normandie
Falaise : nouvelle saison pour le mémorial des civils.
Par plagesdu6juin1944 | Le 29/03/2018 | Commentaires (0)
Le 7 avril, le Mémorial des civils rouvre ses portes. L'occasion de se plonger dans les souffrances de la population pendant la guerre, page importante de notre histoire souvent survolée dans le parcours de mémoire normand.
Guillaume le Conquérant, version bronzée, devance l'entrée du mémorial ouvert en 2016.
Durant la Bataille de Normandie, la ville de Falaise a énormément souffert des bombardements. Le point culminant de cet anéantissement fut atteint dans la nuit du 13 au 14 août 1944, lorsque 4 000 tonnes de bombes furent lâchées sur la cité. Cependant, ce pilonnage n'eut pas raison de la ténacité d'un millier d'irréductibles membres de la 12. SS-Panzer-Division. Lorsque les Canadiens investirent les rues et libérèrent la commune le 18 août, plus de 75% des habitations avaient été détruites.
En centre-ville, à proximité de l'église de la Trinité, une icône locale a survécu à ce déluge de feu. Élevée à la gloire d'un enfant du pays, la statue en bronze de Guillaume le Conquérant (1027-1087) domine depuis 1851 la place qui porte également son nom.
Face à son piédestal, ce massif porte-étendard a vu apparaître le Mémorial des civils dans la guerre. Établi sur les ruines d’une maison détruite pendant les bombardements de l’été 1944, le musée est dédié à la vie et à la survie de la population pendant la Seconde Guerre Mondiale. Ainsi, le visiteur peut s'immerger et comprendre le quotidien des civils pendant le conflit. L'occupation, l’exode, les bombardements, la Libération, la reconstruction, autant d'épreuves qui sont ici narrées sur les trois niveaux du bâtiment commémoratif. Au rez-de-chaussée, un film monté à partir d’images d’archives anglaises, allemandes et françaises plonge le passant au cœur de l’enfer des tapis de bombes.
Lors du second conflit mondial, 45 millions de civils furent tués et 30 millions ont été déplacés ou réfugiés. Même si certains musées normands abordent la vie des habitants sous l'occupation, comme le NVM de Catz ou le WWII Muséum de Quinéville, le Mémorial de Falaise a le mérite de consacrer intégralement son exposition au quotidien des populations en période de conflit armé. Une étape nécessaire et un éclairage complémentaire sur la Libération de l'hexagone, à seulement 60 kms des plages du Débarquement allié. Et un bel hommage aux 20 000 civils normands tués durant la Bataille.
Mémorial des civils dans la guerre Place Guillaume le Conquérant 14700 FALAISE
Horaires :
Tarifs 2018 :
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Général Wilhelm Falley : la mort au bout du chemin.
Par plagesdu6juin1944 | Le 21/03/2018 | Commentaires (0)
Largués le Jour J au milieu du Cotentin, une douzaine de parachutistes américains cherchent leur chemin. Et vont tomber nez à nez avec un général allemand pressé de rejoindre son poste de commandement.
Convoqué pour un exercice par le commandant de la VIIe Armée, le Général Dollman, le Généralleutnant Wilhelm Falley n'est pas serein. Basé au château de Bernaville, près de Picauville, il est parti le 5 juin afin de participer au Kriegspierl organisé à Rennes par son supérieur. L'objectif de l’entraînement sera de savoir répondre à un débarquement ennemi... Falley commande la 91. Luftlande-Infanterie-Division et a en charge la surveillance du secteur où vont être projetés les 82nd et 101st US Airborne Divisions.
Cependant ce soir, le trafic aérien croissant et les bombardements l'inquiète. Aussi a-t-il choisi de rebrousser chemin afin de rejoindre la Manche et son QG de Bernaville.
