normandie
René de Naurois, de père avec les commandos français du 1er BFMC
Par plagesdu6juin1944 | Le 07/03/2019 | Commentaires (0)
René de Naurois fut un homme d'Eglise, un enseignant, un résistant, un chercheur et un Juste. Il fut également un commando vétéran du Débarquement en Normandie avec 176 autres français. Une vie exceptionnelle au service des autres, du bien et de la nature.
Badge du 1er BFMC
Il est finalement resté en Normandie, blotti contre un mur de pierre à l'ombre de l'église de Ranville. Décédé en 2006 dans l’Essonne, René de Naurois a choisi d'être inhumé dans le Calvados, là où il débarqua le 6 juin 1944, un béret vert vissé sur la tête. Il a donc voulu reposer à Ranville, dans le petit cimetière communal, adossé à la nécropole militaire où reposent plusieurs de ses compagnons d'armes du 1er BFMC tombés au combat. Comme s'il n'avait pu se résoudre à abandonner Robert Croizer (N°97) et Lucien Fourer (N°99), comme en juin 1944. Comme s'il avait fait vœux de veiller sur eux, à jamais.
Tombe de René de Naurois au cimetière de Ranville (Find a grave/Sandi P)
Du Nazisme et de la montée de la pensée totalitaire d'Hitler, il avait eu le temps d'en voir les excès bien avant la guerre et l'occupation allemande en France. Ordonné prêtre en 1936 après de brillantes études, Il est nommé aumônier adjoint de la colonie de langue française à Berlin, de 1937 à 1939. Lorsque la France entre en guerre aux côtés des Britanniques, il est incorporé dans le 93e Régiment d'artillerie de montagne, puis au 1er Bureau de la 1ère Armée, avant d'être démobilisé le 1er août 1940. Deux mois auparavant, il avait demandé à ses supérieurs leur aval pour rejoindre la France Libre, mais avait essuyé un refus.
Qu'à cela ne tienne, il va secrètement prôner la résistance contre l'occupant. De 1940 à 1942 il est l'aumônier de plusieurs groupements universitaires, et participe à la résistance en zone libre, à Pau, à Grenoble, et à Toulouse au sein du groupe "Vérités", qui deviendra ensuite le fameux mouvement "Combat". En 1942, il exfiltre des Juifs, en leur faisant passer la frontière suisse, via un itinéraire en Haute-Savoie. Néanmoins, son engagement commence grandement à éveiller les soupçons de la Gestapo et de la police de Vichy. Et le couperet tombe bientôt : le 6 novembre 1942, son domicile toulousain est perquisitionné. Interrogé, il est ensuite remis en liberté. Sentant le vent tourné, l'abbé quitte cette encombrante adresse, où les allemands viendront vainement le chercher pendant plusieurs semaines.
Traqué par la Gestapo, Monseigneur Saliège lui donne enfin l'autorisation de rejoindre Londres. De Naurois parvient à rejoindre l'Espagne le 26 décembre 1942, et le 15 mars 1943, il atteint les côtes anglaises, sain et sauf. Le mois suivant, il est engagé aux côtés des Forces Françaises Libres. Malgré une santé fragile et après plusieurs demandes, il est finalement affecté au 1er Bataillon de Fusiliers Marins Commandos.
René Paulin de Naurois
Sur Sword Beach le 6 juin 1944.
