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L'aumônier Sampson, la foi au milieu des combats.
Par plagesdu6juin1944 | Le 21/03/2019 | Commentaires (0)
L'aumônier Sampson fut un homme de paix au milieu de plusieurs guerres. Vétéran du D-Day, il faillit être exécuté, avant d'être fait prisonnier dans les Ardennes. Entre-temps, il croisa la destinée de quatre frères dont l'histoire inspira un film à succès à Steven Spielberg.
Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, les hommes de la 101st US Airborne Division approchent du Cotentin. Dans le cadre de la Bataille de Normandie, les parachutistes américains doivent sécuriser les arrières du secteur Utah Beach où vont débarquer à l'aube les Gi's de la 4th US Infantry Division. Dans les C-47, des paras prient, espérant traverser les périls sans encombres et survivre à leur premier saut de combat. Cependant, parmi ces milliers de troopers qui pénétrent cette nuit normande préalable à notre libération, un parachutiste affiche sa foi plus que tous les autres. Lui n'emporte pas de Carabine US M1 ou de PM Thompson comme ses camarades. Non, lui est armé de sa bible et de son autel portatif.
A deux doigts d'être fusillé...
Françis Leon Sampson est l’aumônier du 501st Parachute Infantry Régiment. Aux premières heures de l'opération Overlord, ses heures de prêches dans le diocèse de Des Moines dans l'Iowa semblent bien loin face à la tension qui s’alourdit dans la carlingue. Tous attendent que la lumière verte donne le signal aux Screaming Eagles pour leurs sauts dans la pénombre constellée par les tirs de la Flak allemande.
La 101st doit atterrir sur trois drop zones placées dans la Manche entre Saint-Martin-de-Varreville et Saint-Côme-du-Mont. Bientôt, le Père Sampson se retrouve sur le plancher des vaches normandes, mais est délesté de son autel portatif perdu pendant sa descente. Dans le noir, il se lance à sa recherche et parvient à remettre la main sur le précieux objet. Quelques jours après le D-Day, il se trouve dans un poste de secours près de Saint-Côme-du-Mont. Il se tient au chevet des blessés, néanmoins les combats pour la maîtrise du secteur sont âpres entre les deux camps et l'homme d'église est bientôt capturé par deux soldats allemands. Plaqué contre un mur, l'issue funeste de cette rencontre ne fait aucun doute pour lui : l'aumônier va être fusillé.
Terrifié par cette mort imminente, il récite le bénédicité des repas au lieu de l'acte de contrition. Mais sa prière trouve peut-être écho auprès d'une oreille céleste puisqu'il est sauvé de justesse de l’exécution sommaire par le passage d'un sous-officier allemand catholique. Interrogé, Sampson est ensuite relâché car jugé inoffensif par l'ennemi. L'aumônier retourne alors à l’antenne médicale et apaise autant que faire se peut les blessés des deux camps, avant de voir les troupes américaines se rendre définitivement maîtres de la zone.
Passées ces péripéties derrière Utah Beach, le Père Sampson va s'illustrer autrement par un acte qui fera les beaux jours d'Hollywood des décennies plus tard.
Cimetière militaire provisoire de Hiesville le 10 juin 1944 : au premier plan, l'aumônier Catholique Francis L. Sampson bénit les corps de parachutistes tués au combat dont les corps sont enveloppés dans des parachutes.
Ramener le quatrième frère à ses parents.
Tonawanda, dans l’état de New-York, quelques semaines avant le 6 juin 1944. Augusta et Michael Niland vaquent à leurs occupations. Néanmoins leurs esprits sont tournés vers les dernières nouvelles venant du front. En effet en ce printemps 1944, les époux Niland ne sont pas tranquilles. Parents de quatre fils, leurs progénitures accomplissent leur devoir face aux velléités nazies et japonaises. Edward Niland vole sur un bombardier au sein de l’USAAF. Frédérick et Robert ont volontairement fait le choix de l’aéroportée. Quant à Preston, il a intégré l’infanterie et combat avec la 4th US Infantry Division.
