La gazette
Extension du musée Utah Beach
Par plagesdu6juin1944 | Le 07/03/2011 | Commentaires (0)
Le musée d'Utah Beach fêtera ses 50 ans en 2012 et entend bien participer à l'engouement touristique suscité aujourd'hui autour des plages du débarquement en Normandie. Il se construit une nouvelle jeunesse et doit réouvrir ses portes le 6 juin prochain, trois mois après la sauvegarde réussie du poste de tirs de la Pointe du Hoc. Le patrimoine historique normand confirme sa vitalité avec la réfection de ces deux têtes d'affiche du jour J, avant le début des travaux du musée Airborne de Sainte-Mère-Eglise.
Perspective du projet ( photo : Nicolas Kélémen Architecture )
Situé à La Madeleine, plage du département de La Manche qui accueilli le 6 juin 1944 la 4th Infantry Division, le mémorial est entre les mains des ouvriers d'entreprises locales depuis le 31 mai 2010. Ce lieu de mémoire fut un des premiers à voir le jour sur la côte normande à l'endroit ou se tenait le point d'appui allemand N° 5 qui causa quelques tourments aux GI's américains débarqués sur Utah Beach. Il fut ainsi créé en 1962 par une figure locale, Michel de Vallavieille, maire de la commune voisine de Sainte-Marie-du-Mont de 1949 à 1991. L'élu aurait pourtant pu avoir quelques griefs contre ses libérateurs quand des parachutistes de la 101st Airborne faillirent l'abattre le 6 juin devant le manoir familial de Brécourt ( voir page sur La Madeleine ). Mais la reconnaissance était plus forte que la rancœur, et il fut à l'origine de l'élévation du mémorial autour du WN 5 sur ces dunes du littoral.
En effet, il était inconcevable pour les locaux de ne pas célébrer les troupes américaines de la 4th Infantry Division du général Barton débarquée sur Utah Beach. Le 6 juin 1944, le commandant adjoint, le général Roosevelt, cousin du président alors en exercice, pose sa canne sur la plage de La Madeleine à 6h30. Il regarde aux alentours et constate que ce secteur n'est pas le bon. Les péniches auraient dû arriver à 2kms plus au Nord, mais la vague d'assaut s'est déportée à cause des forts courants marins. Cependant, le général Roosevelt décide que ses soldats toucheront terre ici. La division fait donc face au WN 5 du Lieutenant Jahnke et ses 43 soldats. Les 620 hommes de la première vague essuient les tirs du point d'appui et des batteries d'Azeville, de Saint Marcouf, ainsi que des positions de campagne aux alentours. Néanmoins les américains progressent rapidement et vers 10h30 ils opèrent la jonction vers le hameau de Pouppeville avec les paras et le commandant de la 101st, le général Taylor. Les GI's pourront alors filer vers leur objectif, la prise du port de Cherbourg le 26 juin, après avoir maîtrisé les batteries en chemin.
Afin d'honorer au mieux la mémoire de ses évènements, le musée est depuis les années 60 en constante évolution. Des aménagements avaient déjà été effectués en 1964, 1984 et 1994. Ces dernières années, il faut avouer que le public se presse aux abords des musées normands et la direction du mémorial a donc mené une réflexion afin de présenter de la façon la plus ludique possible les 1 300 objets de sa collection. Depuis quelques temps, la boîte à idées se remplissait allègrement, mais c'est la visite en 2007 de deux fils d'un pilote américain vétéran du débarquement qui pesa lourd dans les prises de décisions. Deux visiteurs lambda ? Pas vraiment, puisqu'il s'agissait de David Dewhurst, vice-gouverneur de l'état du Texas, et de son frère Gene. Leur père, le Major David Dewhurst junior du 505th Squadron de l'US Air Force, pilotait un B-26 Marauder en 1944. Il prit pour cible les défenses germaniques sur le secteur d'Utah le jour J quelques minutes avant l'arrivée des troupes terrestres. Ses fils, riches industriels, décidèrent 65 ans plus tard de commémorer la mémoire de leur paternel et de ses camarades en participant financièrement à l'expansion des lieux.
Qui plus est, face à l'exigence des nouvelles générations férues de technologies, le site va se moderniser en se dotant d'un simulateur de vol ou prendront place d'inédites images d'archives. Les vitrines seront renouvelées régulièrement. Cerise sur le monument, un bombardier B-26 va venir étendre ses ailes de 28 mètres d'envergure dans un hangar de 800 m2 fraichement sorti du sable. Exemplaire unique en Europe ( 6 dans le monde au total ), il est exposé aujourd'hui au musée de l'air du Bourget et va rejoindre le Cotentin le 23 mai à bord de 4 semi-remorques. Un accord entre les deux musée permet à l'aéronef d'être exposé sur Utah Beach pendant 5 ans, cette période pourra ensuite être reconduite en 2016. Ce nouvel espace permettra en outre de mettre enfin à l'abri du vent salé et des intempéries deux importantes pièces du conservatoire jusqu'ici exposées à l'extérieur, et à la corrosion : une barge d'assaut et un char Sherman. Le centre sort également une autre surprise de son chapeau : un chenillier amphibie "Alligator", véhicule américain rare d'un poids de 16,5 tonnes et dédié à l'origine à la conquête des îles du Pacifique.
