La gazette
Léo Major, le maître de guerre.
Par plagesdu6juin1944 | Le 19/11/2018 | Commentaires (0)
Héros de guerre Canadien, vétéran du D-Day, Léo Major a combattu en Europe et en Corée. Faisant preuve d'une extrême témérité et de qualités militaires indéniables, il fit des dizaines de prisonniers et libéra pratiquement à lui seul une ville. Blessé gravement à plusieurs reprises, sa bravoure pendant deux guerres lui valut deux Distinguished Conduct Medal. Une rareté dans l'histoire du Commonwealth.
(photo : Jocelyn Major)
Le Débarquement en Normandie : ça chauffe pour la chaudière.
Lors de la Seconde Guerre Mondiale, certains combattants vont connaître un destin exceptionnel, remplissant leurs objectifs au-delà de la bravoure et parfois même de l'entendement. C'est le cas de Léo Major, pourfendeur en masse de soldats ennemis et meneur d'hommes increvable.
L'épopée de Léo Major débute le 6 juin 1944. Membre du régiment Canadien de la Chaudière, le voici, à l'aube du Débarquement allié en Normandie, au pied des défenses allemandes du Mur de l'Atlantique. Sur Juno Beach, ses camarades du Queen's Own Rifles sont cloués sur le sable par les tirs ennemis. Se servant d'une torpille bangalore, Major ouvre une brèche dans un nid de résistance. Avec le soutien d'un bulldozer, les Canadiens progressent et parviennent à faire taire le bunker et à capturer sa douzaine d'occupants.
Dans l'après-midi, il part avec des compagnons plus en avant dans les terres afin de mener une mission de reconnaissance. Chemin faisant, ils aperçoivent un Hanomag SdKfz 251, un véhicule blindé allemand, occupé par trois soldats. Les Canadiens leur tendent une embuscade. Dans l'escarmouche, un Allemand est tué, les deux autres sont faits prisonniers. Plus tard, dans la première ligne canadienne, les guetteurs sont surpris de voir arriver ce blindé ennemi avec des Canadiens à l'intérieur. Après la fouille du véhicule, Léo apprend qu'il contenait des transmetteurs sans fil ainsi que des codes secrets de communication.
Les jours passent et le front progresse au Sud vers la ville de Caen. En reconnaissance avec quatre soldats, Léo tombe sur une patrouille de cinq hommes de la 1 SS-Panzer-Division. Quatre Allemands sont tués dans l'engagement, néanmoins le cinquième parvient à lancer une grenade avant de succomber. Léo est touché à l’œil gauche et est conduit à l'infirmerie. Malgré les injonctions du médic pour l'évacuer, il refuse. Ses compagnons le voient bientôt revenir au front muni d'un seyant cache-oeil.
Léo Major lors d'une permission au Pays-Bas (photo : jocelyn Major)
Zwolle, libérée, délivrée.
Mais son odyssée est loin d'être terminée, s'exportant au-dehors des frontières normandes et françaises. Durant l'automne 1944, les Canadiens font le coup de feu en Hollande. Dans la nuit du 30 au 31 octobre, partant seul à la recherche de soldats anglais égarés, il capture des ennemis au gré de sa progression. Lorsqu'il rejoint son unité, il a avec lui 93 prisonniers. Pour sa bravoure, il est nommé pour recevoir la Distinguished Conduct Medal, haute distinction qu'il refuse estimant que le Général Montgomery, qui doit lui remettre la décoration, est militairement incompétent.
Le 27 février 1945, il est blessé dans l'explosion d'une mine au passage de son véhicule. En plus de multiples fractures au dos, il souffre de quatre côtes cassées et d'entorses aux chevilles. Refusant à nouveau d'être évacué vers l'Angleterre, il rejoint le Régiment de la Chaudière après un mois de convalescence à Nimègue.
Le 13 avril 1945, Léo Major part en reconnaissance dans la ville de Zwolle encore aux mains des nazis. Il investit les rues, tue ici et là des Allemands, en fait prisonnier d'autres. Jusqu'à tomber sur le QG des SS qu'il nettoie, contribuant ainsi grandement à la libération de la ville. Cette brillante action lui vaut sa première Distinguished Conduct Medal.
Il remet ça en Corée.
Néanmoins, après avoir brillé sur le front européen, Léo Major n'en a pas fini avec la guerre. En 1950, il rempile pour aller se battre en Corée. En novembre 1951, il part avec 18 hommes à l'assaut de la colline 355, promontoire perdu par les Américains au profit des Chinois. Major parvient à reprendre la colline avec son peloton, mais doit bientôt faire face aux contre-attaques ennemies. Deux divisions, 14 000 ennemis, leur font face. Les Canadiens tiennent bon pendant trois jours jusqu'à l'arrivée des renforts. Pour sa ténacité et son courage, Léo Major reçoit sa seconde Distinguished Conduct Medal.
Il devient ainsi le seul soldat canadien, et l'un des trois seuls du Commonwealth, à avoir reçu la prestigieuse médaille dans deux guerres différentes.
