révérend
L'aumônier Wood et la 82nd Airborne, l'église 4 étoiles
Par plagesdu6juin1944 | Le 15/03/2019 | Commentaires (0)
Les combats font rage dans Sainte-Mère-Eglise, où des parachutistes américains sont tombés au milieu du village et des allemands. Dans ces affrontements sanglants, un aumônier tente d'apporter un peu d'humanité. Une dévotion saluée par tous les acteurs de l'époque et dont une émouvante trace subsiste dans le musée local.
Patch du 505th PIR
Les pendus de la place de l'église.
Bien qu’une heure du matin soit passée en ce 6 juin 1944, les habitants du village normand de Sainte-Mère-Eglise se pressent sur la place de l’église. Malgré le couvre-feu et alertés par le tocsin, ils ont découvert la maison en feu de Julia Pommier et s’affairent le long d’une chaîne humaine afin de circonscrire l’incendie. Encadrés par les soldats allemands du Grenadier-Régiment 1058, 91. Infanterie-Division, les normands perçoivent un bruit au loin. Depuis 23h, ce vrombissement se fait entendre, mais là, le bruit s’amplifie et annonce le début de la Bataille de Normandie.
Puis dans la nuit, les civils sont médusés : des avions passent en formation. Une première vague, puis une deuxième venant de l’Ouest survole la péninsule du Cotentin. Les habitants, comme l’occupant allemand, sentaient que quelque chose se préparait, que les alliés allaient bientôt tenter de percer ce Mur de l’Atlantique. Mais ils ignoraient où et quand ?
Il est 1h15 (heure française) et la troisième vague se présente au-dessus de Sainte-Mère-Eglise. Soudain, les C-47 crachent leurs volées de parachutistes, pris pour cibles par les rafales allemandes. Les hommes de la 82nd US Airborne Division s’élancent vers le sol de France, au Nord-Ouest du futur secteur Utah Beach.
Cependant les tirs de la Flak ennemie et le stress des pilotes de C-47 rendent les largages des parachutistes difficiles. Devant être droppés plus au Sud, vers Sainte-Marie-du-Mont, des membres de la 101st US Airborne Division se retrouvent largués avec leurs camarades de la 82nd Airborne.
Il est 1h15, et ce sont d'abord les boys des 502nd et 506th PIR, 101st US Airborne, qui se balancent au-dessus du bourg de Sainte-Mère-Eglise. Le maire Alexandre Renaud enjoint ses administrés à se rendre aux abris. La F Compagny du 505th arrive ensuite sur le guêpier de la place du village. Les allemands ouvrent le feu sur les corolles flottant au vent. Alfred Van Holsbeck se dirige vers les flammes de la maison Pommier. Il hurle, puis péri dans le brasier. Destinée cruelle, des hommes meurent avant d'avoir touché le sol. Six parachutistes pendent aux arbres, tués dans leurs harnais.
7 juin 1944 : le para Elmer Habbs du Delaware devant le panneau de l'objectif de la 82nd, codé "Brooklyn".
Aux alentours, des éléments du 505th Parachute Infantry Régiment ont atterri et se sont regroupés pour donner l’assaut. Dans le même temps les allemands sont perplexes face aux événements. Ils quittent le bourg et partent en direction du Sud vers le château de Fauville.
Le 3/505th avance prudemment dans les rues de la commune, bientôt rejoint par le Lieutenant-Colonel Krause et 158 hommes. Vers 5h, Sainte-Mère-Eglise est aux mains des américains, et pour quelques minutes à 6h30, le drapeau étoilé flotte sur l’hôtel de ville. Vers 9h, 360 paras du 3/505th tiennent le village, retranchés derrière 7 barrages routiers.
Wood ne se fait pas prier pour aider.
Parmi les Red Devils de la 82nd se trouve le Capitaine George “Chappie” B. Wood, l'aumônier du 505th. Accompagné d’un petit groupe d’hommes, ce dernier s'affaire pour décrocher, un à un, ses malheureux camarades tués dans leurs harnais et encore suspendus aux vues des civils aux arbres de la place de l’église. Puis il va aider à soigner les nombreux blessés qui sont amenés à l’hospice transformé en hôpital provisoire.
