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Guerres et Histoire : la Luftwaffe assassinée
Par plagesdu6juin1944 | Le 19/10/2013 | Commentaires (0)
Et si le succès du débarquement en Normandie s’était joué bien avant juin 1944 et loin des côtes françaises ? Et si le mur de l’Atlantique n’avait pas été représenté par cette statique barrière défensive allant de la Norvège au pays basque, mais plus surement par la Luftwaffe ? C’est ce à quoi répond le bimestriel Guerres et Histoire dans son numéro15 avec son dossier de 20 pages « L’assassinat de la Luftwaffe, comment l'aviation américaine a sauvé le débarquement ».
Lors de la réunion de Casablanca ( 14-24 janvier 1943 ), Roosevelt et Churchill se mettent d’accord sur la nécessité de l’ouverture d’un second front en Europe de l’ouest. Cependant, outre la myriade de bunkers qui hérissent le continent et compliquent la mise à terre d’une force de libération, une menace bien plus préoccupante perturbe le sommeil des stratèges britanniques et américains : les avions allemands.
Les bombardiers américains déchantent
Ainsi, les alliés conviennent que pour la réussite de l’opération Overlord, il est impératif de briser les reins de l’aviation ennemie en allant la combattre chez elle en Allemagne. Seulement début 1943, les vues divergent entre les états-majors formant le Combined Bomber Offensive. Les britanniques veulent privilégier les bombardements sur les villes allemandes alors que les américains souhaitent s’attaquer aux sites industriels. Finalement tout le monde s’accorde à cibler les outils de production aéronautiques, notamment dans le secteur stratégique de la Ruhr. L’offensive de bombardements stratégiques combinés prend forme, ce sera l’opération Pointblank ( « à bout portant » ). Mais pour pouvoir arriver sur leurs objectifs, les bombardiers doivent d’abord se défaire de la chasse allemande.
"Fin 1943, l’US Army Air Force fait ses comptes : un équipage ne compte que 38% de chances de terminer sain et sauf son tour de 25 missions." |
Les planificateurs accordent alors toute leur confiance dans la robustesse et la capacité défensive des B-17, surnommés les forteresses volantes avec leurs 10 mitrailleuses de 12.7 mm. Par naïveté ou excès de confiance, ce choix est désastreux. Les flottes de B-17, après deux succès contre Brême et Hambourg en avril et Juillet 1943, sont durement touchées ensuite par la riposte des Messerschmitt. Les pilotes allemands s’aguerrissent de mois en mois et en octobre la 8th Air Force enregistre près de 30% de pertes lors d’un raid. Fin 1943, l’US Army Air Force fait ses comptes : "un équipage ne compte que 38% de chances de terminer sain et sauf son tour de 25 missions."
Les alliés ont pris un coup sur la tête, la perspective d’assommer la Luftwaffe est un objectif de plus en plus illusoire et la réalité d’un débarquement se mue peu à peu en rêve inaccessible. Hors il y’a du changement sur le sol anglais. En décembre 1943, Eisenhower prend en charge la préparation de l’ouverture du second front. Une de ses décisions est salvatrice : il nomme le général Spaatz à la tête d’une nouvelle organisation : les US Stratégic Air Forces in Europe ( USSTAF ), comprenant la 8th ( en Angleterre ) et 15th Air Force ( en Italie ). Ce dernier va alors redéfinir les priorités des cibles à détruire et clarifier les prises de décisions lors des missions.
Un B-17 de la RAF
Doolittle change la donne
Spaatz nomme en janvier à la tête de la 8th Air Force le général James H. Doolittle ( celui-là même qui pour venger l’affront de Pearl Harbor avait fait décoller en 1942 des bombardiers depuis le porte-avions USS Hornet pour mener un raid sur Tokyo ). De suite, Doolittle fait parler son audace et modifie les ordres des pilotes d’escortes. Car auparavant, les chasseurs devaient se tenir aux côtés des bombardiers et les défendre contre l’ennemi sans quitter la formation. Doolittle change la donne. Dorénavant, les pilotes ont ordre après la prise de contact de faire la chasse aux avions allemands, que ces derniers soient dans les airs ou au sol.
On assiste à un changement stratégique. Les bombardiers sont devenus des appâts, chargés de faire sortir du bois l’aviation allemande. Mais quel chasseur peut s’offrir cette proie redoutable qu’est un Messerschmitt Bf 109 G-6 ?