Léo Major décéda le 12 octobre 2008 à Longueil au Québec. A 5 500 kilomètres de là, dans toute la Hollande, les drapeaux furent mis en berne. Mais son souvenir perdure toujours. En effet, le Régiment de la Chaudière a créé un trophée en son honneur et le décerne annuellement à sa meilleure compagnie. En 2005, la ville de Zwolle le fit citoyen d'honneur et donna son nom à une avenue. Etonnement, si son histoire est connue aux Pays-Bas, elle est bien plus confidentielle au Canada. Ainsi fut le destin exceptionnel de Léo Major, le fantôme borgne, terreur des soldats Allemands et Chinois, mais icône batave.
A 80 kilomètres au Nord-Est d'Amsterdam, à Zwolle, vous
pouvez emprunter l'avenue Léo Major (photo : jocelyn Major)
Lacey Tingle, le soldat enfin reconnu
Par plagesdu6juin1944 | Le 16/11/2018 | Commentaires (0)
74 ans après avoir été inhumés, les restes d'un membre inconnu de l'armée Britannique ont été identifiés. Le para Lacey Tingle a pu recevoir une nouvelle pierre tombale en juin 2018, en présence de membres de sa famille restés dans l'attente de ses nouvelles depuis 1944.
74 ans plus tard, la famille de retour en Normandie
Ce sont des dizaines de sépultures particulières qui jalonnent les cimetières militaires du Calvados, des stèles sans nom de combattant. Une deuxième mort pour ces soldats restés à jamais sous le pré normand, laissant leurs familles à leurs questions et à un deuil difficile. Ils sont donc là, ces soldats inconnus, portés disparus pour l'armée et leurs proches. Néanmoins, les différents services des sépultures des cimetières continuent depuis la fin de la guerre leur travail d'identification. Et ces enquêteurs, aidés de passionnés, parviennent à glaner quelques victoires.
Ainsi le 7 juin dernier, une émouvante cérémonie s'est déroulée au cimetière militaire britannique de Ranville dans le Calvados. Margaret Keighley, 96 ans, son fils Paul et sa fille Zoe Smith se dressent au milieu des allées de la nécropole. Margaret, accompagnée de ses enfants, est venue se recueillir sur la tombe de son frère Lacey, soldat enfin reconnu. Après un travail de fourmi, un nom a enfin pu être mis sur les restes de l'homme qui était inhumé ici à Ranville depuis plus de 70 ans.
Le cimetière militaire de Ranville
Tué le 6 ou 7 juin 1944
Le 6 juin 1944, les alliés se jettent à l'assaut du Mur de l'Atlantique et lancent l'opération Neptune. Le private Lacey Anthony Tingle, 29 ans, est parachuté en arrière du secteur Sword Beach avec la 6th British Airborne Division. Membre du 224th Parachute Field Ambulance, Tingle a atterri près du village de Douville-en-Auge. Son groupe constitué de parachutistes britanniques et canadiens est encerclé par les allemands. Les échanges entre les belligérants sont vifs entre les 6 et 7 juin, et lors de la bataille, neuf membres du groupe perdent la vie. Ces parachutistes sont inhumés dans le village par les habitants, avant d'être transférés au cimetière militaire de Ranville après-guerre. Parmi ces neuf malheureux figure Lacey Tingle, non identifiable et dont la tombe est marquée du sceau "A SOLDIER OF THE 1939 1945 WAR."* Quant à sa famille, elle reçoit un courrier l'informant que Lacey est Missing in action. Une absence qui va durer 74 ans. Le nom de Lacey Tingle est gravé à Bayeux sur le Mur des soldats du Commonwealth tués au cours de la Bataille de Normandie et n'ayant pas reçu de sépulture.
La persévérence d'un français et d'un anglais
Jusqu'au jour où deux chercheurs, Ludovic Louis et un ami anglais, soumettent après trois ans d'enquête des preuves concernant sa localisation à la CWGC (Commonwealth War Graves Commission). Le Ministère de la défense Britannique entreprend des recherches supplémentaires pour corroborer la découverte du corps de Tingle, finalement confirmée.
Le soulagement et la reconnaissance étaient donc de mise pour sa sœur Margaret ce 7 juin à Ranville : « J'ai été totalement surprise lorsque j'ai reçu la lettre nous informant que la dernière demeure de Lacey avait été trouvée. Je ne pouvais pas croire que cela soit possible après 74 ans. [… ] Ainsi, il est très réconfortant de pouvoir visiter sa tombe et enfin se dire au revoir. Je suis extrêmement reconnaissante à tous d'avoir rendu cela possible. "
Sur la nouvelle stèle de son frère retrouvé, Margaret a fait inscrire : "GREATER LOVE HATH NO MAN THAN HE WHO LAYS DOWN HIS LIFE FOR HIS FRIENDS."** A Bayeux, le Mur des disparus s'est délesté d'un nom. Il en reste encore 2091 gravés dans la pierre.
Lacey Tingle était un instituteur objecteur de conscience qui s'est porté volontaire pour être médecin dans la 6th Airborne.
La CWGC a prêté au Memorial Pegasus la pierre tombale originale qui va être exposée au musée. (photo : Mémorial Pégasus)
*Un soldat de la guerre 1939 1945
** Il n'y a pas de plus grand amour que celui qui donne sa vie pour ses amis