Le chaplain Wood à Sainte-Mère-Eglise quelques jours après le Jour J.
Pendant toutes les heures héroïques et difficiles de la 82nd Airborne, le révérend protestant a toujours essayé d'apaiser les hommes et de trouver les mots justes. Il avait d'ailleurs composé une prière spéciale pour ses ouailles combattantes :
« Dieu Tout-Puissant, notre Père Céleste ;
Qui est au-dessus de nous et au-dessous de nous, en nous et autour de nous ;
Chasses des esprits de nos parachutistes toute peur de l'espace dans lequel Tu es toujours présent.
Donnes-leur confiance en la force de tes bras éternels pour les soutenir.
Endures-les avec un esprit clair et un cœur pur afin qu'ils puissent participer dignement à la victoire
que cette nation doit réaliser en ton nom par Ta volonté.
Fais d'eux des soldats robustes de notre pays ainsi que de ton Fils, Notre Sauveur, Jésus-Christ.
Amen. »
Ces heures douloureuses et éprouvantes dans le Cotentin n'avait pas, bien des années plus tard, altéré la foi du Chaplain dans la justesse des opérations alliées en Europe. Trente-six ans après le D-Day, Wood avait déclaré lors d'une cérémonie commémorative : « Il n'est pas belliciste de dire que certaines choses valent la peine d'être défendues. Je n'ai pas de temps pour ceux qui disent que nos morts de guerre sont morts en vain. Tant qu'il reste quelqu'un à se rappeler, personne ne meurt jamais. Partout où la liberté est menacée, des hommes mourront, maintenant et à l'avenir. Mais ils ne meurent pas en vain, leurs actions vivent après eux. »*
George Wood fut fait citoyen d'honneur de Sainte-Mère-Eglise. Une trace émouvante de son passage persiste dans la commune. Faites un tour dans l'Airborne Muséum, et pénétrez dans le pavillon du C47 The Argonia. Vous pourrez y admirer la chasuble multicolore du chaplain Wood, fabriquée de façon artisanale avec différentes voilures de couleur qui servaient à larguer les containers. Ces toiles étaient soit verte, rouge, jaune, bleue où blanche et indiquaient ainsi aux destinataires le contenu des caisses. Cette pièce chargée d'histoire a été offerte au musée par le révérend qui est revenu à Sainte-Mère-Eglise après-guerre.
Le père Wood en avait vu d'autres avant la Normandie, lui qui avait sauté auparavant avec la 82nd en Sicile (opération Husky) et en Italie (opération Avalanche). Après Sainte-Mère-Eglise, il avait réalisé un quatrième saut en Hollande, où il était devenu l'aumônier de la division aéroportée. Puis il avait pris part aux campagnes dans les Ardennes et en Allemagne. Le Capitaine Wood reçut d'ailleurs la Bronze Star pour son héroïsme, et demeure le seul aumônier à avoir effectué pendant la Seconde Guerre Mondiale quatre sauts de combat. Pas mal pour un homme de paix...
La chasuble du révérend Wood, inscrite à l’Inventaire du Patrimoine (coll. Airborne Muséum)
La Foi sur la ligne de front
Le magazine Stars and Stripes N° 231 du 31 juillet 1944 donnait ces indications :
"Au 31 juillet 1944 : 24 aumôniers de l'armée ont été tués à ce jour, a annoncé hier le département de la Guerre, et 33 autres ont été faits prisonniers. Quelque 3 400 aumôniers servent maintenant à l'étranger.
Pendant ce temps, le SHAEF a annoncé les noms de 13 aumôniers qui ont sauté avec les parachutistes en Normandie le jour J de quatre à six heures avant le débarquement sur les plages :
- Raymond S. Hall, épiscopalien;
- George B. Wood, épiscopalien;
- Matthew J. Connelly, catholique;
- Roert H. Hennon, baptiste;
- John J. Verret, catholique;
- James L. Elder, baptiste;
- Ignatius P. Maternowski, catholique;
- Kenneth M. Engle, méthodiste;
- Francis L. Sampson, catholique;
- Joseph Andrejewski, catholique;
- Tilden S. McGee, baptiste;
- John S. Maloney, catholique;
- William Reid, méthodiste."
*livre Four Stars of Valor: The Combat History of the 505th Parachute Infantry