photo de gauche ( Wikipédia/Pline ) : le B-26 Marauder exposé au musée du Bourget. Il porte encore ici ses couleurs françaises avec la croix de Lorraine. Dès son arrivée sur Utah Beach, il sera habillé aux couleurs américaines.
cliché de droite : B-26 Marauder en vol. Cet avion était surnommé par ses occupants le "Widow Maker", le Faiseur de veuves, en raison de nombeux accidents pendant ses essais, entre 1939 et 1940.
Pour l'architecture, le musée s'est adjoint les services d'un récidiviste, en la personne de Nicolas Kélémen, déjà maître d'œuvre du mémorial de Colleville sur mer. Une minutieuse scénographie présentera les préparatifs d'invasion, l'arrivée des troupes américaines sur Utah Beach, jusqu'à la jonction avec les parachutistes des 82nd et 101st Airborne. Cette réouverture permettra aux visiteurs de découvrir un mémorial dont la surface aura doublée, passant de 1 130 à 2 170 m2. Un projet ambitieux d'agrandissement qui à un coût : 6 millions d'euros sont nécessaires pour mener à bien les travaux. Un million d'euros est pris en charge par la commune de Sainte-Marie-du-Mont, deux millions par les frères Dewhurst, 700 000 euros par le conseil général de La Manche, et le reste assumé par l'Etat et la région.
Maquette du projet : à gauche on remarque le musée rénové, avec au niveau inférieur de nouveaux aménagements.
A droite prend place le hangar abritant la réplique du B-26. ( photo : Nicolas Kélémen Architecture )
Grâce à cette initiative, la direction espère augmenter la fréquentation du site, et passer ainsi de 70 000 à 100 000 visiteurs annuels. Ceux-ci pourront alors évoluer dans un parcours pédagogique mieux aménagé et plus compréhensible qu'auparavant, divisé en 10 étapes et jalonné de bornes interactives, de films et de panneaux inédits. Le port artificiel Mulberry A, bien plus méconnu que son homologue basé à Arromanches, sera aussi enfin à l'honneur. Pendant 5 mois et malgré les dégâts causés par la tempête du 19 juin 1944, son utilisation permit à 836 000 hommes de mettre pied à terre et à 725 000 tonnes de matériels de rejoindre le front en attendant la remise en service complète du port de Cherbourg.
Le mémorial Utah Beach doit donc étrenner prochainement ses nouveaux arguments, avant une inauguration officielle à l'occasion des célébrations du 67ème anniversaire du débarquement le 6 juin 2011. Les passionnés du jour J ont dû s'armer de patience face à l'ampleur de la tâche née dans l'esprit fertile des responsables de l'édifice. " Il fallait oser. " dit en janvier Henri Millet, actuel maire de Sainte-Marie-du-Mont. Cette extension, comme l'opération Overlord, ne s'est pas faite en un jour. Mais elle promet comme son aînée d'être une belle réussite.
site web du musée Utah Beach : http://www.utah-beach.com / photos du chantier disponibles ici
Sources : Musée Utah Beach, La Manche Libre, Ouest France, La presse de La Manche, musée des blindés de Saumur
Remerciements : Séverine Letourneur, chargée de communication du musée du débarquement d'Utah Beach
Pointe du Hoc : travaux pour la sauvegarde du PDT
Par plagesdu6juin1944 | Le 26/02/2011 | Commentaires (0)
Entre Omaha et Utah Beach, le poste de tirs de la pointe du Hoc était fermé depuis 2001 au public. Sauvé du danger de chuter de sa falaise grâce au financement américain, il a réouvert ses portes le 05 mars 2011.
L'entretien et la mise en valeur du patrimoine normand continue sur les plages du D-Day. Le mémorial Utah Beach se refait une beauté et s'agrandit. Non loin de là, c'est un lieu emblématique qui s'apprête à revivre une seconde jeunesse grâce aux concours de l'American Battle Monument Commission ( l'ABMC ) et du conservatoire du littoral : le poste de tir de la pointe du Hoc, haut fait d'armes des rangers américains le 6 juin 1944. L'édifice était fermé depuis des années, car situé au bord d'une falaise haute de 30 mètres, l'érosion naturelle de la roche menaçait la sécurité des 500 000 visiteurs annuels. En effet, depuis la fin du second conflit mondial, le recul de la falaise était devenu significatif, et la dizaine de mètres gagnés par la mer au fil du temps semblait sonner le glas du poste de tirs de la batterie. L'ABMC, agence du gouvernement américain qui gère 24 cimetières et 25 monuments ou sites historiques dans le monde, a donc décidé de voler au secours de ce paisible témoin du D-day et lui éviter une chute malheureuse sur les galets en contrebas. Fidèle à la devise de son représentant feu le général Pershing, " le temps n'effacera pas la gloire de leur action", l'ABMC a donc cassé sa tirelire et alloué 6 millions de dollars ( 4.8 millions d'euros ) afin de renflouer la falaise et sauver le blockhaus parvenu aujourd'hui à 3 petits mètres du vide. Il faut savoir que depuis 1956 et un traité franco-américain, le conservatoire du littoral français est propriétaire du site, mais sa gestion est confiée aux bons soins de la commission US. Dans son projet, l'agence américaine s'est adjoint les services de la société ANTEA, assistant maître d'ouvrage apportant son expertise concernant l'ingénierie des travaux sur la célèbre pointe. Commencé en février 2010, le chantier est porteur d'enjeux importants sur le long terme et suscite l'engouement des passionnés du jour J.