En ce gris matin du 6 juin 1944, une incroyable armada s'avance, inexorable, contre la Forteresse Europe. Face à Sword Beach et à Colleville-sur-Orne (aujourd'hui Colleville-Montgomery), les Britanniques et le N°4 Commando se dandinent dans leurs embarcations ballottées par la mauvaise mer. Parmi cette première vague d'assaut, une petite troupe est singulière, une goutte d'eau symbolique parmi les 150 000 hommes qui vont aujourd'hui poser le pied sur les plages normandes. Eux aussi ont subi l'exigeant entraînement des instructeurs du camp d'Achnacarry en Ecosse. Eux aussi ont gagné le droit d'arborer le béret vert et de participer à la plus grande opération amphibie de tous les temps. Mais à la différence des autres, eux connaissent bien le pays où les alliés vont débarquer. Eux, ce sont les 177 français du 1er Bataillon de Fusiliers Marins Commandos, intégrés au N°4 Commando, 1st Special Service Brigade. A l'approche des côtes françaises, leurs cœurs se serrent lorsqu'ils devinent bientôt la Normandie à l'horizon. Pour ces 177 irréductibles, l'heure de la revanche a sonné.
Tout cela, le commandant du N°4 Commando, le Lieutenant-Colonel Dawson, l'a bien saisi. Aussi permet-il aux deux barges abritant les français, les Landing Craft, Infantry, Small N°523 et 527, de prendre un peu d'avance afin de débarquer les premières.
Le LCIS 523 transporte la Troop 8 du Lieutenant Alexandre Lofi, et la moitié de la section K-Guns du Lieutenant Pierre Amaury, soit 83 hommes. L'autre partie de la K-Guns et la Troop 1 du Lieutenant Guy Vourch, soit 81 bérets verts, sont eux sur le LCIS 527. L'embarcation embarque aussi l'état-major du bataillon, soit 13 hommes, avec à sa tête un banquier de 44 ans natif d’Haïti, le commandant Philippe Kieffer.
Aux environs de 7h30, les deux barges heurtent le sable au lieu-dit La Brêche, face à Colleville-sur-Orne. Les français ont maintenant un peu plus de deux kilomètres à parcourir vers l'Est avant d'atteindre leur objectif, le fameux bunker du Casino de Ouistreham.
Les retrouvailles avec l'hexagone sont musclées. Alors que les commandos débarquent, un canon allemand de 50 mm ouvre le feu et fracasse l'avant gauche du LCIS 527, blessant tous les officiers de la Troop 1. Le 523 se met alors à couple et ses passerelles permettent aux survivants de mettre pied à terre. Prestement, le 1er BFMC franchit les 150 mètres de plages et la barrière de barbelés à l'aplomb des dunes. Ils doivent maintenant atteindre les ruines d'une colonie de vacances. Cependant entre eux et le bâtiment se dresse un champ de mines. Prudemment, les commandos avancent en file indienne. Et étonnamment, aucun piège ne se déclenche à leur passage.
A l'abri dans les murs de la colonie, les français reprennent des forces et se débarrassent de leur imposant sac à dos et ses 30 kilos d'équipements. Moment aussi propice pour faire le tour des effectifs. 26 hommes sont blessés, dont Kieffer, touché par un éclat d'obus. Plus grave, 3 camarades manquent à l'appel : les commandos Dumenoir, Rousseau et Flesch sont restés sur la plage, Killed in Action. Mais pour l'heure, la mitraille n'autorise pas à pleurer un frère d'armes tué au combat.
Il est déjà 8h15 et la troupe se remet en marche vers Ouistreham. Puis deux groupes se forment. La Troop 8 et une section K-Guns se dirigent vers le Nord afin de prendre les défenses de plages allemandes à revers et les neutraliser. En route, les français sont la cible de snipers. Touchés par balle, Marcel Labas et le Lieutenant Augustin Hubert ne se relèveront pas. Aux abords du château, la guerre prend fin également pour Jean Letang. Une balle a touché et fait sauter les grenades que le badge N°105 avait fixé à son ceinturon. Néanmoins les hommes du Lieutenant Lofi nettoient les casemates à coup de grenades et de lance-flammes, permettant ainsi aux alliés de débarquer plus sereinement.
Plus au Sud, sur la route de Lion-sur-mer, la Troop 1 et 4 Troops britanniques prennent le chemin du centre-ville. Après avoir emprunté la ligne du tramway, les britanniques doivent s'emparer du port et de ses écluses. La Troop 1 se chargera du bunker du casino.