James Harold Doolittle ( 1896-1993 ), récipiendaire de la
médaille d'honneur du congrès pour son raid sur le Japon
Une trouvaille pas bidon
Vouloir traquer l’ennemi est une chose, pouvoir le faire efficacement avec un rayon d’action de plus de 900 kms depuis les aérodromes anglais en est une autre. Après réflexion, le P-51B Mustang remporte les suffrages avec sa vélocité et sa maniabilité supérieure aux aéronefs allemands. Mais même doté de 3 réservoirs pouvant emporter au total 1 000 litres de carburant, il lui est impossible de survoler le Reichtag berlinois et de revenir se poser en Angleterre. La solution apportée est simple et imparable : on lui adjoint 2 nouveaux réservoirs de 416 litres chacun. Une fois vides, les deux bidons sont largués par le pilote, qui peut alors voler suivant les ordres jusqu’à Prague.
Mustang P-51B
Dotée de telles armes offensives et sans égales au niveau de l’autonomie, L’USAAF surclasse ses adversaires. Les pilotes allemands mordent à l’hameçon et arrivent en grappes pour liquider ces cibles de choix que sont les B-17. Mais stupeur, ils sont cueillis par les agiles P-51. La fine fleur de la Luftwaffe se fait tailler en pièces au-dessus du IIIème Reich. En février 1944, le moment est venu pour les yankees de porter un coup décisif à l’industrie de guerre nazie. En 2 semaines d’opérations c’est un déluge de bombes qui s’abat en Allemagne. Le 20 février, 1 000 quadrimoteurs accompagnés par 835 chasseurs noircissent le ciel allemand. Parmi les bombardiers, pendant cette mission, Spaatz n’enregistre que 2.1% de pertes. Cette nouvelle stratégie est un succès. La chasse allemande est saignée à blanc, et la Flak*, dorénavant stationnée autour des usines, tente de faire barrage mais sans succès. Cette dernière n’empêche pas les alliés d’infliger de sévères dégâts aux chaines de montages ennemies, mettant ainsi durement à mal la logistique de la Luftwaffe.
Invariablement, les alliés s’adjugent le ciel allemand et le 6 mars, c’est le coup de grâce : plus de 1 600 chasseurs et bombardiers s’agitent au-dessus de Berlin. La roue a tourné pour l’Allemagne et le danger est maintenant porté au cœur de son empire. Les chiffres avancés dans le dossier sont éloquents : « Entre janvier et mai 1944, la Jagdwaffe perd 2 262 pilotes, soit 100% de son effectif, et plus de 3 000 avions. »
En Normandie, le ciel appartient aux alliés
En avril 1944, l’USSTAF passe sous le commandement direct d’Eisenhower dans la perspective du débarquement sur les côtes françaises. Le commandant suprême est soulagé car même si la Luftwaffe n’est pas totalement muselée, elle ne peut plus s’opposer efficacement aux plans des alliés. Alors qu’en juin 1940, elle était maîtresse du ciel et terrorisait les convois de réfugiés sur les routes, elle oppose une force symbolique le 6 juin 1944. Lorsque les alliés effectuent 13 700 sorties aériennes de jour, les allemands n’en comptabilisent qu’une centaine.
Ainsi Eisenhower a tenu sa promesse aux troupes qui ont débarqué en Normandie, la menace n’est pas venue des airs. Une situation moins bien accueillie par les fantassins allemands, dans les rangs desquels cette blague commença à circuler : « Si dans le ciel tu vois un point gris, c’est un américain, si c’est un point bleu, c’est la RAF. Et si tu ne vois rien, c’est la Luftwaffe… »
D'autres facteurs sont à prendre en compte
Attention le succès du débarquement en Normandie ne doit pas se limiter à la neutralisation de l’aviation du maréchal Goering. D’autres circonstances doivent-être prises en compte par le lecteur : le secret du D-Day gardé jusqu’au bout. Une Kriegsmarine également mal en point, incapable de contrer les convois alliés. La décision du général Bradley de faire tonner les canons de marine afin de soutenir les troupes américaines en difficulté sur Omaha Beach. L’absence le Jour J du responsable des défenses côtières, le maréchal Rommel. Un mur de l’Atlantique inefficace et survendu par la propagande de Goebbels. Des unités blindées allemandes qui tardent à réagir après leur mise en alerte. Un pouvoir de décision défaillant côté occupant, car centralisé sur la personne d’Hitler. Cependant ce dossier complet de Guerres et Histoire nous donne toutes les cartes pour comprendre pourquoi les aviateurs allemands ne furent plus cette force imposante le 6 juin 1944, mais cantonnés à un simple rôle de nuisance.
Magazine Guerres et Histoire, numéro 15 d’octobre 2013, Dossier « L’assassinat de la Luftwaffe, comment l’aviation américaine a sauvé le débarquement »
Réalisé par Benoist Bihan, Laurent Henninger, Pierre Grumberg, Christophe Reverchonet et Jean-Christophe Noël
*artillerie antiaérienne allemande
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