1944
Livre Bye Bye Geneviève !
Par plagesdu6juin1944 | Le 02/08/2015 | Commentaires (0)
Un nouveau livre apparait dans notre bibliographie : Bye Bye Geneviève !, de Geneviève Duboscq.
La routine va bon train au passage à niveau 104 près de Sainte-Mère-Eglise. Cette maison de garde-barrière est occupée par la famille Duboscq : Papa Maurice, sa femme, leur fils Claude et sa grande sœur Geneviève. Les journées sont rythmées par le braconnage dans le marais ou la traite des vaches. Geneviève, 11 ans, comble ses heures avec l’école et les corvées, mais doit aussi subir les coups d’un père souvent abruti par l’abus de Calvados. Tout juste leur quotidien dans cette Normandie rurale est-il troublé par les tours de garde ordonnés par l’occupant allemand à Papa Maurice.
Cependant cette vie champêtre va être bouleversée un soir de juin 1944, lorsqu’un grondement se fait brusquement entendre dans le ciel du Cotentin. Le 5 au soir, c’est la Libération, leur libération qui est en marche. La Bataille de Normandie s’annonce et les emporte, sous la forme d’un immense et étrange soldat au visage noirci qui d’un coup rempli l’encadrement de leur porte d’entrée.
C’est un parachutiste américain. Mais il n’est pas seul, ils sont des dizaines, des centaines à se balancer dans la nuit vers le sol. Vers le sol ? Pas pour tous. Car pour contrecarrer l’invasion alliée, les allemands ont inondé les marais. Beaucoup de paras risquent donc de se noyer, alourdis par leurs bardas et emmêlés dans les suspentes.
Papa Maurice l’a vite compris et sa barque sillonne rapidement les eaux noires à la recherche des naufragés. Embarquée dans le grand tournant de l’Histoire, la famille Duboscq va ainsi sauver, recueillir, réconforter, orienter et ravitailler les parachutistes. Les blessés, alliés et allemands, vont aussi peupler leur demeure. Ainsi, entre 350 et 500 paras des 82nd et 101st Airbornes auraient été sauvés par les Duboscq dans le marais.
Dans cette vie devenue extraordinaire, ou la mort rôde et frappe, les Duboscq vont alors apprendre à se connaitre vraiment. Car quand chacun peut être à tout moment fauché par une balle ou une bombe, les rancœurs, les non-dits, mais aussi le courage se révèlent. Pour Geneviève, au-delà de ces vérités, c’est aussi le choc des cultures avec un nouvel occupant. Car les américains débarquent avec leur modernisme à profusion et bousculent le paysage local. Pour la petite normande, la Libération sonne le glas de son enfance. Portée par une foi et un volontarisme inoxydables, elle va connaitre la bravoure, la peur, la trahison, le trépas, l’amour et la survie. Au crépuscule de son innocence, ces épreuves feront vite de la gamine une jeune femme.
Bien plus tard, les vétérans passés par le PN 104 n’ont pas oublié cette famille. Le 5 juin 1977, lors des commémorations du D-Day à Sainte-Mère-Eglise, les Etats-Unis remirent à Papa Maurice, sa femme, et à leur fille la médaille de la valeur militaire américaine.
De son vécu, Geneviève Duboscq écrivit le livre Bye Bye Geneviève !, qui sera tiré à 250 000 exemplaires. Elle participa à des conférences et des plateaux télé (voir ci-dessous l'extrait de l'émission Apostrophes avec Bernard Pivot). Elle reçut également la médaille du courage d'Israël et la Légion d'honneur française. Bye Bye Geneviève ! est un écrit romancé, le regard d'une enfant sur des évènements qui la dépassent. Et le chiffre de 350 soldats secourus dans le marais fit beaucoup parler dans le Cotentin. Loin des débats sur la véracité historique et les bilans comptables, que ce soit 500, 20 ou un seul para réellement sauvé par les Duboscq, l'humanité se fit une place au coeur de la guerre. Et c’est bien là l’essentiel.
Livre Bye Bye Geneviève !, de Geneviève Duboscq, aux éditions Robert Laffont, 286 pages.
Emission Apostrophes du 29 septembre 1978 : Les oubliés de l'Histoire (ina)
Robert Capa fige la mort sur Omaha
Par plagesdu6juin1944 | Le 06/06/2015 | Commentaires (0)
11 photos, pour l'Histoire.
Robert Capa en 1937 (Gerda Taro) |
Omaha Beach. 6 juin 1944. 6h30.