Malheureusement, Mr et Mme Niland voient bientôt leur attente bousculée par la réalité de la guerre. Depuis le 16 mai, Edward est considéré MIA, Missing in Action. Son B-25 a été abattu au-dessus de la Birmanie. Depuis, son unité n’a plus de nouvelles du Sergent.
Le 6 juin 1944, le Sergent Frédérick Niland du 501st PIR, régiment du Père Sampson, et le Sergent Robert Niland du 505th PIR, 82nd US Airborne Divison, sont de la partie. Les deux parachutistes sautent sur le Cotentin. De son côté, le Lieutenant Preston Niland débarque à l’aube sur Utah Beach.
Les nouvelles venant de France sont encourageantes. Les alliés progressent, même si sur Omaha Beach, les pertes ont été terribles dans la matinée. Cependant la mort va venir frapper à la porte des Niland. Ils apprennent que leur fils Robert a été tué au combat, Killed In Action le Jour J. Au Nord de Sainte-Mère-Eglise, sa D Compagny se trouvait à Neuville-au-Plain. Les paras ont dû repousser plusieurs contre-attaques allemandes. Submergés par le nombre, les américains décidèrent de décrocher et de retraiter vers Sainte-Mère-Eglise. Le sergent Robert Niland couvrit le repli de son unité avec deux frères d’armes. Ces derniers rentrèrent sains et saufs, mais sans leur sous-officier.
Consumés par le chagrin, les parents n’ont aucun répit, car le deuil s’invite à nouveau sur le pas de leur porte : Preston est tombé au champ d’honneur le 7 juin.
La guerre présente sa facture macabre aux parents affligés. Deux de leurs fils ne reviendront pas vivants de Normandie. Le troisième a disparu, présumé mort dans le Pacifique. Reste le quatrième, Frédérick, semble-t-il toujours en vie, atterrit au Sud-Ouest de Carentan le Jour J.
L'aumônier Françis Sampson a vent du tragique destin des trois frères. Le chaplain entreprend alors les démarches pour que Frederick retrouve ses proches. Le lourd tribut payé par la fratrie Niland parvient ainsi à l’attention de l'état-major. En vertu de la Sole Survivor Policy*, Washington prend la décision de rapatrier le dernier fils aux Etats-Unis afin de l’incorporer dans une unité non combattante. Puis en 1945, le Sergent Edward Niland est retrouvé par les Britanniques dans un camp japonais de prisonniers, captif depuis près d’un an, mais vivant. Cette épopée des frères Niland inspira à Steven Spielberg l'histoire de son film aux cinq Oscars « Saving Private Ryan ».
Le Chaplain est prisonnier en Allemagne.
En septembre 1944, lors de l'opération Market Garden chapeautée par Montgomery, le père Sampson est encore aux côtés du 501st PIR en Hollande. Puis le 19 décembre pendant la Bataille des Ardennes, il est capturé près de Bastogne. Enfermé dans un wagon à bestiaux pendant six jours sans eau ni nourriture, il part pour l'Allemagne et le Stalag II au Nord de Berlin. Finalement, le camp est libéré le 28 avril 1945 à minuit par les chars russes. L'ouverture des portes met fin à quatre mois de détention pour l’aumônier américain.
Après-Guerre, en 1946, il œuvre pour l'autre division aéroportée américaine du Jour J, la 82nd Airborne et son 505th PIR. Puis il rempile en Corée, avant d'être nommé à la tête des aumôniers de l’armée américaine en 1967. Élevé au grade de Major Général, le Père Sampson avait reçu de nombreuses distinctions militaire pour son courage et sa résilience : Distinguished Service Cross, Bronze Star, Purple Heart, Presidential Unit Citation (with two bronze oak leaf clusters). De son vécu en temps de guerre, il en avait tiré deux livres : "Paratrooper padre" (1948) et "Look out below" (1958).
Françis Leon Sampson fit son dernier grand saut en 1996. Atteint d'un cancer, il mourut à 83 ans. Il est inhumé au cimetière St. Catharine de Luverne, dans le Minnesota. Sur sa pierre tombale, ces mots sont gravés : "Seigneur, faites de moi un instrument de votre paix." Deux ans plus tard, un certain James Francis Ryan était sauvé sur grand écran....