Le fameux poste de tirs de la pointe du Hoc avant travaux. Notez la proximité du bord de la falaise
( photo : Atelier studio Gaudin Ramet / conservatoire du littoral )
Il faut dire que la pointe du Hoc est un site poignant et incontournable du passant sur le littoral normand, une véritable fenêtre ouverte sur le devoir de mémoire depuis 66 ans. Le 6 juin à l'aube, les 225 rangers américains du colonel Rudder se sont lancés à l'assaut de la falaise sur laquelle était posée une batterie de défense allemande armée de 6 canons de 155 mm et défendue par 125 fantassins et 80 artilleurs. Cette fortification constituait donc une belle épine dans les plans d'invasion alliés et un danger pour les troupes arrivant sur Omaha et Utah Beach. Les rangers ont donc lancé leurs grappins, posé leurs échelles et escaladé la paroi sous la mitraille germanique. Un furieux corps à corps s'est alors engagé sur la pointe, dans un paysage lunaire causé par le bombardement naval des navires alliés mouillant au large. Et surprise ! Point de canons dans les casemates ! Soit celles-ci sonnent creux, soit elles renferment un simple madrier de bois ! Finalement les canons seront découverts plus en arrière dans un verger et détruits. Les américains, seuls sur la falaise pendant 2 jours, devront survivre et repousser de nombreuses contre-attaques d'un ennemi supérieur en nombre. Les renforts de la 29th DI arrivant d'Omaha Beach découvriront incrédules le 8 juin les 90 rangers encore en état de combattre. Ces derniers, exténués et à cours de munitions, se servaient d'armes allemandes ! ( voir page sur la pointe du Hoc )
Les ouvriers déménagent avec précaution la stèle de 5,5 mètres postée au sommet du PDT avant le début des travaux
( photo : Atelier studio Gaudin Ramet / conservatoire du littoral )
Plusieurs décénies et quelques tempêtes côtières plus tard, L'ANTEA, entourée des entreprises GTS, EGIS et GEOLITHE, s'est donc mise au travail début 2010 grâce aux fonds américains, en confortant d'abord la falaise. Il lui fallait dans l'ordre:
- combler les cavités en contrebas
- conforter les pentes médianes
- stabiliser les terrains sur les hauteurs
- drainer les eaux en surface
Confortement de la falaise en juillet 2010
( photo : Atelier studio Gaudin Ramet / conservatoire du littoral )
Il a fallu ensuite muscler les bases du poste de tirs en incrustant ses sols de longues tiges en acier de 24 mètres afin de maintenir l'ouvrage. Plusieurs sondes et capteurs ont été placés afin de contrôler les attaques du temps sur le blockhaus et le terrain. Toutes ses actions se faisant dans le respect méticuleux de l'environnement historique de la pointe et de ses cratères ou reposent toujours sous les gravats des combattants des 2 camps. Suite a l'intervention de l'ABMC, le paysage a retrouvé son aspect d'origine et les traces de la grue de 130 tonnes et les infrastructures de soutien de la crête ont alors disparu. Qui pourra dire que 800 tonnes de ciment et 4 km de métal font maintenant partie intégrante de la pointe du Hoc ?
Sécurisation du poste de tirs à l'aide de barres d'acier de 24 mètres
( photo : Atelier studio Gaudin Ramet / conservatoire du littoral )
Voici donc une nouvelle bonne raison de découvrir ou redécouvrir ce lieu mythique du débarquement en Normandie, et de se rappeler l'action héroïque des rangers sur cet appendice haut perché et désigné imprenable par mer en 1944 par les allemands et de nombreux officiers alliés. Les rangers ont tenté le coup et ont réussi. L'ABMC a tenté un autre pari, et elle l'a elle aussi gagné...
Voici une vidéo sur le déroulement des opérations en Mai 2010
( éditeur : GTS )
Remerciements à Regis Leymarie, délégué adjoint Normandie au conservatoire du littoral
Plus d'infos sur le site : http://www.travaux-pointeduhoc.fr/
Photographies publiées grâce à l'aimable autorisation du conservatoire du littoral