Au carrefour de la rue Pasteur et de la route de Lion-sur-mer, une de ses sections tourne à gauche et se porte vers la chicane barrant l'accès à l'entrée Sud du blockhaus ennemi.
Paul Rollin s'élance dans le couloir. A la sortie, un sniper allemand patiente, à l’affût. Le commando Rollin reçoit alors une balle en plein front, s'écroule, mais gémit encore. Le Capitaine-Médecin Lion et son infirmier Bollinger* (Bolloré) accourent et saisissent le commando afin de l'abriter et le soigner. Le sifflement d'une balle, puis le médecin tombe à son tour, touché en plein cœur.
Dès lors, l'abbé de Naurois prend en charge les blessés du bataillon. Au crépuscule du Jour J, le commando de Kieffer aura payé un lourd tribut pour la libération de son pays et la capture du Casino de Ouistreham. Le 1er BFMC enregistre une soixantaine de blessés, dont 33 ont été retirés du front. Mais surtout, il déplore la mort de dix de ses membres : Raymond Dumenoir, Raymond Flesch, Emile Renault, Paul Rollin, Jean Rousseau, Jean Letang, Augustin Hubert, Marcel Labas, Jean Louis Le Moigne et le médecin Capitaine Robert Lion. Le 9 juin, à contre-coeur, ce sera au tour du commandant Philippe Kieffer d'être évacué vers l'Angleterre afin de panser ses blessures. Au terme de la Bataille de Normandie le 21 août, seuls 24 des 177 braves qui débarquèrent le 6 juin 1944 ne furent pas blessés.
"Et que l'on ne m'accuse pas de tiédeur. J'aurai mené mon existence avec feu, parfois avec excès."
Démobilisé en 1946, le père de Naurois sert et enseigne au diocèse de Toulouse. Entre 1959 et 1960, il part en Afrique, en Mauritanie, et fait plusieurs découvertes ornithologiques significatives. Ses trouvailles lui permettent de devenir chercheur dans la section biologie animale du CNRS.
De cette passion accouche en 1969 une thèse de doctorat d’État sur les oiseaux de la côte occidentale d'Afrique, ce qui lui permet d'être nommé correspondant du Muséum National d'Histoire Naturelle à Paris. Ses prises de risques pour la sauvegarde des Juifs en temps de guerre lui valent aussi de recevoir en 1988 le titre de "Juste parmi les nations" par le Mémorial de Yad Vashem en Israël.
"Vous devriez écrire vos mémoires avant que toute cette histoire n'intéresse plus personne.", lui avait dit Mgr Saliège peu de temps après la Libération. Il mit 60 ans pour lui donner raison, avec la parution du livre "Aumônier de la France libre" en 2004. Compagnon de la Libération, René de Naurois était Commandeur de la Légion d'Honneur, Officier de l'Ordre National de la République Islamique de Mauritanie, et avait reçut la Croix de Guerre 1939-45 (2 citations) et la Military Cross. Entre 2002 et 2004, il avait participé à des entretiens avec le Mémorial de Caen pour que son témoignage puisse servir à l'Histoire et aux jeunes générations. Près de cinq heures d'entretien sont disponibles au Mémorial sur demande.
Dans ses mémoires, le père De Naurois déclarait : « "Et que l'on ne m'accuse pas de tiédeur. J'aurai mené mon existence avec feu, parfois avec excès." A l'annonce de son décès, le président du Mémorial Yad Vashem avait déclaré à son propos : "Homme de foi, de réflexion et d'action, l'abbé de Naurois a toujours suivi la voie du bien et de l'honneur". Une belle épitaphe pour le badge N°396.
Film montrant le 1er BFMC fêtant le 14 juillet 1944 à Amfreville (Benjamin Massieu/Facebook Ph. Kieffer/IWM)
Le père Maternowski le 6 juin 1944, pour lui sonne le glas.
