial de La Fière : le pont enjambant Le Merderet, au centre de l'image, soutient désormais la "voie Marcus Heim".
La prophétie du Maréchal Rommel.
Par plagesdu6juin1944 | Le 13/08/2019 | Commentaires (0)
Lors d'une tournée d'inspection du Mur de l'Atlantique au printemps 1944, le Maréchal Rommel se confia à son aide de camp. 15 ans plus tard, l'écrivain Cornélius Ryan reprit les propos du Renard du désert pour en faire le titre d'un livre mythique.
Lacanau, le 10 février 1944 : Rommel inspecte des troupes indiennes incorporées au service allemand.
(Muller/Archives fédérales allemandes)
Pour parfaire les défenses du Mur de l'Atlantique, Hitler nomme en novembre 1943 le Maréchal Rommel inspecteur des côtes de la Mer du Nord et de l'Atlantique. En mars 1944, il est promu commandant du groupe d'armées B. Devenu célèbre en Libye à la tête de l'Afrika Korps, Rommel a amassé une solide expérience du combat, notamment face à Montgomery, commandant des troupes terrestres ennemies. Le Maréchal sait qu'en cas de débarquement, il faudra à tout prix empêcher les alliés d'ancrer solidement leur tête de pont sur la plage, pour ensuite avancer dans les terres.
En désaccord sur la stratégie pour s'oppposer au Débarquement.
Mais sa vision s'oppose à celle de Von Rundstedt, le commandant du front Ouest, ce qui donne lieu à la Panzerkontroverse : à la veille du D-Day, la principale arme de dissuasion allemande pouvant contrarier la bonne destinée du plan Overlord est représentée par ses divisions blindées. La Luftwaffe et la Kriegsmarine ayant été essorées par les alliés, le Panzergruppe West du Général Von Schweppenburg est le meilleur espoir de Rommel pour empêcher l'invasion. Le renard du désert souhaite pouvoir rapprocher les 1 500 chars et les 170 000 hommes de ce Panzergruppe au plus près des plages. Car c'est lorsqu'ils débarqueront que les alliés seront les plus vulnérables. Rommel doit donc pouvoir projeter rapidement ses troupes d'élite contre la tête de pont ennemie. Il sait qu'Eisenhower maîtrise le ciel et les eaux. Dans l'éventualité d'un débarquement, si ses chars sont trop loin de la côte, ils auront du mal à rejoindre la ligne de front, car harcelés par la RAF et l'USAAF.
Cependant, il est en désaccord avec Von Schweppenburg et Von Rundstedt. Ces deux derniers estiment qu'il faut au contraire laisser l'ennemi prendre pied sur la plage et même avancer dans les terres. Puis enfin ils le rejetteront à la mer à l'aide d'une puissante contre-attaque des blindés. Paris étant vital, ils préfèrent cantonner leurs chars à proximité de la capitale.
Face à ce litige, Hitler décide de ne pas trancher et ménage les deux parties : 3 Panzerdivisions pour Rommel, 3 autres partent dans le Sud de la France renforcer le groupe d'armées G, et les 4 dernières vont à Von Rundstedt. Cela ne satisfait personne. Mais de toute façon, aucun char allemand ne pourra bouger une chenille sans l'aval du Führer.
Un présage resté dans l'Histoire.
Au moins, les deux maréchaux sont d'accord sur une chose, fin 1943, le Mur de l'Atlantique est une farce. Les ports sont bien protégés, mais le reste du littoral est une passoire. Outre de nombreux courants d'air dans leur muraille, les défenseurs manquent de profondeur sur leurs arrières. Alors Rommel met la pression pour renforcer la ligne de défense côtière et se démultiplie sur le terrain. Mais l'officier n'est pas dupe du rapport de forces défavorables avec les alliés malgré la propagande allemande.
Lors d'une tournée en avril 1944, il lance cet avertissement à son aide de camp Helmuth Lang :
« La guerre sera gagnée ou perdue sur ces plages. Nous n'avons qu'une seule chance de repousser l'ennemi, et c'est quand il sera dans l'eau, barbotant et luttant pour venir à terre. Nos renforts n'arriveront jamais sur les lieux de l'attaque, et ce serait folie que de les attendre. La principale ligne de résistance sera ici. Toutes nos forces doivent se trouver le long de ces côtes. Croyez-moi Lang, les premières 24 heures de l'invasion seront décisives. Pour les Alliés, comme pour l'Allemagne, ce sera le jour le plus long. »
Le 6 juin 1944, le Mur de l'Atlantique ne pourra opposer aux alliés qu'une résistance de quelques heures. Grièvement blessé le 17 juillet lors de l'attaque de sa voiture par deux avions ennemis, Rommel sera ensuite contraint au suicide le 14 octobre par Hitler. Le Führer le soupçonnait de trahison suite à l'attentat manqué du 20 juillet dans la Tanière du Loup. Mais si le Mur de l'Atlantique comme le IIIe Reich se sont depuis écroulés, le mythe du Maréchal Rommel s'est lui renforcé année après année... "Ce sera le jour le plus long." Sa phrase lâchée un jour d'avril face à la mer, devenue le titre d'un livre puis d'un film au casting hollywoodien, contribua à sa légende.