(US Army)
* Ou DoD directive 1315.15, un ensemble de règlements militaires des Etats-Unis conçu pour protéger les membres d'une famille des missions de combat si ils ont déjà perdu des proches au front.
Le père Maternowski le 6 juin 1944, pour lui sonne le glas.
Par plagesdu6juin1944 | Le 01/03/2019 | Commentaires (2)
Le D-Day, dans un petit village du Cotentin, un aumônier parachutiste s'inquiète du sort des blessés au milieu des combats. Mais la guerre va en décider autrement...
Patch du 508th PIR.
Depuis 2016, elle est fixée là, dans Gueutteville, noire comme le deuil. Sur cette plaque du souvenir, dessinées en arrière-plan, des vaches précèdent un planeur Waco. Devant, un homme est agenouillé auprès d'un corps recouvert d'un drap. Aux guêtres fixés à ses mollets, on devine qu'un GI repose inerte sur le pré normand. Au-dessus du malheureux, l'autre homme lui rend les derniers sacrements à l'aide d'une bible et s'appuie sur un casque marqué d'une croix latine blanche. En tenue de parachutiste, ce dernier arbore sur son épaule gauche le patch au double A, signe distinctif des membres de la 82nd US Airborne Division.
Cette sérigraphie est placée là en souvenir du Capitaine Ignatius Maternowski, chaplain du 508th PIR. Elle est placée là, à l'endroit même où il fut tué.
Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, l'aumônier de 32 ans accompagne les parachutistes américains de la 82nd dans leurs missions dans le Cotentin, en arrière du futur secteur d'assaut Utah Beach.
Dans l'avion qui lui fit traverser la Manche, s'était-il rappelé son engagement en juillet 1942 ? Regrettait-il de s'être porté volontaire pour incorporer une nouvelle arme, l'aéroportée et son 508th Parachute Infantry Régiment ? Après un entraînement rigoureux avec les Red Devils, il atteignit le rang de capitaine.
Le franciscain Ignatius Maternowski (find a grave).
Le Jour J, près de Picauville, un planeur s'est écrasé à proximité et a fait de nombreuses victimes. Le père Maternowski commence à s'occuper des parachutistes et des victimes du crash de l'appareil.
Arrivé à Gueutteville, il s'est réfugié dans le café Thouroude avec plusieurs blessés, tandis que les allemands du Grenadier-Regiment 1057, 91. Infanterie-Division, sont postés à l'autre bout du hameau. Contre l'avis de Jules Thouroude, le chaplain sort alors de son abri pour aller seul à leur rencontre, ceci afin de négocier la mise en sécurité des blessés des deux camps. Tôt dans la matinée, il part sans armes vers les lignes ennemies, portant au bras gauche un brassard marqué d'une croix rouge. Et bientôt, les témoins sont surpris de le voir revenir avec à ses côtés un officier ennemi. Le Major allemand pénètre dans le café épicerie et constate les soins aux victimes.
La mort au bord du chemin.
Le prêtre raccompagne ensuite son visiteur au-dehors, puis s'en retourne pour retrouver ses ouailles. Soudain, un coup de feu claque. L'homme d’Église s'écroule. Un tireur vient de le foudroyer d'une balle dans le dos. Étendu sur le sol, la tête sur le bord du ruisseau bordant le chemin, la Bataille de Normandie vient de se terminer dès le 6 juin pour le chaplain. Les snipers allemands interdisant toute approche, son corps restera là pendant trois jours, en bord de route, jusqu'au 9 juin.
Enfin, les troupes américaines avancent vers l'Ouest. Les allemands se replient et le corps de l'aumônier peut être relevé par des membres de la 90th US Infantry Division. Il est enterré près d'Utah Beach, puis en 1948, son corps est transféré aux États-Unis, au cimetière Mater Dolorosa dans le Massachusetts.
Aujourd'hui dans Gueutteville, un petit mémorial placé au bord de la chaussée rappelle les événements. Qu'aux premiers bruissements de notre libération, un homme essaya d'immiscer un peu d'humanité au milieu des combats. Et qu'il paya cette compassion de sa vie.
La stèle édifiée à l'endroit où le père Maternowski s'est écroulé le 6 juin 1944.