Robert Capa, 30 ans, débarque avec la première vague d’assaut américaine, face à Colleville-sur-mer sur le sous-secteur Easy Red. Le correspondant de guerre s’avance dans la boucherie du Jour J avec pour seules armes ses trois appareils photos. Tremblant, il fige la mort qui l’entoure et le frôle. Dans cet enfer ou chaque homme est seul au monde et ou chaque photo peut être la dernière, il martèle dans sa tête ces mots comme une prière : « C’est une affaire très sérieuse. »
Avant le Débarquement, Capa est déjà un vieux routard. Né Endre Friedmann à Budapest en 1913, il arrive en 1931 à Berlin pour devenir journaliste. Cependant, étant juif et gauchiste, la prise de pouvoir d’Hitler l’oblige à d’abord se réfugier à Vienne, puis Paris en 1933. En 1936 pour favoriser la vente de ses photos et impressionner les éditeurs, Endre Friedmann devient Robert Capa et part suivre la guerre civile en Espagne. Il y obtient la renommée et gagne ses galons de grand reporter avec sa photo capturant la mort d’un soldat républicain frappé d’une balle. En 1938, il couvre ensuite la guerre sino-japonaise pour le magazine Life.
En 1939, on le retrouve sur le Tour de France, mais il doit ensuite quitter Paris. Il traverse l’Atlantique et se pose à New-York. Accrédité par l’armée américaine, il part photographier le front en Afrique du Nord, en Sicile, en Italie, et donc en Normandie.
Pour Life, il fait la traversée vers Omaha Beach avec la E Compagny du 16th Regimental Combat Team, first Infantry Division. Sa péniche accoste et la Big Red One s’élance. Lui s’attarde sur le bastingage, ce qui n’est pas du goût d’un matelot le prenant alors pour un froussard. Un coup de pied aux fesses le ramène à la réalité et il rejoint la plage. Il raconte : « Les balles font des ronds dans l’eau autour de moi (…). Une nouvelle sorte de peur secoue alors mon corps des cheveux aux orteils et tord mon visage. » Face au WN 62, sous la mitraille, il réalise 106 clichés. Puis ivre de trouille et d’horreur, le reporter rebrousse chemin et réussi à monter sur un chaland LCI. Il connait une dernière frayeur lorsqu’un obus frappe son embarcation. Il est ensuite pris en charge sur un navire-hôpital, ou après examen il reçoit l’étiquette « cas d’épuisement, pas d’identification ».
"Pour expliquer la piètre qualité des photos prises le 6 juin, Life se défausse en accusant Capa d’avoir eu la main tremblante." |
Bien que choqué, Capa ne lâche pas sa précieuse cargaison. Car pendant sa traversée et dans la fournaise d’Omaha Beach, il a pris au total 226 clichés. Revenu en Angleterre, le coursier de Life lui propose de le conduire à Londres. Seulement l’intrépide Capa choisi de repartir pour les plages normandes et lui confie son travail. C’est l’effervescence dans les bureaux londoniens. Le bouclage du journal a déjà démarré et dans leur précipitation, les laborantins massacrent le développement. Seules 11 photos, floues, sont exploitables. Qu’importe, même floues, elles sont inestimables. Elles deviennent les Magnificent Eleven.
une des 11 magnifiques
(ROBERT CAPA/MAGNUM PHOTOS) via Wikipédia
Pour expliquer la piètre qualité des photos prises le 6 juin, Life se défausse en accusant Capa d’avoir eu la main tremblante. Pour le reporter, qui estime que si une photo est ratée, c’est que l’on n'est pas assez près de l’action, cette pilule est dure à avaler. En 1947, il intitulera avec ironie ses mémoires de guerre Slightly Out of Focus (Juste un peu flou)….
Capa débarque une seconde fois plus sereinement le 8 juin 1944. Il trace sa route dans la progression des alliés, entrant dans Chartres, Paris, en Belgique et enfin en Allemagne. En 1947, il fonde avec d'autres collègues la coopérative photographique Magnum. Malheureusement la faucheuse rattrape ce trompe-la-mort pendant la guerre d’Indochine. Alors qu’il effectue un reportage auprès de l’armée française, il saute sur une mine le 25 mai 1954. A 40 ans, l’aventureux reporter s’en est allé faire son dernier voyage, au Panthéon du photo-journalisme.
Sources :
Livre Omaha Beach, de Georges Bernage, éd. Heimdal
Dictionnaire du Débarquement, Claude Quétel, éd. Ouest France
Le Débarquement pour les Nuls, de Claude Quétel, First éditions
Site Bibliothèque nationale de France