Par plagesdu6juin1944 | Le 01/03/2019 | Commentaires (2)
Le D-Day, dans un petit village du Cotentin, un aumônier parachutiste s'inquiète du sort des blessés au milieu des combats. Mais la guerre va en décider autrement...
Patch du 508th PIR.
Depuis 2016, elle est fixée là, dans Gueutteville, noire comme le deuil. Sur cette plaque du souvenir, dessinées en arrière-plan, des vaches précèdent un planeur Waco. Devant, un homme est agenouillé auprès d'un corps recouvert d'un drap. Aux guêtres fixés à ses mollets, on devine qu'un GI repose inerte sur le pré normand. Au-dessus du malheureux, l'autre homme lui rend les derniers sacrements à l'aide d'une bible et s'appuie sur un casque marqué d'une croix latine blanche. En tenue de parachutiste, ce dernier arbore sur son épaule gauche le patch au double A, signe distinctif des membres de la 82nd US Airborne Division.
Cette sérigraphie est placée là en souvenir du Capitaine Ignatius Maternowski, chaplain du 508th PIR. Elle est placée là, à l'endroit même où il fut tué.
Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, l'aumônier de 32 ans accompagne les parachutistes américains de la 82nd dans leurs missions dans le Cotentin, en arrière du futur secteur d'assaut Utah Beach.
Dans l'avion qui lui fit traverser la Manche, s'était-il rappelé son engagement en juillet 1942 ? Regrettait-il de s'être porté volontaire pour incorporer une nouvelle arme, l'aéroportée et son 508th Parachute Infantry Régiment ? Après un entraînement rigoureux avec les Red Devils, il atteignit le rang de capitaine.
Le franciscain Ignatius Maternowski (find a grave).
Le Jour J, près de Picauville, un planeur s'est écrasé à proximité et a fait de nombreuses victimes. Le père Maternowski commence à s'occuper des parachutistes et des victimes du crash de l'appareil.
Arrivé à Gueutteville, il s'est réfugié dans le café Thouroude avec plusieurs blessés, tandis que les allemands du Grenadier-Regiment 1057, 91. Infanterie-Division, sont postés à l'autre bout du hameau. Contre l'avis de Jules Thouroude, le chaplain sort alors de son abri pour aller seul à leur rencontre, ceci afin de négocier la mise en sécurité des blessés des deux camps. Tôt dans la matinée, il part sans armes vers les lignes ennemies, portant au bras gauche un brassard marqué d'une croix rouge. Et bientôt, les témoins sont surpris de le voir revenir avec à ses côtés un officier ennemi. Le Major allemand pénètre dans le café épicerie et constate les soins aux victimes.
La mort au bord du chemin.
Le prêtre raccompagne ensuite son visiteur au-dehors, puis s'en retourne pour retrouver ses ouailles. Soudain, un coup de feu claque. L'homme d’Église s'écroule. Un tireur vient de le foudroyer d'une balle dans le dos. Étendu sur le sol, la tête sur le bord du ruisseau bordant le chemin, la Bataille de Normandie vient de se terminer dès le 6 juin pour le chaplain. Les snipers allemands interdisant toute approche, son corps restera là pendant trois jours, en bord de route, jusqu'au 9 juin.
Enfin, les troupes américaines avancent vers l'Ouest. Les allemands se replient et le corps de l'aumônier peut être relevé par des membres de la 90th US Infantry Division. Il est enterré près d'Utah Beach, puis en 1948, son corps est transféré aux États-Unis, au cimetière Mater Dolorosa dans le Massachusetts.
Aujourd'hui dans Gueutteville, un petit mémorial placé au bord de la chaussée rappelle les événements. Qu'aux premiers bruissements de notre libération, un homme essaya d'immiscer un peu d'humanité au milieu des combats. Et qu'il paya cette compassion de sa vie.
La stèle édifiée à l'endroit où le père Maternowski s'est écroulé le 6 juin 1944.