Wilhelm Falley |
Patch du 508th Parachute Infantry Regiment |
Craignant d'être épié par la résistance et d'être lui aussi la cible des bombes alliées, Falley a établi un PC de commandement mobile hors du château, dans un chemin creux près d'une minoterie. Installé à l'arrière de la voiture, il est conduit par le Caporal Vogt. Sur le siège passager a pris place son aide de camp le Major joachim Bartuzat. Tous trois ne le savent pas encore, mais ils filent dans la nuit à la rencontre d'un destin funeste.
Le Lieutenant Malcolm Brannen, Hq Co, 3/508th PIR, vient lui aussi d'arriver aux premières heures du 6 juin dans la Manche, dans un pommier... Son parachute s'est accroché à l'arbre et l'américain pend maintenant à 30 cm du sol. Après s'être libéré de son harnais, il retrouve trois compagnons d'armes de la 82nd Airborne : un Caporal du 508th et deux membres du génie du 307th. Tombés à proximité d'une mitrailleuse allemande, ils décident de s'éloigner vers le Nord-Ouest.
Chemin faisant, les quatre égarés tombent sur le Lt Harold V. Richard, A Co du 508th, et de son radio, le Sergent Hall. D'autres troopers viennent grossir leurs rangs et les paras sont bientôt douze, mais ils ignorent encore ou ils sont exactement. Qu'a cela ne tienne, les contours d'une ferme se dessinent dans la pénombre. Même à 4 heures passées ce matin, ses habitants sauront bien les renseigner. Les paras approchent du bâtiment, qui est en fait une minoterie.... Ils se mettent en position autour de la ferme, et les Lieutenants Brannen et Richard ainsi qu'un troisième homme s'annoncent à la porte. Une fenêtre s'ouvre. Les habitants, les Lagouche et leurs enfants, découvrent ces imposants libérateurs aux visages noircis. Au drapeau étoilé cousu sur leur manche, les normands en déduisent que ces inconnus ne sont pas vraiment du coin. A l'aide de son guide en français et de sa carte, Brannen parvient à se faire comprendre. Le groupe se trouve en fait au Nord de Picauville. Enfin, ils connaissent leur position ! Toutefois, ce soulagement est de courte durée.
Dans la voiture de Falley, le temps presse. Face aux événements qui se déroulent autour de lui, le Général décide de ne pas faire de halte au château. Il a demandé à son chauffeur d'aller directement à sa résidence mobile afin de rapidement évaluer la situation. L'équipage touche presque au but, il lui reste quelques centaines de mètres à parcourir.
Malcolm D. Brannen (site the 82nd airborne WW2) |
Jack Schlegel (site the 82nd airborne WW2) |
"Alors il se résout à faire feu le premier." |
A la minoterie, les paras à couvert en bord de route sont aux aguets...
Soudain, un bruit interrompt la nuit, un véhicule approche. Alertés par le sifflement de leurs éclaireurs, Brannen et Richard sortent de la maison. Ce dernier se plaque contre le mur de la ferme, quant à Brannen, il prend place au milieu de la chaussée. L'officier lève la main et s'écrie : « Halte ! ». Ignorant l'ordre, la voiture accélère et fonce sur lui. Brannen s'écarte et les balles claquent. L'auto, criblée d'une douzaine de projectiles, fait une embardée et vient s'encastrer contre le mur de la minoterie, entre les deux fenêtres. Son pare-brise a éclaté, et un homme gît sur la route. A l'avant, le siège conducteur est vide. Le chauffeur a été éjecté pendant la sortie de route et essaie maintenant de se carapater. Mais Brannen use de son colt 45 et le persuade de se constituer prisonnier. Dans la voiture, le Major Bartuzat a eu moins de chance. L'officier repose dans son siège, sans vie.
Quant à Falley, tombé sur la route, il bouge encore. Près de lui se trouve son pistolet. Et il essaie d'atteindre son arme en rampant. Regardant le Lt Brannen, il supplie : « Don't kill ! Don't kill ! ». L'américain, monté sur un talus, ne souhaite pas la mort de l'allemand. Mais que se passera t-il si ce dernier parvient à mettre la main sur son Luger ? Brannen ne souhaite vraiment pas savoir qui d'entre eux deux tire le plus vite. Alors il se résout à faire feu le premier. Sa balle atteint Falley en plein front, le tuant net. Un geyser de sang jaillit de l'impact, puis le flot rougeâtre s'estompe peu à peu.* Brannen vient de décapiter la 91. Luftlande-Infanterie-Division.
