US Airborne : des clics et des clacs.
Par plagesdu6juin1944 | Le 17/07/2018 | Commentaires (0)
Cricket, criquet, ou cliquet. Plusieurs noms pour qualifier un jouet de 5 cm. Mais un bruit qui lui est unique, inscrit au patrimoine de notre mémoire collective. Le son de la Libération.
« Le gars qui est de l’autre côté de la haie, c’est p’têt un bonhomme qui porte pas le même uniforme que vous ! Alors un clic ... doit avoir pour réponse deux clics. » Tête de gondole hollywoodienne du film The longuest Day, c’est ainsi que John Wayne, sous les traits du Lieutenant-Colonel Benjamin H. Vandervoort (2/505th PIR), présente dans son briefing un criquet à une assistance attentive. En 1962, popularisé par le film à succès de Darryl Zanuck, un jouet de 4 sous vient de passer à la postérité, devenant une icône du Débarquement en Normandie.
Néanmoins en juin 1944, ce curieux engin est d’abord le moyen de ralliement des parachutistes américains largués dans la nuit et dans un Cotentin inhospitalier. Car la question s’était posée à l’état-Major allié lors de la préparation de l’opération Neptune* : comment un trooper, parachuté dans la pénombre en territoire ennemi, reconnaîtrait-il les siens ? La solution fut apportée par l’aide de camp du Général Taylor, commandant la 101st US Airborne Division. Dans cette nuit du 6 juin, à l’aube de la Libération, l’identification sonore permettra de s’annoncer, et parfois de garder la vie sauve. Ou celle du camarade caché en face dans le fossé. La survie de certains tiendra donc au claquement d’une lame de laiton chromé de forme parallélépipédique que l’on presse entre le pouce et l’index.
Reçu quelques jours avant le D-Day, les paras doivent lui trouver une petite place accessible parmi les 45 kilos d’équipements qu’ils emportent déjà avec eux. Certains le pendent à leur cou quand d’autres le glissent dans la poche de leur veste. Produits par l’entreprise The Acme, 7 500 criquets sont distribués aux hommes de la 101st. Et pour la 82nd Airborne ? Le Général Gavin, commandant en second de la division, juge ce gadget inutile. Cependant des officiers de la All American ont passé outre cette recommandation, certains vétérans de la 82nd affirmant en avoir fait l'usage le 6 juin. Fayette-O Richardson, pathfinder du 508th PIR, témoigne s'être saisi de son cliquet à son arrivée sur le sol français. Idem pour Franck Staples, D Co du 508th, qui raconte : « J’ai atterri sur les fesses dans un petit champ. Je n’ai pas été long à me débarrasser de mon parachute. Ils nous avaient donné auparavant des criquets. (…) C’est comme cela que nous étions censés nous identifier. Un clic devait avoir pour réponse deux clics ! A moins qu’il ne s’agisse d’un allemand avec un Mauser ! »
En effet le Mauser 98K produit un son similaire lorsque l’on éjecte une balle de la culasse. D’où de possibles et funestes méprises dans les marais normands pour des paras trop confiants dans cet ange gardien métallique. Afin d'y parer, un code vocal vient compléter le dispositif : "Flash", sommation à laquelle le frère d'arme doit répondre "Thunder".
Cette relative utilité du criquet peut être effectivement contestée, comme le montre le témoignage du vétéran allemand Eugene Griesser, membre du Fallschirmjäger-Regiment 6. : « Pour les opérations de nuit, les américains sont équipés de grenouilles en fer-blanc. (…) Dans la nuit, les bruits portent loin, c’est pourquoi, l’idée des Amis de se faire comprendre dans l’obscurité avec ce jouet d’enfant n’était pas très intelligente. S’ils avaient coassé comme des grenouilles, personne n’aurait remarqué cela dans les marais, mais le bruit de ces crécelles de fer blanc était de toute évidence si peu naturel qu’on aurait dû déjà être sourd pour ne rien remarquer. »
Pour les américains, après leur largage, la consigne était de se débarrasser dès que possible de ce grillon. Cependant certains l’ont conservé, comme un symbole emblématique de la fraternité aéroportée américaine et du jour J lui-même. Mais aujourd’hui, lorsque vous entendez ce cliquetis caractéristique, c’est souvent parce qu’il y’a une boutique de souvenirs toute proche.
Côté britannique, l’appeauLogie du canard
Pendant que les américains cliquettent dans le Cotentin, les paras britanniques de la 3rd Brigade cancanent dans la campagne, à l’autre bout de la future tête de pont alliée, à l’Est de Caen. En guise de moyen de ralliement, Le Brigadier James Hill a fait distribuer à ses hommes des appeaux à canard, histoire de mieux voler dans les plumes allemandes. |
*L’opération Neptune est le nom de code donné au débarquement en Normandie des troupes alliées en juin 1944.
Sources :
Livre Le légendaire criquet du Jour J, de Michel de Trez.
Livre 508th Parachute Infantry Regiment, de Dominique François, ed. Heimdal
Livre Même pour 1 000 dollars, de Joël Baret
Magazine 39/45 N°279 Spécial Normandie 1944, Les lions du baron, de D. Maranes
Livres Diables rouges en Normandie, de Georges Bernage, ed. Heimdal
photo : Photobucket.com
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