Passée cette brusque montée d'adrénaline, les paras commencent à fouiller le véhicule et ses occupants. C'est la stupéfaction ! Ils ont mis la main sur un Caporal, et ont abattu un Major et un Général ! Le Caporal Vogt en est quitte pour transporter deux valises remplies de documents et de cartes pouvant intéresser l’état-major allié. S'éloignant des lieux de l'embuscade, Brannen examine la casquette du Général et découvre son identité : « Falley. »
Jack W. Schlegel, Hq 3/508th, arrive à l'aube aux abords du lieu de la fusillade. Scrutant à son tour le véhicule, il trouve un drapeau frappé de la swastika, l’emblème divisionnaire de la 91. Infanterie-Division. Schlegel cache son trophée dans une grange et viendra le récupérer plus tard.
Le secteur de l'embuscade, à proximité du château de Bernaville (Google maps) | Cette photo aérienne prise le 9 juin 1944 montre l'auto toujours calée contre la ferme (DDay Tour Compagny) |
La perte de son commandant a une conséquence importante sur la capacité de contre-attaque de la 91. ID et sur la réussite du débarquement allié sur le secteur Utah Beach. En effet, comme Falley n'est pas repassé par le château de Bernaville, son état-major le croit à Rennes. Ses subordonnés n'ont pas idée de sa présence à proximité, et surtout de sa mort. Les 82nd et 101st US Airborne Divisions auraient eu fort à faire face aux unités blindées germaniques. Seulement ces dernières ne peuvent bouger une chenille que sur ordre de Falley. Hors son corps ne sera découvert que le 8 juin par les allemands. Bien trop tard pour empêcher les alliés de consolider leur tête de pont.
Aujourd'hui, le temps a fait son œuvre : la minoterie est inoccupée et offre une allure fatiguée. Mais la vénérable bâtisse voit régulièrement les curieux et autres passionnés du D-Day fouler ses alentours, passants avides de pouvoir humer l'atmosphère d'un lieu témoin d'un haut fait d'armes de la 82nd Airborne. Néanmoins, les normands reconnaissants ont laissé une trace indélébile du passage des parachutistes américains. Car pour accéder au site, vous devez désormais emprunter le chemin Jack Schlegel. En 1969, Jack avait fait don au Musée Airborne de Sainte-Mère-Eglise du drapeau trouvé le 6 juin, inscrit depuis à l'inventaire du patrimoine.
La minoterie de Bernaville : la voiture de Falley a fini sa course contre la façade longeant le chemin. | Jack Schlegel est décédé en 2014. Mais la voie menant à l'ancienne meunerie porte son nom. |
Quant au Général, il est toujours en Normandie, à 11 kilomètres de Sainte-Mère-Eglise. Si vous passez à Orglandes, faites une halte au cimetière militaire allemand. Passé une entrée massive en pierre, plus de 10 000 combattants reposent dans un vaste pré en pente douce. Au fond à gauche, sous le regard placide de vaches normandes, vous trouverez la tombe de Wilhelm Falley, premier Général allemand tué lors de la Bataille de Normandie.
Le drapeau récupéré par J. Schlegel et exposé à l'Airborne Muséum. (musée Airborne) |
Tombe du Général Falley à Orglandes (Bloc D - Rangée 10 - Tombe 207). Né à Metz, en Moselle, il avait 46 ans. |
Pour en savoir + =>
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* Dans le livre Les jardins de la mémoire, de daniel Biernaux, Marguerite Lagouche, présente dans la ferme le 6 juin, parle d'une explosion et de l'utilisation d'un bazooka pendant la riposte. Et stipule que c'est le Major et non le général qui fut tué sur la route.